amazed

flying high, see the light

en vrai de vrai… j’suis vraiment pas sûre que ce soit une bonne idée. genre, vraiment pas du tout. mais max a dit que ça irait, max a dit qu’elle maîtrisait. elle est coureuse après tout. elle sait ce qu’elle fait. et puis max c’est une pote d’argo et moi j’veux pas décevoir argo du coup faut pas que j’décoive max. cqfd.

j’suis plantée devant les murailles du labyrinthe, la tête tournée vers les sommets et j’ai genre, un vertige inversé. j’essaye de faire la meuf forte, de faire genre j’suis courageuse mais j’ai putain de peur. “euuuuh… ouais. t’inquiète j’ai pas le vertige…” mensonge mensonge mensonge !j’ai le vertige depuis la sélection depuis la panic! room depuis que mon pouvoir s’est mit à déconner. j’ai pas bien compris le plan j’crois il faut que je m’envole et que j’embarque max avec moi… un truc comme ça.

“oui alors.. le truc c’est que j’sais pas si j’arriverai à porter le poids de ton corps en flottant…”

faudrait déjà que j’arrive à flotter et ça c’est pas gagné. en vrai de vrai, ça va. j’ai progressé donc maintenant j’arrive à déclencher mon pouvoir quand je le veux. le problème étant qu’il se déclenche lui aussi quand il le veut.

je m'exécute parce que max c’est la cheffe et moi j’suis juste le soldat. mes baskets sont enlevées et balancées de ça et là. j’ai pas trop compris comment max veut que je me mette mais je la laisse me guider. une fois bien calée, je lui demande: “j’y vais ? tu m'promet pour les 5 tickets hein ?” j'veux pas m'faire arnaquer. et si c’est oui ben j’active mon pouvoir en me concentrant en un effort considérable et puis je prie je prie je prie pour qu’il me lâche pas non plus parce que j’ai pas trop trop envie de tomber à m’en briser la nuque.

flying high, see the light

ah, oui, je me disais bien que c’était vachement foireux comme idée de toute façon. je soupire, un peu rassurée. j’ai toujours pas hyper bien compris ce que max attendait de moi mais bon dans la vie faut y aller alors c’est parti ! max a promis.

j’active mon pouvoir en me concentrant beaucoup et je sens que mon corps se met à partir. c'est une sensation étrange que j’ai appris à détester. c’est comme si le poids de la gravité s’inversait et que ça remontait des pieds à la tête alors que normalement c’est l'inverse. ça se gonfle dans ma poitrine et ça flotte et flotte et ok j’me sens partir !

“ça… ça y ! je flotte !”

max s’est redressée et ça m'impressionne comment elle est grave forte max. c’est max la menace. mes pieds sur les épaules et ses mains sur mes genoux pour bien les verrouiller, les sécuriser. une fois debout je tends les bras en “t” pour garder l’équilibre même si je suis pas super persuadée que ça marche mais j’ai vu ça dans les films.

“wo…wow !!” je m’esclaffe parce que je crois que j’ai jamais été aussi grande. “aaaaaaaah !!”

et j’crie parce que max s’est mise à cavaler et c’est qu’elle court super vite même si je sais qu’elle y va pas encore à fond. je tangue un peu mais je reste stable tandis que mes pieds quittent ses épaules pour flotter à dix centimètres. je commence à sentir le vent qui me fouette le visage mais wow la vue est incroyable !

“plus vite !!! et saute pour qu’on plane !”

j’me suis prise au jeu super vite mais je me demande si je peux faire l’effet d’une paravoile et si on peut bondir de colline en colline.

flying high, see the light

putain ça marche ! je le savais ! je suis un génie ! donnez moi le prix nobel de physique ! quand max accélère et qu’elle saute dans les airs on a un temps de flottement comme un planeur et c’est trop cool. j’écarte les bras pour faire l’avion comme si c’était mes ailes. “je suis contente que ça te plaise !!” en fait je suis étonnée que ça ait marché mais purée qu’est-ce que c’est cool. je pivote la tête pour regarder les alentours mais en vrai de vrai c’est impressionnant d’ici mais dans les faits on est pas si haut.

“beeen, non, pas d’étoiles… par là j’vois juste les murs. ils sont super grands on est clairement trop ptites..” les murailles s’élèvent à combien de mètres déjà ? quatre ? cinq, six ? dix ? j’en sais rien, j’ai aucune notion des distances et j’ai oublié quand les parents l’ont dit en cours. “par contre par là je… je vois les bâtiments de la société !! c’est trop b-”

beau. mais ma voix se coupe et le son ne sort pas parce que je réalise avec effroi à quel point je peux voir loin. quand max bondit entre deux foulées, quand on est au sommet de notre trajectoire parabolique, on est tellement haute. ça fait combien de temps que je n’ai pas plané autant ? ça fait combien de temps que je n’ai pas flotté aussi haut ? ça fait combien de temps que je n’ai pas chuté ?

la panique me gagne alors mauvais réflexe, ma tête plonge vers le bas et je regarde le sol. le sol me semble déjà si loin tandis qu’on cavale et j’sens l’angoisse qui monte et qui monte et putain ça y est j’ai peur. j’ai peur alors je bégaye entre cri strident et hurlement “m…max… max me lâche pas j’ai trop peur… promet moi que tu me lâchera pas !!!” parce que si elle me lâche je vais m’envoler je vais partir au dessus des murailles je vais finir dans le cielet puis y’aura plus d’oxygène et puis et puis et puis.

je vais mourir.

“AAAAAAAAH.”

je crie comme max me l’a demandé mais pas pour hurler au monde ô combien j’ai réussi. je hurle de peur parce que je me rappelle la panic! et mon enfer personnel et que dès que max bondit un peu plus haut j’ai tellement peur de pas revenir sur terre.

je crois que je vais m’évanouir.

flying high, see the light

mon corps se raidit tandis que max baragouine des trucs incompréhensibles. je sais pas si j’ai entendu parce que je hurle comme une marmotte qu’on égorge ou si c’est mon cerveau qui bloque l’info mais en vrai de vrai j’ai quand même entendu et ça me plaît pas du tout. la colère grogne et me monte au cerveau, à moins que ce ne soit l’angoisse et ses frissons glacés ? j’en sais rien parce qu’entre mon vertige qui grandit et la mention de pollux qui était la DERNIÈRE personne à qui j’avais envie de penser aujourd’hui, ben ça va pas des masses.

“m’parle pas d’elle !!”

je réplique sèchement et je chasse en vitesse toutes pensées qui concernent pollux et surtout surtout cette image horrible d’elle qui qui… non castor tais-toi tais-toi tais-toi cherche les étoiles dans le ciel pense à autre chose regarde par terre !

par terre. y’a une pente, par terre. max dévale la pente, par terre. et qui dit pente dit chute et oh mon dieu je vais tomber.

“o…oui…” je respire toujours je crois par contre euh max comment te dire mais j’ai une sacré mauvaise nouvelle: “max. on tombe.”

c’est le seul truc que j’arrive à lâcher d’une voix toute faible et le souffle coupé parce que si ça prends du temps pour s’envoler, la gravité, elle, est beaucoup rapide pour nous rappeler. du coup on chute et pour compenser j’hurle encore:

“ME LÂCHE PAAAAS.”

si elle me lâche, je pars comme un boulet de canon qu’on aurait catapulté en l’air. est-ce max sait qu’un trébuchet peut envoyer un poids de 100kg à 300 mètres ? et comme je pèse pas 100 kg mais bien 50kg ben ça voudrait dire je vais partir à 600 mètres. et j’ai pas envie de fendre l’air sur 600 mètres. ni 300. ni même cinquante en fait.

en tout cas ce qui est sûr c’est que mon foutu pouvoir vient de nous lâcher et j’saurai pas dire si c’est à cause du vertige ou parce que l 'horriblement beau visage de pollux vient de m’apparaître dans ma tête que ça m’a fait PEUR.

mais en tout cas on tombe, ça c’est sûr. ça dure pas longtemps car comme dit les chutes c’est rapide. je me ramasse au sol et j’entends crac au niveau de ma jambe et j’espère j’espère que j’suis pas tombée sur la tête de max et que je lui ai pas brisé le cou parce que je saurai max comment cacher son corps et que je veux mes cinq tickets. (et parce que c’est ma pote aussi) “agh putain…” heureusement pour ma culpabilité la douleur me ramène à la réalité. j’ai le menton plein de terre je crache de l’herbe, j’ai les mains écorchées vives à cause des gravats et je crois que je saigne mais le plus grave et ce qui me coupe le souffle c’est ma cheville droite qui me lance.

“m…max ? ça va ? j’suis désolée ! tu t’es fais mal ? tu vas bien ? j'suis tellement désolée...”

d'être aussi nulle. que mon pouvoir nous ait lâché. qu'on soit tombée. c'est de ma faute et je suis désolée. je le dis en chouinant, les larmes sur le bout du nez parce que j’suis qu’une sale gosse qui pleure un peu trop vite face à la douleur mais surtout face à la peur que max soit blessée à cause de moi. et puis je grimace et je me tiens la jambe parce que putain j’ai mal et j’ai ruiné mon short.

flying high, see the light

j’écoute plus du tout ce qu’elle raconte parce qu’on a chuté mais je lui demanderai plus tard de quoi elle parle par rapport à pollux parce que ça m’inquiète (un peu) quand même. pour le moment je suis les fesses par terre à me tenir la jambe et à me mordre les lèvres. j’essaye de tenir pour réprimer mes larmes et un bruit sourd qui viendrait de ma gorge. soit forte, castor. soit forte.

je suis un peu soulagée quand max me dit qu’elle a rien parce que je crois que je me serai pas pardonnée. ça m’aide à oublier ma propre douleur et à tenir le coup parce qu’en vrai j’ai quand même pas envie de passer pour un gros bébé ou une faible même si c’est ce que je suis.

“t’inquiète… ça… ça va aller, j’ai l’habitude aussi…” des chutes. je tombe souvent et ça va des bleus aux entorses. une fois à quinze ans je me suis cassée la jambe. “ça a chauffé d’un coup mais là ça se calme… ça doit être une entorse…” grand max, peut-être une foulure si j’ai de la chance et ça durera que deux jours. “je suis désolée j’ai tout gâchée…”

j’essaye de faire la maligne sur la douleur mais en vrai j’ai giga honte de moi putain foutu pouvoir qu’est pas foutu de fonctionner quand j’en ai besoin ! enfin bref reste fière, castor, et remet toi sur tes jambes pour filer d’ici parce que t’es pas digne, avachie dans l’herbe.

“tu peux m’aider à me rel- eeeeeh !”

pas le temps de demander que max me soulève dans ses bras comme une princesse. je rougis un peu parce que j’ai pas l’habitude d’être portée comme ça par une fille et que ça m’impressionne quand même beaucoup. je suis tellement pas à l’aise que j’ai l’air d’un t-rex ou d’un crapaud surpris.

“je.. euh… merci…”

je détourne le regard, timide, honteuse. ça finit sur un merci parce qu’au final, il ne reste que ça à dire. je passe mes bras autour du cou de max pour éviter de tomber une deuxième fois.  max se remet à courir mais cette fois-ci, pas d’étoiles ou de mauvaises surprises: juste l’infirmerie.