amazed

jim avance lentement, silencieusement, à couvert entre les arbres. ses pieds se déplacent tous seuls, font les pas pour lui.
c'est fini : il s'est confessé, non - il a menti, non - il a tué. il a tué un animal. il a tenu un animal dans ses bras et a constaté que ce dernier levait sur lui des yeux humides, d'une perplexité assourdissante ; et que cette perplexité dirigée vers lui - cette naïveté, ce bête excès de confiance - lui renvoyait un reflet grossièrement déformé, incompréhensible, monstrueux.
le cadavre est emballé dans sa veste. jim tient le tout délicatement à deux mains.

il sursaute au contact soudain. il se surprend d'abord de croiser un autre être vivant tant cela lui paraît absurde. il reconnaît ilan. comme étouffés sous le poids de sa honte, ses muscles se changent immédiatement en pierre. il ne bouge plus, plus du tout. ses yeux glissent de droite à gauche nerveusement. il avale sa salive, respire par à-coups.
...

ilan veut savoir. ilan a le regard attentif, habité d'une lueur que jim aime trouver douce, rassurante. la première émotion qu'il reconnaît ressemble à de la rancoeur : il lui en veut de le questionner, le déteste presque, souhaite sa mort un instant. dans cette curiosité doucereuse, jim retrouve malgré lui la tendresse du Père. puis il a honte de son ressentiment. il répudie sa pensée, vomit son horrible souhait, se juge indigne d'ilan et de sa sollicitude. les mains de jim tremblent imperceptiblement. il baisse les yeux vers sa veste qui cache un mort, et que cette tâche triviale réduit à un linceul informe et triste. il n'ose plus soutenir le regard d'ilan.
non, il souffle, non, il ne sait pas quoi dire, il pourrait mentir mais ne sait pas par où commencer. il a l'impression qu'ilan projette sur lui, d'entre ses cils, une lumière chaude et ténue. pas très bien.

non, c'est pas grave. il ment. le seul acte de mentir le soulage : déjà, il lui semble plausible de croire qu'il n'a rien fait de mal. il a fait ce qu'il devait faire pour survivre, c'est tout. sa honte est pieuse, creuse et indulgente, au service de son immobilisme ; elle existe sous l'œil du Père et se conforte d'excuses murmurées à l'oreiller jusqu'à l'aube.
jim serre le corps de marley contre sa poitrine.

tu penses que je mérite de vivre ? est-ce qu'on aurait du m'abattre ? est-ce que je remplis bien mon devoir ? est-ce que je fais quelque chose de mal ?