amazed

stare in silence

l’infirmière est venue chasser maximax de la pièce. apparemment, un parent est là. et apparemment, ce parent, c’est rea. j’le sens pas trop, seule dans la chambre de l’infirmerie, recroquevillée au fond du lit. j’sais pas ce qu’on va me dire, si on va m’engueuler, ce qu’on compte faire de moi. j’aurai aimé que max soit là, avec moi. elle m’aurait donné du courage, max.

rea entre dans la pièce. l’ambiance change. j’aurai préféré que ce soit pierrot mais je suppose que c’est normal d'appeler la cheffe-suppléante pour ce genre de cas. enfin, je crois ? est-ce que mon cas et si important que ça ?

castor.

je frémis tandis que mon prénom vient briser le silence pesant. j’ai l’impression que je vais me faire dévorer. le bonjour vient après. il me semble terriblement inhumain.

“b…bonjour.”

après ça, plus rien. l’oeil scrutateur qu’est rea me fixe. j’ai l’impression qu’il faut que j’enchaîne, mais je ne sais pas quoi dire. alors je soutiens son regard, mal à l’aise. je cherche un échappatoire, à droite, à gauche, en bas, en haut. le plafond est blanc. rien de bien intéressant. alors je me replonge dans ses yeux, le visage défiguré par l’angoisse qui monte et je lâche:

“euh… vous allez bien ?”

je n’ai pas trouvé mieux mais je crois que c’est comme ça qu’une conversation fonctionne entre deux êtres humains. et jusqu’à preuve du contraire, nous sommes deux êtres humains. enfin, je crois.
avec rea, je ne suis plus sûre de rien.

stare in silence

ma tentative de conversation ne va pas très loin. rea n'est peut-être pas humaine, finalement. ça ne m'étonne pas plus que ça. je me mords la lèvre, mal à l'aise. j’aurai préféré pierrot. elle aurait rit, pierrot. pris ma défense, sûrement. j’aurai pu mentionner max: on s’en serait très bien sorti. je ne comprends pas pourquoi je dois me coltiner la cheffe suppléante. je veux dire - n’a t’elle pas mieux à faire que de gérer une malencontreuse chute d’une sans étoiles ? je ne vaux rien, à leur yeux. je ne suis pas importante. alors pourquoi ?

le silence est pesant. je l’aime, normalement, mais pas face à ce regard inquisiteur. là, tout de suite, il m’angoisse. peut-être parce qu’avec ma jambe, je ne peux pas m’enfuir ? je ne sais pas. je me sens coincée, piégée. je n’aime pas ça. j’attrape mon téléphone pour écrire à tay. c’est nerveux: il faut que je fasse quelque chose. c’est ma seule piste d'échappatoire pour ne pas céder à l’anxiété.

le silence est brisé par la question que je redoutais. je grimace avant de réfléchir. qu’est-ce qu’on a dit à l'infirmière, déjà ? ah, oui.

“je suis tombée.” sourire niais. c’est une évidence mais il faut toujours commencer par quelque chose de fondamentalement vrai. “mon pouvoir s’est déclenché, je n’arrivais pas à redescendre…” c’est à moitié vrai. “et il s’est stoppé d’un coup et je me suis cassée la g… figure.”

il faut rester polie face aux parents.
la dernière phrase est la plus vraie de toutes. je suis tombée de par mon incompétence à savoir maîtriser ma foutue capacité. j’ai pris peur, j’ai eu le vertige, un flot d'émotions m’a traversé et forcément: boum. la chute.
je fais la moue. non pas à cause de l’angoisse de la situation ou du mensonge caché dans ma version, mais bien parce que ça me gonfle d’être aussi nulle.

“j’en ai pour combien de temps ?”

cette fois c’est moi qui brise le silence. l’infirmière a estimé entre une et deux semaines, qu’elle verrait avec un parent. moi, j'ai besoin de savoir: dans presque 10 jours, il y a notre concert...

stare in silence

l'ambiance est pesante. max me manque. son rire, au moins, semblait assez fort pour transpercer les nuages et faire venir le soleil. ce n'est pas le cas de rea. rea ne rie pas, elle ne sourit pas non plus. il n'y a rien, en fait. si elle ne parlait pas et qu'elle ne respirait pas, je pourrai croire qu'elle est morte.

je cligne des yeux sans comprendre les mots que je viens d'entendre. j'affiche une grimace et je me sens soudainement ridicule. je n'aime pas ne pas comprendre, ça m'arrive tout le temps alors j'ai appris en faire abstraction. mais il y a ces moments où la réalité me rattrape et me rappelle que
alors je rougis.
de honte.

"ah ah… oui, évidemment… je vois…" je ne voyais pas du tout, bien sûr. mais je me trouve une contenance pour paraître et faire croire que j'ai tout compris - j'ai rien compris. "ah ! parce que…"

là, ce sont des mots qui me parlent. mieux que ça, il y a enfin une question qui ressemble à un semblant de conversation.

"ça m'arrive quand les émotions sont trop fortes." je baisse la tête. "je maîtrise mal mon pouvoir depuis… depuis la section." il y a sept ans. presque huit années car je suis née en octobre et aucun progrès depuis. je serre du poing, froissant les draps. "que ce soit la colère, la gêne ou la panique… parfois ça me prend et je me met à flotter."

je parle plus de ce qu'il s'est passé auprès de pollux, dans la foret, avant hier; que de mes aventures avec max. les émotions expliquent la chute, le décollage, lui, était voulu.

"oh."

deux semaines.
c'est beaucoup trop.

"c'est pas possible de raccourcir ? de faire un truc pour que... pour que ça guérisse plus vite ?"

mon regard implore rea et ma voix est soudainement emplie d'émotion. dans dix jours, j'ai le concert. je DOIS être en forme d'ici là. je ne peux pas faire autrement ! j'ai promis à tout le monde ! à love, dani, argo, max, tay ! j'peux pas rater ça pour une pauvre chute !

"euh... c-comment ça l'implication ?"

la froideur algorithmique de rea me ramène brusquement à la réalité. je prends un temps pour redescendre de mon angoisse quant à la soirée des bacchanales. le ton de rea vire plus à l'interrogatoire qu'à une conversation et ça me plaît beaucoup moins. ma propre question, cependant, est sincère: je n'ai pas compris ce qu'elle attendait de moi.

stare in silence

pourquoi j'ai volé ? à cause de quelle émotion ? je comprends mieux la question. je réfléchis et je baisse la tête. j'ai honte de ma futur réponse.

"je..." je serre le drap du lit de mes mains. "c'était de la gêne." et comme tout à l'heure, mon visage devient rouge. "Max m'a parlé d'une fille, sous-entendant qu'on était amoureuse. mais j'suis pas amoureuse hein !" j'hausse le ton pour convaincre Rea, ou pour me convaincre moi. "ça m'a mit mal à l'aise et j'ai paniqué… voilà."

c'était cette émotion là. j'ai un peu chaud alors j'essaye de me calmer. les lèvres pincées, les yeux plissés, je tire un peu la gueule parce que visiblement, la cheffe suppléante ne compte pas m'aider à améliorer mon état.

"Selen ?" il est pas réputé pour être hyper sympa de mémoire. je ne lui ai jamais vraiment parlé. c'est qu'à part Ena et Felix, j'aime pas trop mes adelphes. "je verrai…"

Rea n'en démords pas pour max. ça commence à me tendre un peu. je suis douée pour éviter les questions mais pas pour mentir de front. il m'est toujours apparu plus simple de fuir que de faire face. qu'est-ce que je dois faire ? j'ai promis à Max de la protéger. aller castor, fait un effort.

"elle était là. Max est une amie. on traînait ensemble. on a parlé de filles. et voilà."

ma trempe tressaute. je me concentre pour tisser une histoire plausible. techniquement je n'ai pas menti puisque tout ce que je dis est réel. j'ai juste oubliée une partie de la vérité. mon regard pivote vers Rea. j'ai peur qu'elle ne comprenne ma combine. je me redresse pour rester droite et fière mais la panique me gagne. ça m'fait chier mais je sens que je suis coincée. putain, déconne pas Castor, c'est la suppléante quand même.

"on se baladait prêt des portes. j'aime passer du temps avec elle, et ça faisait longtemps qu'on ne s'était pas vu. mon pouvoir s'est déclenché à cause de la conversation citée précédemment, et j'suis tombée."

j'ai chaud. je n'aime pas mentir. mais je tiens le coup. pour Max. dans cette histoire, je veux être la seule à chuter.