amazed

Max a quitté la marée humaine, s'est éloignée des embrasements dorées de la foule afin de ne pas s'y faire happer, de ne pas voir les zébrures sous son voile se sertir d'un ocre bordeaux. Elle veut que son cœur reste intact, les ecchymoses encore claires et les linéaments assez ouverts pour encore sentir la peine.

Le pan de la chemise cavale sur son bassin, Max a essayé de corriger les plis qui déforment la silhouette filiforme, le pantalon un brin trop court sur ses chevilles et ses baskets dévorées par l'usure d'un temps qui n'est déjà plus.
Entre ses doigts, elle a récolté les fleurs en liséré de rivière, les a entouré autour de ses bracelets qui se sont dérobés de ses poignets. Ils ne sont pas pour eux mais pour lui, son attention n'est plus à prouver, c'est une mélancolie qui l'exècre parfois, à se souvenir au fond de son lit sans pouvoir toucher un rêve en sa compagnie.
Lorsqu'elle court au travers de ces murs éméchés, Max laisse ses ongles râper les fissures qui s'y inscrivent dans des formes imaginaires, elle cherche une tâche de sang, un indice, quelque chose.
Peut-être, il est là quelque part, s'est-il échappé. Son âme, dans les méandres d'un autre monde à danser au bord de la mer, les orteils au fond du sable et le soleil dans son drapé d'aurore.

À son tour elle espère que si son corps s'éteint un jour, à force de s'élancer lorsque les dernières secondes défilent, que les portes forment une étreinte violente et qu'il faut s'en échapper pour ne pas finir en lit d'organes compressés - son âme ira ailleurs, loin.
Par dessus les eaux bleutées et sous les voûtes célestes, à faire des arcs autour de la lune et à s'aventurer dans des contrées inconnues.


Sa voix a raillé, la faute au concert, à Castor dont la fougue a forcé ses cordes vocales à vibrer trop forts, à faire des arabesques entre les silhouettes de ses adelphes.
La blonde s'avance à hauteur de Cesar. Ils sont similaires, avec un poids léger et une taille unique, Max n'a cependant pas d'un sang lié au sien, pas complètement. Tu as aimé le concert ? Castor, Love et Dani étaient super chauds. J'ai carrément la voix éteinte.. Un léger sourire étire ses lippes humides, sa main se porte à sa gorge pour appuyer ses propres tandis que dans l'autre, les bracelets forment un nœud fleuri.

Ce n'est plus un secret pour elle, de cet endroit où les offrandes s'inscrivent silencieusement et dans une solitude qu'elle n'ose pas imaginer.
Elle est déjà venue, glisser des pétales puis des perles. C'est la première fois qu'elle assemble les ronds avec les gerbes. Tu vas bien ?
Pour l'instant elle n'ose pas parler de Céline. C'est une arcane qui ne peut s'éteindre sauf si on y pose des mots dessus.

Rire, encore et encore. C'est une drôle de façon de faire vibrer sa gorge, de chantonner sans froisser et de parler sans rien dire.
Cesar se plaint et elle peut le voir ricocher sans se tromper sur le mur, buriner depuis six ans.
Les noms s'entassent comme des souvenirs ancestraux, des fragments d'une vie qui n'a désormais plus de sens car ils ne sont plus.
Max n'en croit néanmoins rien, elle est certaine qu'entre les grognements effrayants des monstres du labyrinthe, les âmes des défunts errent ou ont déjà trouvé la sortie. C'est une certitude qui lui permet de ne pas s'effondrer quand ses pairs finissent par s'éteindre et disparaître.
Malgré les fanfares chantées par Pierrot quant à son ascension au Paradis, Max ne veut pas s'y rendre. Elle veut que le labyrinthe finisse par s'effondrer et que les adultes paient eux aussi le prix des blocards disparus au fond de ces murs.

Tu veux qu'on aille sur scène et qu'on s'essaie à la chanson Cesar ? J'espère que tu sais jouer au moins d'un instrument grâce au club, parce que moi je sais juste taper des mains. Ses paumes claquent et son regard s'accroche finalement à son profil, à la droiture du nez et aux pommettes saillantes. Malheureusement j'ai pas pu être là pour ta prestation, mais je suis sûre que c'était génial. C'est plus performatif le théâtre que la musique, ils étaient sûrement juste timides à l'idée de faire trop de bruit.
Il faut bien défendre ses adelphes, Cesar peut comprendre. ((elle pense))

Il lui a souvent paru honnête, Cesar. Max n'a jamais su se lier à lui comme elle a pu faire avec Celine. Ça a toujours été déplacé entre eux, trop étrange pour réellement s'engager. Mais Max n'a pourtant jamais cessé d'essayer, car Cesar est toujours une partie de la vie de Celine, l'inverse vaut aussi. Elle ne peut se résoudre à tout abandonner. Merci. J'ai essayé quelque chose de nouveau, je me suis dis que ça lui plairait, des bracelets qui tintent à ses poignets.
Ses prunelles sont devenues sombres sans la lumière écarlate du soleil, elle s'accroche à celles de Cesar et dépose finalement l'offrande devant le mur, là où les aumônes ont fanées. J'aime bien croire que Celine et son âme ont trouvé la sortie. Et quand je rêve j'espère qu'il vienne me le dire. Ses doigts se collent à ses tempes tout en fixant Cesar mais l'étreinte se relâche et un souffle bouscule son rire. M'enfin. Ça se passe comment dans tes nouveaux clubs ?
Elle se demande si les jumeaux font toujours pareil, si comme elle, le chiffre 2 est leur préféré et que tout, doit se compter par 2.

Le manège s'enclenche finalement, ses phalanges glissent contre le pouce et Max retient le courant qui doit s'abattre hors de l'ivoire de sa chair. S'il se vexe c'est bon signe. Ça le poussera à être meilleur sûrement. Une ronde-bosse destinée à ce que tous la voit, c'est une sculpture entière où les finitions ont été faites avec minutie, où les drapés sont taillés dans une justesse sainte. Cesar et Celine sont deux bustes dont l'un a fini par s'effriter et par casser tandis que l'autre tient toujours debout, les fissures reliées à l'or et au vermeil.
Désormais ce n'est pas par compte de 2 que Cesar calcule mais par impair, par 1 car sa moitié s'est immiscée dans les limbes du labyrinthe, happée par des abysses impénétrables.

Si Cesar se voit déposséder de son sourire, celui-ci vient grapiller la place sur ses babines à elle, s'étire et fait remonter le pourpre du palpitant jusque ses joues.
Peut-être Celine est-il devenu une de ces divinités gribouillées dans les vieux livres d'histoire, peut-être qu'en faisant propitiation, qu'en s'offrant toute entière à lui, cage thoracique scindée, ce n'est pas le sang qui en coulera mais des pétales et de l'eau salée. J'espère. De toute manière si c'est un autre qui s'amuse à y toucher, j'irai demander à Ziggy de jeter un maléfice.
Il n'était pas question que ses œuvres finissent aux poignets des autres. C'est un cadeau authentique qui doit revenir à son unique destinataire pour ne pas perdre de sa superbe et de son sens. Son âme s'y est installé, une part infime, minime, mais un fragment de sa vie y réside désormais.

Cesar étale ses plans d'avenir, de ces étoiles qui doivent se joindre en file indienne par dessous la poitrine, à s'incruster à sang dans l'grenat qui tonne. Max regarde son visage, la couleur cendrée de ses mèches qui cloisonnent ses tempes, de la charnure légère de ses lippes et de la rondeur que prend son nez lorsque les tissus de ses joues froissent à chaque mot prononcé. Je te le souhaite Cesar. Tu vas y arriver, rien n'est impossible pour toi n'est-ce pas ? C'est un aveu sincère qui n'a ni malice ni cruauté. Si quelqu'un peut réussir sous le déclin, c'est lui.
Il n'a désormais plus besoin de compter par 2 et personne ne peut lui faire de l'ombre, Cesar est le dernier de cette paire.

Ses paupières brillent des résidus du maquillage, les dents se dévoilent légèrement et lorsque Max l'entend déblatérer sur un supposé amour dont elle-même n'avait pas idée, sa langue râpe l'email ivoiré et se met à rire, ses doigts finissent par se retrancher dans le creux de sa taille, s'enfonce contre la chair tendue.
J'espère partir. Loin de l'enclave. Je veux que le paradis ne me soit pas imposé, je veux qu'il soit quelque part dehors, alors pour l'instant je dirais que je ne voudrais ni rester ni partir. Puis elle s'arrête un instant avant de répondre tout en faisant un pas vers Cesar. Tu penses que j'étais amoureuse de Celine ? C'est mignon mais non. J'ai toujours préféré les grandes brunes aux grands blonds.
Son regard toise toute la stature grâcieuse de Cesar, si elle a su apprécier des garçons, son attention s'est souvent posée sur les femmes, surtout sur elle, c'était une histoire contée par les étoiles depuis longtemps. C'est juste qu'il ne faut pas l'oublier, Celine. Il ne faut oublier personne ici. Car on l'oubliera Max, ce n'est pas inscrit dans une constellation d'aérolithes mais sur le visage de ses adelphes, dans les chants cathartiques qu'on scande à la messe de minuit.
Max n'a rien des inoubliables, elle n'est ni la forêt ni la rivière. Son existence n'est fondée que par des souvenirs qui manquent et qui périssent un peu plus à chaque fois qu'elle n'arrive pas à dormir, que sa mémoire s'emmêle et que le réel s'invite à l'imaginaire.

La convaincre de rester.
Pas même Argo en aurait été capable.
Pas même Pierrot en aurait été à la hauteur.
Pas même Loup aurait brisé ses rêves d'ailleurs.

Rien n'a jamais été suffisant ici, pour que Max veuille y rester. Alors même si ses étreintes avaient été pour Celine et ses mains pour son cœur, Cesar n'aurait pas réussi à la convaincre d'abandonner ce désir du dehors et des véritables étoiles, de la transpiration qui brûle la peau sous le soleil.

Ils vont tous partir d'ici.
Ça étire ses badigoinces et fait rire Max. Ses perles étincelantes s'accrochent à celles plus ternes d'un supposé ami. Et toi Cesar, tu ne rêves pas de construire ton propre paradis que celui qui t'est imposé à ta majorité ? Si tout le monde rêve de partir, ça veut bien dire quelque chose.
Elle abandonne l'appui de son regard pour errer à travers tous les noms.
Sa poitrine se meut doucement au rythme régulier des battements puis elle éclate de rire en l'attendant. Une paume vient cacher ses lèvres. Hein ?! Mais je sais pas chanter Cesar... Je peux danser et te faire danser si tu es d'accord.
D'un pas timide quoique déterminé, Max s'approche de lui et entoure ses épaules de son bras en lorgnant toujours sur les gravures. .... Tu trouves ça gênant si je te touche ? Sinon j'arrête. C'est l'habitude.
Elle se demande si de loin, ils ont l'air d'adelphes. Pas comme il était avec Celine. Mais quelque chose d'aussi intime. D'une paire. Comme avant.

Max laisse ses doigts faire des rondes contre son épaule qui ne veulent rien dire.
Son sourire est toujours tiré - confortable, devant cette prison qu'elle finira par déjouer. Il y a toujours une sortie. Tant pis si elle doit finir par creuser la terre, s'arracher les ongles et sa pulpe, saigner jusqu'à en tomber raide.
Un autre trouvera son travail - terminera.
Il n'y a pas de fin. La mort n'existe pas.
Ce n'est qu'un commencement nouveau, une renaissance sacrée.

Pour vivre une vie qui n'est pas imposée. Max détache le bras de Cesar sans contenir son rire lorsqu'il aborde ses préférences romantiques. Elle n'est pas vraiment étonnée. Puis il doit bien y avoir des choses à faire, dehors. Quitter l'enclave c'est avoir une seconde chance, qu'on a choisi pour de vrai. Pas une promise.
Ses prunelles retombent contre les courbes des prénoms perdus - elle ne veut pas d'un Paradis factice. Elle veut le sien.

Sa proposition agrémente son visage de pourpre - l'excitation la pousse à avoir la bouche ouverte, les poings qui se calent contre les hanches. Quelle question...
Sans patienter - Max s'empare de la main de Cesar, celle qui est venue tenir son menton afin d'étreindre ses doigts aux siens, sans s'y mêler.
Ils finissent par abandonner les adelphes tombés - mais ils ne sont pas morts. Non.
Ils vivent. Encore.