amazed

(suite de ce rp : www) Quand Ziggy rouvre les yeux, il ne reconnaît ni l'odeur de la forêt, ni l'odeur de sa chambre. Lui reviennent en mémoire les souvenirs de cette nuit folle - Felix attaché dans la cabane, le couteau volé en cuisine, la chute de Sohan, l'arrivée de Joji ; la suite de l'histoire dépendra de sa coopération.

Et aussi surprenant que cela puisse paraitre pour les plus exigeants, Ziggy s'était montré particulièrement docile. Il avait accepté de retirer ses piercings, de revêtre des vêtements plus neutres. Il n'avait opposé aucune résistance à l'enfermement, quand bien même son chaotisme chronique rend le confinement particulièrement angoissant. Sans repères, Ziggy erre dans l'attente d'une sentence appropriée.

(...)

C'est en début d'après-midi que la porte se déverrouille. Père Ilan entre dans la chambre et Ziggy, jusqu'alors en boule dans le lit, à fixer le mur, se redresse brusquement.

Il plisse les paupières et dévisage son patriarche sans rien dire. Il analyse, à l'image d'un animal sauvage - mais dans sa tête, les pensées s'alignent méticuleusement.

Sohan est vivant ?

Leurs vies sont liées ; .
Ziggy sait que la mort de Sohan entraînerait automatiquement la sienne.

Ce n'est pas qu'il en a peur mais il ne veut pas mourir, pas tout de suite - pas avant d'avoir revu Felix.

Qu'est-ce qu'il va m'arriver ?

Pour l'instant, il ne présente pas vraiment de regrets.

La première question d'Ilan s'associe à une logique pervertie du système. Ziggy doit mentir pour sortir - doit leur dire exactement ce qu'ils veulent entendre. Comme il l'a compris assez tôt, il a déjà la réponse en tête. Elle sort plus naturellement qu'il ne l'aurait voulu. Ziggy a un sourire docile sur la figure, et les pommettes ingénues d'un enfant pris en flagrant délit d'immaturité.

Oui, sûrement. Car la Mort est irréversible, alors que là - il y a moyen qu'il s'en sorte.

Mais vu le regard grave d'Ilan - Ziggy ne peut pas espérer s'enfuir trop vite de sa prison dorée. Il va devoir rester ici pour méditer aux conséquences de sa démence, quand bien même la colère lui a fait perdre la tête ; il reste suffisamment lucide pour admettre avoir raté son coup.

Oui, je comprends. Je suis vraiment désolé...

Il baisse la tête pour parfaire son jeu. Ravalent les rictus de vipère qui grignotent la commissure de ses lèvres.

J'ai pété les plombs. Je recommencerai plus jamais.

Ilan s'intéresse à la nature de sa relation avec Felix. Ziggy relève le menton, sourcil arqué, et dévisage son patriarche comme si celui-ci cherchait à le piéger. Il plisse les paupières puis se râcle la gorge.

Je voulais simplement lui parler. En privé. On partage quelque chose de spécial lui et moi, et Sohan a essayé de le saboter. Ce lien - je veux dire. Je l'aime beaucoup, et Felix doit apprendre à me connaître.

Pour m'aimer en retour.

Les mots d'Ilan raisonnent étrangement en Ziggy. Jamais il n'avait été perçu pour ce qu'il est vraiment : un agent du chaos ; un monstre conscient de sa monstruosité, déguisé en brebis. Père Ilan ne le craint pas. Ziggy se demande combien de monstres a-t-iel dû enfermer avant lui.
Combien de brebis a-t-iel élevé à l’abattoir avant lui.
((Non, Ziggy ne se demande pas vraiment ça))

L'adolescent tait en lui les reflux de frustration qui chatouillent ses tripes. Il a l'estomac qui se tord pour la première fois.
Ne fais pas le deuil de sa misérable étoile, ou de sa chambre banale, de ses repas passables. Il fait une croix sur ce lien spécial dont Ilan le prive.

D'accord !

Il penche la tête et sourit, sincère dans sa reconnaissance éternelle. La promesse de voir Felix le ravit autant qu'elle le fait vibrer sur sa chaise. Il punit Ilan en lui offrant la vue d'une effusion de joie déplacée et obscène, quand l'état de Sohan ne lui inspirait qu'une indifférence presque désobligeante.

Je serais sage ! Sage comme une image ! Je ferai tout ce que tu voudras, Papa.

Ziggy aime voir l'expression de malaise qui s'imprime, même furtivement, sur le visage des adultes, quand les blocard-es les appellent par ce surnom, avec une familiarité qu'on ne réserve pas aux bergers.

Pas de deuxième fois. Je comprends.

Il répète, guilleret. Ziggy ne pense plus qu'à Felix et à la chance qu'Ilan lui donne si généreusement.

Et Sohan... Je dois m'excuser, c'est ça ?

Tu vois comme les monstres apprennent vite ?

La main d'Ilan sur son crâne ramène Ziggy à sa condition d'animal bien domestiqué. Il exècre sa docilité - mais elle lui permet de survivre en ce bas monde. S'il faut s'agenouiller face à l'autorité pour exister, alors il le fera sans rechigner. C'est un instinct de survie comme un autre. Certain-es ne s'émancipent qu'au travers d'une véhémence agitée, propre à l'insurrection des rebelles.

Merci.

Ziggy accueille l'affection factice d'Ilan avec grâce. Il ferme les yeux et nourrit le désir de le sentir de nouveau. La sensation de sa caresse disparaît peu à peu, comme si elle n'avait tout bonnement jamais existé. Quand il rouvre les yeux, Ilan lui donne les instructions et lui demande s'il a compris, ce que Ziggy acquiesce d'un hochement de tête.

Je m'excuserai, alors. Et je me tiendrai bien pour ne pas ruiner ma seconde et dernière chance.

Il répète sa leçon comme un automate.

Tu peux me faire confiance !

Il incarne la preuve ultime que le visage dévot et les serments pieux lui servent à enrober de sucre le Diable lui-même.