amazed

What's fucked up, and everything's alright

il s’est passé trop de choses dimanche soir. trop de choses auxquelles je ne veux pas penser.
les souvenirs sont flous et se mélangent dans ma foutue tête. pire que ça, dans le fond de ma gorge, je ressens de la honte.

tout était bien jusqu’au concert, tout se passait bien. et puis… et puis il y avait eu paris, il y avait eu argo et max, il y avait eu pollux. je sais pas quand ça a commencé - sûrement avec paris - mais tout à dégringolé et et et…
et je sais plus.
je sais pas.
ça m’énerve.
y’a rien qui va.

j’ai ghosté tout le monde depuis deux jours. je veux voir personne. je veux parler à personne. j’me suis renfermée, cachée sous ma capuche, les écouteurs dans les oreilles. j’ai fuis tout le monde parce que j’veux voir personne. j’veux qu’on m’foute la paix, qu’on m’laisse tranquille et qu’on m’oublie juste cinq minutes. pitié.
je sais qu’c’est nul, que tout le monde me cherche, qu’on veut parler avec moi, savoir ce qui va pas… qu’il faut que je confronte pollux et puis argo et max aussi parce qu’elles doivent bien se rendre compte que je boude mais… mais…
j’y arrive pas.

tout m'oppresse.
j’ai l’impression d’imploser.

je sais pas trop ce que je fais là, dans ces couloirs. je les arpentes mais j’ai peur de la croiser elle. elle et ses boucles d’or, elle et ses beaux jeux, elle et ses doigts contre ma bouche… elle et ses paroles insidieuse.
j’ai peur de croiser paris mais j’peux pas m’empêcher de penser à ce qu’elle m’a dit.
sur les étoiles et le rang.
sur son départ au paradis.

“...tess ? t’es là ?”

j’ai toqué à la porte, timidement. je regarde à droite et à gauche comme si j’étais une voleuse. j’ai l’impression de ne pas être à ma place - c’est le cas - dans ces foutues couloirs. j’ai peur de croiser paris mais j’ai aussi peur de croiser robin. je dis robin, mais que ce soit elle ou n’importe qui en fait, j'ai la même peur.
je suis une sans étoile.
j’ai rien à faire là.

“tess c’est castor…”

j’ai l’air d’un animal blessé, d’un chat qui fuit la pluie et qui cherche de la chaleur contre laquelle se réfugier. cette chaleur, j’espère la trouver auprès de tess. je ne sais pas pourquoi mais mes pas m’ont guidé jusqu’à elle. alors quand elle ouvre la porte, je me laisse tomber en avant pour venir me blottir contre ses bras et enfouir ma tête contre elle.
je ne veux pas qu’on me voit pleurer.

What's fucked up, and everything's alright

ses bras enserre mon dos et je ferme les yeux avant de me blottir contre sa poitrine. mes bras à moi restent le long de mon corps. je n'ai pas la force de les lever et je laisse tess m'enlacer. la porte se ferme derrière nous et sans réfléchir, je la suis jusqu'à son lit. je ne regarde même pas sa chambre tellement plus belle que la mienne sur le chemin, je n'en ai même pas la foi.

"du thé c'est très bien oui, merci... ou un chocolat chaud, si tu as...?" je sais que ça peut paraître enfantin mais j'ai besoin de quelque chose de réconfortant. "merci de m'accueillir… je ne te dérange pas j'espère ?"

il ne manquerai plus que ça. ça ne m'étonnerai pas non plus: ma présence a toujours été un problème pour tout le monde.

"tess…" je baisse les yeux, je marque une pause. je ne sais pas comment lui dire, comment lui demander. ma tête est pleine de doutes et de questions en ce presque lendemain de soirée. "tu... tu penses quoi de moi ?"

je relève la tête, mes yeux implorent presque. la question peu surprendre, je sais, mais j'ai besoin de savoir. j'ai besoin de savoir si elle aussi, elle me prend pour une ratée.

What's fucked up, and everything's alright

oui, ce que tu penses de moi, Tess. je ne sais pas pourquoi ça m'apparaît tout à coup très important, de savoir ça, de savoir ce que tu penses de moi. peut-être parce que dimanche, je me suis confrontée à trop de regards et que j'en ai pris conscience: de celui des autres. il y a eu le concert, bien sûr. on ne passe pas inaperçu quand on est sur scène. mais il y a eu Paris après, Pollux aussi, mais surtout Paris.

est-ce que j'arriverai un jour à me libérer d'elle ?
j'en sais rien.
j'en sais rien et ça me fait peur maintenant.

alors oui, c'est important de savoir ce que Tess pense de moi parce que Tess je l'admire sur beaucoup trop de plan. si elle aussi elle me trouve minable et pathétique, malgré sa douceur, malgré sa bienveillance, malgré sa gentillesse; alors c'est que je suis vraiment en train de bousiller ma vie.

j'écoute en silence. les compliments m'arrachent un sourire, parfois me font rougir. je sais pas trop pourquoi mais ça me fait un peu plaisir. je me dis que je suis pas totalement une ratée, finalement. que j'ai un peu de qualité, au moins assez pour que Tess l'ai remarqué.
mon regard se voile un peu sur le reste. Tess s'inquiète. j'inquiète Tess. je pousse un soupir. est-ce que j'arriverai un jour à ne pas blesser ceux que j'aime ? à ne pas décevoir ce qui compte ? à rendre fiers mes proches ?

ou est-ce que je resterai toujours un échec ?

"je... c'est compliqué, en ce moment…" je murmure tout doucement. "j'essaye de me… de me remettre en question, tu vois ? je me suis jamais trop posé de question, j'ai toujours vécu comme je l'entendais sans me prendre la tête… mais…" parce qu'il y a un mais. "je... je crois que je veux devenir un peu meilleur ?"

pas grand chose. je vise pas les étoiles. je les atteindrai pas, j'le sais. c'est pas grave ça. je veux juste faire… faire un tout petit mieux ? juste un peu.

"j'ai pas d'étoile, j'ai bientôt vingt ans et je sais pas ce que je veux faire de ma vie, je maîtrise pas ma capacité, je sais pas gérer mes émotions, je créé des problèmes à tout le monde…" le bilan est misérable. "Tess comment tu ferais pour… pour grimper un rang ?"

je veux sortir de là.
je crois.
j'veux quitter les bas fonds.
juste une étoile ça m'irait.
recommencer à me ranger.

"mais sans dénoncer personne."

je reprend d'une voix plus ferme.
je relève la tête vers Tess. mes yeux brillent de détermination.
je ne trahirai pas les miens.
jamais.
il en est hors de question.