amazed

— Please, teach me how to preserve all this warmness

aux ruches — l'une des reines est partie.
il semble qu'elle se soit envolée sans essaim.
il faudra vite la remplacer avant que les larves ne s'entre-dévorent.

kafka aurait préféré qu'elle meurt.

en se lavant les mains, il pense à la tristesse du remérage, à clair, aux blessures à son cou qui le lancent la nuit venue. il pense aux inventions de luke et à la pureté des sucs. cela fait plusieurs fois qu'il se rince les poignets. depuis quelques temps, kafka se sent d'autant plus sale.

— sous ses yeux, dans le miroir — glisse un reflet ondoyant. kafka se retourne vivement.

— alfie !...

il lui attrape le poignet sans réfléchir. c'est là où il l'a mordu, autrefois. le souvenir lui revient et il a l'impression de se brûler. il a les doigts encore humides de savon. kafka ôte brusquement sa main — ...

...

je,
t'ai envoyé un message.

...

il n'ose pas ajouter : et j'ai frappé à ta porte.

— ...
est-ce qu'il...
s'est passé...

quelque chose ?

tu ne m'aimes plus "bien" ?

— Please, teach me how to preserve all this warmness

quelque chose ne va pas — avec sa pitié.
elle apparaît difforme, et revêt la grossièreté attendrissante des pelotes de laine abandonnées depuis longtemps.
kafka scrute les méandres du fil ; il a l'espoir vain d'en décrypter le mystère pelucheux.

Il hoche la tête de droite à gauche, pour dire : non, non
ce n'est pas grave.
je comprends
tu n'as jamais besoin de moi ; c'est vrai que je suis un autre.
j'ai de la peine et c'est normal. c'est ainsi que cela doit fonctionner entre nous deux.

mais quelque chose ne va pas — avec la distance d'alfie. il a l'air vulnérable et faillible. aujourd'hui, c'est kafka qui le regarde et qui attend.

— marley...

est...
... mort ?


on le voit qui chancèle en portant une main tremblante à ses lèvres.

— il ne posera pas de questions. tout le monde meurt dans l'enclave — sauf les hommes. les bêtes ici ont la vie très courte ; elles naissent et il faut déjà penser à l'emplacement de leur tombeau. c'est une des lois immuables de leur artifice en partage.
un taon vit environ deux mois ; un blocard attend trente ans. une lucane, un chat, un chien — sont autant d'existences repères instituées pour jalonner la longue attente au fusain de l'existence.

— ...
alfie.
je suis désolé.

il l'a saisi par les bras , doucement. kafka a l'impression de lui faire un peu mal. après un temps, il l'enlace sans un mot. comme au milieu des poubelles, il y a longtemps.

il voudrait lui dire : tu peux pleurer, si tu veux — mais il n'y parvient pas, car il est tout à la réalisation du déséquilibre des peines et à la peur de devoir guider.

maintenant, il faut attendre jusqu'au Paradis.

— Please, teach me how to preserve all this warmness

kafka le laisse aller.
les échardes ne le gênent pas, non plus que les regrets discrets qui en découlent. c'est la conscience bardée de ronces même pas un peu jolies qu'il se retient à l'orée de l'abnégation d'alfie.

— kafka doit rester dans un rôle kafkaïen. il ne doit pas franchir la ligne de la compassion. il lui faut rester à couvert de la miséricorde. c'est lui qu'on prend par la main et qu'on retient par le col devant la tablée. il mord quand on lui dit qu'il ne faut pas et il verse des larmes suffisantes après la fuite des abeilles. alfie le veille et il faudrait que kafka s'en aille. il fait un pas en arrière. il n'a rien à voir avec cette douleur. luke était dans sa chambre, la veille ; et kafka fait partie des autres.

— ...

subitement, kafka attrape alfie par la manche et l'entraîne à sa suite. le bas de son pantalon est déjà mouillé et il a du mal à y voir, avec le chagrin partagé. il doit s'essuyer les yeux de temps en temps.

— ...
... donne-moi... tes vêtements.
...

promis,

je ferai rien... de bizarre.

ce n'est pas bien. ce n'est pas ainsi que les choses doivent se passer. il faudrait persister dans le rôle du suppliant.
mais,

— alfie,

... tu m'aides tout le temps.
depuis le début.

...
pas vrai ?
mais... aujourd'hui...
tu vas pas pouvoir m'aider, hein ?
donc...

...

c'est moi... qui... vais...
t'aider.

son désespoir est teinté d'affection honteuse.
— se cache derrière ses paumes ouvertes et se détourne.

— je regarde pas, promis.  

— Please, teach me how to preserve all this warmness

quel goût revêt la chair adorée une fois qu'on l'a assujettie au fer insidieux du chagrin ? comment coagule le sang sous influence désespérante ? y'a-t-il une différence d'amour — entre les blessures symboliques et celles que l'on subit par résignation ouverte ?

kafka se demande si la peine représente une différence en soi.
(le cristal fumé des larmes d'alfie ; le grain tiré de sa peau ; les stigmates en forme d'aube élongée sous ses cils ; quel goût peut-on avoir lorsque l'on est aimé et proche d'une mort figurative ?)
— la faim aux lèvres, kafka s'agrippe au tissu dans ses bras. auprès d'alfie, il en vient à regretter sa convoitise. ses propres doutes l'effraient ; car ils jurent avec sa condition.

non, non ! kafka secoue violemment la tête. le manque l'étourdit.

— n-non
...

... je veux dire
si
m-mais
aujourd'hui...
...
il ne faut pas.

ça ne m'aidera pas.
il faut... que tu penses...
à... toi.

il n'ose pas regarder en sa direction. cette fois-là, ils avaient l'obscurité en commun. kafka songe à la nuit. ses blessures le lancent et il se sent rougir, ignoble. ce n'est pas juste, le désir ; ce n'est pas beau. son opprobre l'enchante abominablement.  

— h-hm...
...

...

la sensation adverse de peau découverte l'intimide, et le deuil aussi. les ténèbres ont cela d'intime qu'ils départagent. à la lumière des halogènes, kafka est bien obligé d'affronter l'affliction chez l'autre et ses propres souvenirs à couvert du jour — les malheurs qu'il lui a souhaité à l'oreille et la bravoure dégueulasse pour laquelle il a juré. il a le sentiment qu'il se compromettrait s'il regardait alfie directement.

— ...
mouille-toi les cheveux.
et dis-moi...

... quand c'est bon.

— Please, teach me how to preserve all this warmness

la rêverie lui pèse. une mouche s'est nichée dans un des replis du tissu.

— je vais te les rendre.

kafka tend l'index. l'insecte se pose sagement sur son doigt. tu peux t'envoler, pense kafka. ici on n'a pas besoin de toi. je risque de me noyer.

il pose les vêtements sur un banc après les avoir soigneusement pliés. il a l'impression que le coton lui abime les doigts ; c'est juste un phénomène de mue. kafka ôte ses chaussures. il ignore sciemment les fleurs de lilas séché sous ses ongles.

— ... hm.
j... j'entre.
tu peux... te retourner... ?

une main sur les paupières, kafka prie le secours de la buée. il s'efforce de ne pas observer au-delà des effets de la condensation. — hu... il vaudrait mieux fuir. ce serait dans l'ordre des choses.

— hm...
est-ce que tu peux me donner le shampoing...

alfie est un peu plus grand que lui. la brume fumeuse des carreaux rehausse la saillie de ses omoplates ; mais kafka ne veut pas regarder. il veut échapper à lui-même.

— le shampoing a une texture désagréable de vase luxuriante. l'odeur de savon, grasse, irrépressible — lui donne la nausée.
le mirage de l'eau octroie à la chevelure d'alfie des teintes de rouilles alourdies qui l'intimident un peu, kafka. il a peur de se brûler avec l'eau bouillante.

— d'abord il ose à peine bouger les mains autour de cette nuque exposée. ses manches sont déjà trempées. depuis quelques temps, kafka se sent d'autant plus sale.

— hm...
quand... j'étais enfant
je me souviens
une des maman
elle me lavais les cheveux
comme ça ...

elle chantait

... c'était bien
j'avais l'impression
que ça allait bien.

il remarque par-delà la tulle de la buée les marques crénelées d'anciennes soifs intimes qui le paralysent. un instant la pâleur écœurante de la mousse gonfle progressivement à ses poignets. — hm.

alfie.
je suis désolé
pour... tout.

... tu sais
on est pas obligé de...
continuer...
ça.

... je le dirai à personne.
je te le promets.

ça et... le reste.
...

luke m'a dit
hier
luke m'a dit —
que je te dérangeais... que tu ne voulais pas de moi.
hm...

... je comprends.
après tout ça
c'est normal.
je t'ai fait beaucoup de mal.
et aussi...
l'autre nuit...
...

je t'ai dit des choses méchantes.
hm...

je suis désolé.
d'être comme ça.

...

m-mais
moi aussi...
m-moi aussi...

je voudrais vraiment...

... ce n'est pas le moment
de parler de ça.

— Please, teach me how to preserve all this warmness

c'est alfie qui manipule la faim.
kafka s'interrompt.
il est animé par un sentiment d'insaisissable vacuité — et comprend avec tristesse qu'il ne tire aucune fierté de ses actes d'obéissance. rex avait raison.
— mais kafka se console en se figurant la teneur invraissemblable de son lien avec alfie, auquel il veut prêter des propriétés de remède. c'est bien cet autre qui l'empêche à lui-même depuis quelques semaines. avant lui, personne n'avait pu définir ainsi sa voracité.
cette pensée le fait sourire doucement.

— oui, m-mais...
...

la mousse s'étiole dans un vacarme discret de coton qu'on déchire. kafka secoue la tête et prend soin de regarder ses mains.

les frissons adverses lui brûlent les paumes. — ... alfie ? il tend le bras pour l'effleurer ; mais l'eau coule toujours sur sa peau nue, et la vapeur d'eau rehausse la saillie argentée de ses cicatrices. kafka se détourne. il songe à s'enfuir.

alfie se met à rire. lui-même se dit alors qu'il est peut-être envisageable de se raccrocher à de telles manifestations rapportées d'amertume. — je... ne l'ai pas espionné.
enfin si
m-mais
...

c'était pour... t'aider.

subitement, il comprend qu'il se tient dans l'ombre dégorgée d'un autre qu'il aime. Le bas de son pantalon est trempé mais il a gardé ses vêtements malgré la nudité d'alfie. luke est amoureux ; et lui, kafka, en dépit de son statut larvé — n'a écouté que les principes enchanteurs de son vice. il a prétendu vouloir dormir aux côtés de sa faim. alfie, par pitié — cette pitié effroyable propres aux saints qui s'ignorent — a accepté d'écorcher son Mal avec complaisance ; mais pour lui, cela n'a rien pu signifier de plus qu'un acte de cession un peu désolé. il n'y eut rien d'acharné dans cette nuit. d'ailleurs, alfie l'a renvoyé dans sa chambre. et kafka est bien sûr qu'il n'hésiterait pas à revenir auprès de lui, le soir, si on ne lui en donnait pas l'occasion.

la dignité des insectes fait partie intégrante de l'accomplissement des fléaux. il était évident pour kafka que les sentiments de "bien" qu'alfie nourrit à son égard — lui suffiraient en tant que tels, comme le sucre raffiné suffit aux fourmis, ou les miettes de pain rassis suffisent aux cafards. ce serait mentir que de dire qu'il n'a pas pensé à luke dans le noir ; c'est aussi parce qu'il a pensé à lui qu'il n'a pas fui en l'absence des mouches.

— ...
je... ne comprends pas.
pourquoi — il ne m'aime pas.

ça ne peut pas être... par rapport à toi.
ce n'est pas possible.
à côté de luke...

je ne vaux rien.
vraiment, rien.
ça ne sert à rien — de me haïr.

moi, je me contente des sentiments de biens.

kafka songe aux mots de clair ; et il ne regrette toujours rien de ses gestes. il se rend compte qu'il a arrêté de frotter dans les cheveux d'alfie.
— luke n'a probablement jamais mordu alfie par amour. cette réalisation le rend atrocement heureux.

— Please, teach me how to preserve all this warmness

il est vrai que la praticité du sentiment de haine échappe largement à kafka.
il s'imagine qu'il faut être une individualité accomplie pour envisager même la portée d'un sentiment aussi précis.
il se demande s'il existe même la possibilité qu'alfie déteste. conscientiser un tel paradoxe lui semble tristement révélateur.

kafka soutient le regard car il ne peut rien de plus. il garde les mains le long du corps et l'eau chaude s'écoule en filet grisâtre le long de son cou. la texture humide des mèches sur sa nuque lui est désagréable. —  ...
clair...
... est pas si méchant que ça
je t'assure.
avec moi
... il est gentil.

kafka est bien sûr qu'il n'est pas question de bien.
peut-être est-ce la buée ; peut-être est-ce la proximité inaccessible d'alfie ; peut-être est-ce l'audace propre aux découragés. kafka poursuit sans réfléchir.

— il... a sous-entendu
que Luke
était jaloux
que toi et moi
on soit

il ne sait pas bien ce qu'il faudrait ajouter. peut-il affirmer qu'ils sont amis ? comment qualifier cette relation de pitié exclusive et excluante qui les poursuit ?
pourtant, kafka chérit humanité vaguement désenchantée que lui réserve alfie ; les marques particulières sur sa peau ; le fait même qu'alfie lui ait dit de retourner dans sa chambre.

— ...
c'est pour ça
qu'il était fâché
que je sois là
hier
il m'a dit.
clair m'a dit.

et
il
luke
il serait peut-être fâché
de savoir
que je suis là
aussi
maintenant.

...

alfie
pourquoi
est-ce que tu acceptes
tout ça.
les... morsures
et... ça
et
les... baisers
et...
... le reste
pourquoi ?


tu as dit
que tu m'aimais juste, bien.
pour moi...
c'est suffisant.
je pensais
que c'était suffisant.
mais
tu me laisses faire
et même... tu...
...
...

je me demande
ce que tu veux
vraiment.

... toi aussi
tu m'utilises un peu.
pas vrai ?

kafka tend les paumes vers les joues d'alfie. elles sont mouillées et on n'en perçoit presque plus la tiédeur.

— si
maintenant
si... maintenant...
je...
...
t'embrassais.
...  
je suis sûr
que tu me dirais pas de m'en aller.

mais tu m'aimes
juste
bien.
alors
c'est que
à toi aussi

ça te fait du bien
quelque part.
non ?

c'est vrai...
toi aussi...
... t'es bizarre.


mais c'est pour ça que je t'aime.
et sans doute — que c'est pour ça que luke t'aime, aussi.

— Please, teach me how to preserve all this warmness

alfie l'a déjà blessé par le passé. kafka porte au cou les marques iniques d'un voracité qu'il a lui-même façonné. il s'est contenté de l'aboutissement mortuaire de cette faim d'artifice et en garde un souvenir torve.

instinctivement il tend la nuque pour se protéger derrière ses cicatrices. le tissu de ses vêtements en collant à sa peau forme des cloques d'argent distincte qui laissent deviner en transparence la saillie de ses os. en présentant son cou à alfie il sait qu'il fait preuve lui-même de cruauté. — oui.

oui, je...
t'aime.

oui.

j'ai le droit. non ?

ça ne me dérange pas que tu m'utilises.
c'est mon problème. ça me dérange pas,
au contraire.

je t'en prie. utilise-moi
c'est la moindre des choses

— en fait, je veux même te supplier.
je t'en supplie alfie
continuons comme ça.

je ne suis pas luke et je ne serai jamais luke
je le sais.

mais,

kafka peut faire des choses que luke ne peut pas faire.
pas vrai ?
des choses
utiles
et kafka sait des choses que luke ne sait pas
et je sais, maintenant
qu'elles te plaisent à toi aussi.

— c'est normal. moi, j'ai aucune fierté
contrairement à luke. et toi. mais la fierté
c'est embêtant quand on est amoureux.
c'est pour ça que vous vous disputez comme ça, tous les deux.
vous êtes fiers tous les deux. moi, non.

tu vois, je te supplie de continuer d'avoir pitié
et j'ai même pas un petit peu honte.

son sourire trouble défit la buée. kafka se penche au-dessus de l'épaule d'alfie, adoptant la posture désarticulée du secret. — alfie. si — j'avais la chance d'être toi
si — quelqu'un m'aimait sans condition
sans aucune honte ; rien
moi,
moi aussi
j'en profiterais.

— Please, teach me how to preserve all this warmness

ce n'est pas grave si alfie le frappe — si cela peut le soulager.
ce n'est pas grave si alfie le mord — si cela lui fait du bien.
ce n'est pas grave si alfie l'étrangle — il fait cela pour se sauver.
ce n'est pas grave si alfie pleure à cause de kafka — c'est un moyen de les punir tous les deux.

avec tendresse — ces manifestations de tendresse irréalistes hors contexte fantasmagorique ; ici, la désintégration des gouttes en brume rosâtre ; l'odeur acrimonieuse du savon ; les rougeurs épanouies sous le jet d'eau, que l'on confond avec la chair à vif ; avec tendresse, kafka étreint le corps abandonné d'alfie.

il sent contre ses paumes le relief des cotes, le velours liquide de la peau, les soubresauts du désespoir.

— ...
encore un peu
encore un peu de patience
... bientôt
tu vas pouvoir te reposer.
très bientôt.

kafka serre un peu plus fort. ses tempes reposent contre les clavicules d'alfie. il entend battre son cœur, de loin. l'eau qui coule emporte les bruits importants. kafka pleure un peu, lui aussi. ce sont des larmes troubles et indignes, qui feraient honte à la peine d'alfie.

— tu m'aimes quand même
"bien".
pas vrai ?
à moi — ça me suffit.
et pour toi
c'est suffisant
pour y arriver.

tu fais rien de mal.
tu lui fais...
... rien de mal.

puisque tu m'aimes
"bien".

alors,
... tu vas y arriver
c'est sûr
tu leur prouveras qu'ils ont eu tort
tous
et tout rentrera dans l'ordre
tu seras tranquille à nouveau
comme avant.

et tu m'oublieras, aussi. moi, les poubelles, la nuit, le sang versé, le plaisir dans le mal. cela, il ne l'ajoute pas. cela lui ferait rater quelques battements du cœur d'alfie. il prend encore le temps d'écouter les soubresauts de cette altérité sous clef des os. au bout d'un moment il doit se redresser.

il a posé les mains sur les épaules de l'autre. il faut se hisser sur la pointe des pieds. pas tant que ça ; il a un peu grandi, cet été. pas encore assez.

— alfie. tu es... courageux...
tu dois continuer comme ça. encore un peu. juste un petit peu. marley...

... marley

il te regarde sûrement...

kafka l'embrasse sur la joue. c'est un baiser de rosée que le courant emporte vite. il le regarde.

— je vais te chercher une serviette.

— Please, teach me how to preserve all this warmness

— il ne faut pas s'excuser.
c'est moi qui devrait te présenter des excuses.

il s'est détourné. ses vêtements trempés pèsent lourd sur ses côtes. il a froid.

— tu me fais rien de mal.

nous savons ce que nous voulons. moi, je te blesse exprès pour nourrir les bonnes excuses. ce n'est pas un crime de faire du mal à kafka.

— tu m'as aidé en me laissant te..
...

— c'est normal
de vouloir te venger
si ça peut te soulager
... ça me suffit.
ça me suffit à moi.
je te l'ai dit

si ça peut t'aider
fais... ce qu'il faut.

la défaillance de la rancœur est une des marques de l'horreur kafkaesque.

— tu vas y arriver.

les simulacres réduits d'eau vive sur sa nuque lui sont insupportables. kafka lisse une mèche du bout des doigts. il constate avec dépit que ses mains tremblent malgré la proximité d'alfie. il ne voudra plus jamais me faire du mal, pense-t-il. c'était la première et la dernière fois. il se retient de pleurer.

— ... j'ai posé tes vêtements sur le banc.

...
alfie...
tu vas pas m'abandonner, hein ?
...

kafka supplie en silence : ne réponds rien !