amazed

hello again, friend of a friend

la piscine est vide parce qu’il n’y a jamais personne le matin. les clubs ouvrent l’après-midi et là… là c’est bourré de gens et moi j’aime l’eau quand il y a du monde - j’aime pas quand il y a du monde tout court. loup voulait apprendre à nager. j’étais pas certaine de sa demande parce que j’suis pas bien sûr d’être la personne la plus qualifiée pour apprendre à quelqu’un - à loup surtout - à nager. alors on y est allé le matin, c’était ma seule condition.

loup a dit oui alors j’ai accepté. j’ai accepté parce que je sais que max l’aime bien, loup. elle m’en parle parfois, souvent. pas trop longtemps mais assez pour que je sache que loup existe dans son cœur, au côté d’argo et à côté de moi, comme des étoiles reliés par une constellation: celle de max.

“mais qu’est-ce que tu fiches ?”

j’arque un sourcil, je me veux vieux professeur mais je ne tiens ni le ton ni le visage; alors je fini par éclater de rire. dans l’eau, là où on a encore pied comme lorsqu’on apprend au enfant, loup se débat et m’éclabousse tandis qu’il bat des pieds et des mains - des pattes.

“loup ! ça ne va pas marcher comme ça ! bon tu flottes donc je suppose que c’est déjà bien, mais essaye de faire le crapaud avec tes mains… pas… pas le chien !”

je me relève du bord de la piscine pour mimer les gestes de la brasse. je ris encore et mon ton est doux. je l’aime bien loup. je l’aime bien parce que max l’aime bien et ce que max aime bien et ben moi j’aime bien. mais je l’aime aussi parce que loup il est comme moi.
un peu bizarre.
marginal.

je sais que certains s’en méfient et probablement à raison. peut-être que je devrais aussi - garder mes distances, tracer ma route… sans doute. j’en sais rien. je sais juste que max l’aime bien et surtout… loup vient de perdre une étoile. ça m’aurait rendue triste de lui dire non juste après.
je ne me souviens plus - est-ce que j’étais triste j’ai perdu mon étoile ?

“bon pousse-toi, j’arrive et je te montre.”

j’étais déjà debout alors j’ai juste à prendre de l’élan et je me jette à l’eau, le corps recroquevillé en boule pour faire l’effet d’une bombe. j’éclabousse tout, j'éclabousse loup. je remonte à la surface pour reprendre de l’air, mes mèches de cheveux qui me collent au visage, et je ris.

hello again, friend of a friend

le cri de loup me fait tressauté. son éclat de colère bourdonne dans sa voix d'animal blessé et je cligne des yeux pour encaisser. je n'aime ni qu'on hausse le ton, ni qu'on m'insulte. je prends sur moi cependant. je prends sur moi parce qu'à le voir là, patauger dans cette piscine trop grande pour lui, je ne peux qu'éprouver de la compassion. la frustration de loup ne m'est pas étrangère.  

moi aussi, loup, je déteste échouer.
et pourtant, j'échoue tout le temps.

je suis rarement en colère mais depuis la soirée de l'été, ça me prend parfois par les nerfs et je ne peux rien contrôler. moi, je ne suis pas loup. j'aimerai savoir mordre comme lui pour un peu plus m'imposer mais je n'ai rien d'y prédateur. tout ce que je peux faire, c'est gémir et chouiner.

je pousse un soupire et je prends sur moi avant de me jeter à l'eau pour le rejoindre.

"okay. on va reprendre depuis le début, tu peux rester accrocher au rebord si ça t'aide." pour se stabiliser. "tout d'abord, essaye de faire la planche, c'est pas grave si ta tête va sous l'eau, tu peux tenir quelques secondes sans respirer, et si t'arrive à la maintenir hors de l'eau c'est encore mieux." je lui mime le mouvement. "l'idée ensuite c'est de joindre ses mains comme pour prier le père puis de tout ramener le long de son flan."

je m'exécute devant lui, brassant une fois, deux fois, trois fois. l'écume perle dans mon sillage, le mouvement m'est naturel et je pense avoir expliquer correctement - enfin je crois.

"en gros, plutôt que de battre des mains vers le bas comme tu le fais, essaye de le faire plutôt sur le côté." pour transformer ses mouvements de chien en ceux d'une grenouille. "l'allonge suivra naturellement, ensuite on verra pour les jambes."

je fini mon petit tour pour venir m'accrocher également sur le rebord. j'aime la sensation de la pierre rappant ma peau. c'est tout chaud.

"après si tu galères vraiment je peux toujours aller te chercher une bouée."

je ris mais ce n'est pas pour me moquer. il n'y a pas de honte. je suis passée par là aussi. moi ou les autres, il a tous fallut que l'on apprenne.

hello again, friend of a friend

loup se débat encore et encore. il tente de faire la planche mais face à l'eau qui l'encercle il ne tient pas dix secondes. je l'observe en silence, les yeux à hauteur du ménisque, les lèvres sous l'eau qui s'amusent à faire des bulles. je remonte pour reprendre mon souffle.

"ok ok ! pas de bouée !" c'est dommage. ça serait tellement plus simple pour commencer. mais soit, le petit loup à de la fierté. "j'ai une autre idée."

de mes mains, je prends appui sur le bord de la piscine et je me pousse pour revenir en son centre.

"je crois que ton problème c'est que tu n'arrives pas à rester droit. tu dois être en ligne, dans l'eau, comme les requins tu vois ? tout en longueur ! pas à quatre pattes comme sur terres. t'as déjà vu des poissons avec des pattes ? moi non. donc voilà."

je jure que dans ma tête, ça fait super sens.

"là où tu es, tu as presque pieds. en plus, tu peux tenir facile dix secondes sans respirer donc on va faire un truc." je crois avoir compris ce que j'ai et qui manque à loup. "tu vas te laisser couler au fond de la piscine, et dès que dès pieds touchent le sol, tu montes tes bras en flèche comme pour prier et tu prends une impulsion pour remonter à la hauteur et respirer !"

ça lui permettra trois choses. la première: se rendre compte qu'il ne risque rien, sous l'eau, et qu'il peut effectivement rester quelques secondes sans suffoquer. la deuxième: que plus on est calme, plus c'est facile d'y voir clair et de nager. la troisième: de garder son corps comme une ligne qu'on tends et pas battre des pieds et des mains dans toutes les directions.
si ça marche, je veux qu'on appelle ça la méthode castor.

"regarde, comme ça."

je m'y met. je prends une dernière bouchée d'air avant de me laisser tomber, en piquet, vers le fond. la chute est lente à cause de la poussée d'Archimède, mais la piscine n'est pas très profonde malgré ma petite taille, et je fini assez rapidement en bas. une fois mes pieds touchant le plat, je plie les genoux et je joint mes mains au dessus de ma tête. je compte jusqu'à trois, et je viens pousser de toute mes forces avec mes jambes pour remonter à la surface, en piquet.

"et voilà !"

je l'ai dis, je pense avoir compris. l'eau est une force naturelle contre lequel on ne peut pas lutter, surtout quand elle nous domine, et seul dans le grand bassin, elle gagnera toujours. l'eau est l'élément de l'harmonie, de l'équilibre et de la sérénité.
plus on s'énerve, plus on se noie.
plus on se débat, moins on flotte.
il faut rester calme et serein.

ce n'est pas moi qui ait quelque chose en plus.
c'est que contrairement à loup,
j'ai la colère en moins.

"allez. essaye. et calme toi. qu'est-ce qui t'énerves autant ? c'est la perte de ton étoile ?"

il ne faut pas se mettre dans ces états là.
lui, au moins, il lui en reste une.

hello again, friend of a friend

ma démonstration semble impressionner l'adolescent et pourtant, je sens dans le ton de sa voix la contestation de mes méthodes. loup me demande comment j'ai fais et je ne sais quoi lui répondre si ce n'est ce que je viens d'expliquer. le fait qu'il n'essaye pas tout en targuant que ce n'était pas de la nage commence à effriter ma patience. je sais que ce n'est pas de la nage, j'suis pas conne, mais il faut bien commencer quelque part.

"nan, c'est pas de la nage. mais pour nager il faut être à l'aise dans l'eau, et pour l'instant tu as la grâce d'un rat mort."

je ricane. mes mots sont crus mais pas méchants. j'suis pas du genre à me moquer alors ça reste bon enfant.

"essaye au lieu de râler ! tu vas voir que tu ne peux pas te noyer et qu'il vaut mieux être calme pour flotter et nager. tu vois ce que c'est les sables mouvants ?"

j'en ai vu dans un film. une fois empêtré dedans, plus on se démène pour en sortir, plus on s'enlise. ici c'est un peu pareil sauf que ce n'est pas du sable mais de l'eau et qu'on y voit à travers.

"et si tu coules, je viendrai te sauver !"

ma voix est claire et se veut rassurante. ça marche moyen parce que je ne m'appelle pas max. comme je commence à m'ennuyer, je refais un piquer vers le fond de la piscine. quand mes pieds frôlent le sol, plutôt que de remonter, je reste un instant là, à flotter. c'est hyper agréable. sous l'eau, tout est calme. il n'y a que les remouds de loup au dessus qui me rappellent que je ne suis pas seule. je remonte pour reprendre mon souffle.

"bon allez, essaye."

ma patience commence vraiment à s'effriter. je fais de mon mieux mais je ne suis pas bonne professeure. si loup ne veut plus nager, on trouvera autre chose. il suffit de le dire.

naturellement, je viens de mettre à l'horizontale, en étoile de mer, l'eau dans mon dos. je fixe le plafond de la piscine et je me met à réfléchir. je pense à la soirée, à tout ce qu'il s'est passé. loup ne le sait pas, mais ses mots font écho à ceux qui parasitent mon cerveau depuis quatre jours.

"pourquoi c'est si important ? franchement ?"

les étoiles.
le rang.
le système.
l'enclave.

"c'est juste un putain de titre qu'on nous colle pour qu'on obéisse." et moi, j'ai un problème avec l'autorité. "et puis te plains pas, toi au moins il t'en reste une."

c'est mieux que rien.

"m'enfin, avec ou sans étoile tu seras toujours le même marmot à barboter dans l'eau comme un nul. alors au boulot !"

je le toise avec un regard de défi, je cherche à le provoquer pour qu'il s'y mette vraiment au lieu d'évacuer sa rage contre les vagues. je ne vois pas que loup fulmine, qu'il alterne entre tristesse et colère.
je ne vois pas sa bouche se déformer.
je ne vois pas ses crocs se serrer.
je ne vois pas son regard froncé.
je ne vois pas que je le blesse.
je ne vois rien que le plafond de la piscine.
il me semble tellement haut.

hello again, friend of a friend

je ne sais pas si loup a été prit d'une épiphanie ou si le père suprême nous a accordé sa miséricorde… à vrai dire, je ne crois pas à tout ça, mais ce qui est sûr c'est qu'un miracle vient d'avoir lieu: il a réussi.

"et bah voilà !!! bravo loup ! tu gères !"

j'applaudis en riant. je n'y croyais plus alors ma joie n'est que décuplé. ce n'est pas grand chose mais je crois en les petites victoires et en les glorifications des micro succès.

"un vrai requin !" je me souviens alors que je ne lui ai pas répondu tout à l'heure. "ah et, je ne sais pas si c'est bon, un requin. mais je suppose que ça a le goût de poisson. mais c'est super cool, les requins. si tu veux je te montrerai un film au social club où il y un qui mange les hommes."

je ne sais pas si loup aime l'horreur mais moi c'est quelque chose qui me plaît.

"tu as vu alors ? l'eau, c'est pas méchant. en fait je crois qu'il faut... l'accompagner ?"

dans le sens où plus on lutte, plus on se fatigue, et plus on coule. l'eau n'a pas de conscience propre alors cela ne sert à rien de se battre contre elle: on ne peut pas gagner contre un ennemi imaginaire.

"et bah voilà ! tu t'en sors super bien."

je suis contente. je dois avouer que je n'étais pas sûre de la fiabilité de ma méthode. pour l'instant, ça fonctionne, alors je suis hyper contente. j'irai la breveter. peut-être que pour avoir réussi à apprendre à loup à nager, je pourrai être recompensée par wicked ? mes yeux brillent un instant avant que la réalité ne me rattrape: je n'ai aucune étoile. je ne peux prétendre à rien. je soupire alors.

"on est bien, là, non ?"

que c'est paisible de se laisser flotter.
on ne peut pas rester trop longtemps car il faut encore que j'apprenne à loup à nager mais l'eau me berce et je m'y sens bien. je me demande si c'est la même sensation qu'un enfant dans le ventre de sa mère. une sensation enveloppante, paisible, chaleureuse.

hello again, friend of a friend

loup est plus calme, l'eau aussi. c'est mieux, je préfère ça. je ne lui en veux pas car moi aussi, quand j'avais son âge, la vie était une tempête et je devais m'en sortir sur un bateau gonflable au lieu d'une croisière. quand j'y pense, j'ai perdue mon étoile à dix-sept ans. quel âge à loup, déjà ?

"okay."

je ne l'ai pas vu rôdé autour de moi. toujours en étoile de mer, la tête vers le plafond bien trop haut pour nous - bien que je pourrai le toucher si je le voulais - je redresse mon dos. mon centre de gravité pivote et mes jambes se retrouves immergée, je bats des jambes pour me maintenir hors de l'eau dans une position stable.

"on passe à l'étape suivante de la méthode castor. viens"

je me met à nager jusqu'au bord, invitant loup à revenir aussi, à s'agripper contre la céramique. c'est bien qu'il ose s'aventurer un peu plus loin, proche de moi. mais sa maladresse est réelle.

"si tu veux me battre à la course, il va falloir faire mieux que ça !"

mais t'en fais pas loup, j'ai un plan. contre le rebords de la piscine je me tourne pour laisser mon dos contre le mur de faïences. je recroqueville mes jambes pour caler mes pieds contre, tandis que ma main s'agrippe au bord de la piscine pour tenir et faire levier.

"essaye de te mettre comme moi." accrochée et calée de part ma main, les jambes en appui, et le torse vers le centre de l'eau. "normalement on tient bien. c'est comme quand tu t'agrippais tout à l'heure, mais tu te tournes vers l'autre côté."

il saura faire.

"quand c'est bon, tu lâches ta main et tu pousses sur tes jambes… puis tu viens faire la flèche dans l'eau, comme quand on a fait l'exercice à la verticale, sous l'eau. sauf que cette fois, on est à l'horizontal."

donc c'est presque de la nage. je compte jusqu'à trois et je m'exécute pour lui montrer.  je pousse fort sur mes hanches, ma main lâche le report pour venir rejoindre l'autre, au dessus de ma tête, en prière. presque à la surface, mon corps vient fendre l'eau et deux et je m'avance sur quelques mètres.

"à toi ! si tu y arrives, tu sauras presque nager et je pourrai t'enseigner le mouvement final."

je lui souris.

"viens vers moi, je te rattrape si besoin."

car ici, il n'y a plus de bord.

hello again, friend of a friend

Loup fend l'eau de toute sa longueur comme une flèche fendrait l'air. je le regarde faire, mon corps dans l'eau et mon visage à moitié émergé. Loup est fort, alors dans son sillage, son corps créé deux rangées de vagues qui viennent s'effondrer contre les paroi de la piscine et qui me remue un peu, de là où je suis. j'ai le réflexe de sortir le museau hors de l'eau pour ne pas me noyer.

j'affiche un sourire devant la démonstration. Loup s'en sort bien. il appartient peut-être à la famille des canidés mais s'il continue comme ça, il pourrait tout à fait prétendre à faire partie des animaux marins. après tout: le loup de mer est un poisson.

le garçon termine sa course prêt de moi. je me tiens prête à le récupérer mais je le vois perdre de sa célérité et se mettre à couler. Loup s'active, comme tout à l'heure. il bat des bras et des jambes et indéniablement, il va se mettre à couler.

"Loup ! calme-toi !" j'essaye de crier, mais sous l'eau, il ne m'entends pas. "Loup !"

merde. je me stabilise dans l'eau, prête à fendre les flots pour aller à la rescousse du chiot sur le point de se noyer. je ne sais pas comment faire car Loup est plus lourd que moi mais mon corps bouge seul face au drame qui s'apprête à se produire. j'ai un brin de panique en voyant sa chevelure flotter à la surface de l'eau. si Loup se noit, qu'est-ce que je vais dire à max ? cependant, ma course s'arrête nette alors que je vois sa chevelure descendre vers le fond de la piscine.

un corps sans vie, ça ne coule pas.
un corps sans vie, ça flotte.

devant mes yeux ébahis, Loup est en train de descendre tout en bas de la piscine. ses pieds touchent le sol de marbre, ses genoux se fléchissent et il pousse sur ses jambes: Loup remonte en piquet.

"wow." son corps, ses épaules, sa chevelure blonde fendent l'air parfaitement alors je laisse échapper a surprise et mon admiration dans un souffle court. "bravo Loup !" je m'exclame, fière de lui. "ça va ?"

je demande parce que je le vois à côté de moi. je le vois qui s'agrippe à moi. je ne me débat pas contre lui car je comprends à ce moment que je lui serre de bouée. je réalise que cela fait un moment que l'on est dans l'eau, et elle est une ennemie redoutable quand on est pas habituée car elle fatigue mille fois plus que l'air: Loup doit être épuisée.

je m'accroche à lui, pour le tenir - ou peut-être que c'est moi qui le tient pour ne pas sombrer ? quoiqu'il en soit, nous voilà entremêlés au centre de la piscine à lutter pour ne pas couler. sauf que le poids de Loup est supérieur au mien, ses mains contre ma peau me fait mal, ses ongles dans ma chair me griffes, je commence à faiblir.

"L...Loup !"

c'est la seule chose qui s'échappe de mes lèvres. le reste d'air que j'expulse par la bouche fini dans l'eau. des bulles se forment à la surface: on coule.

je tente de me débattre comme je peux mais rien n'y fait. je coule accroché à Loup et Loup coule accroché à moi. on plonge vers le fond de l'eau et je commence à paniquer parce que dans l'action, je n'arrive pas à remonter.

castor castor castor.
trouve une solution !

l'air se vide dans mes poumons. je pivote la tête vers la surface pour espérer la voir proche, tendre la main et retrouver le ciel. j'ai besoin d'oxygène !

c'est ça qu'il me faut.
de l'air.
il me faut de l'air.

alors dans un sursaut de conscience, je m'agrippe à Loup de toute mes forces. moi qui cherchait à me débattre par réflexe, voilà que je passe mes bras sous ses aisselles et que j'enserre son torse avec mes jambes. je ne me soucie pas de la proximité de mon corps: dans l'urgence, il n'y a pas le temps pour la pudeur.

doucement, on remonte tout les deux. c'est un peu lent, comme un flottement, mais au bout de quelque seconde, nous voilà hors de l'eau. je prend une grande bouffée d'air pour reprendre mon souffle et je lâche Loup en vitesse car je sais ce qu'il m'attends après:

"Loup ! va au bord et sort de l'eau ! t'en fais pas pour moi je me débrouille ok ?"

et voilà que je le lâche en le poussant doucement vers l'échelle pour qu'il sorte de la piscine. moi, je ne m'arrête pas, je continue de remonter, sauf que je ne suis plus dans l'eau mais bien dans les airs, désormais.

hello again, friend of a friend

je vois loup s'extraire de l'eau, s'amarrer sur le rebord et extirper son corps des flots. je ne dis rien mais je souris doucement: il est sain et sauf. pour ma part, je suis toujours en l'air. la vue depuis les hauteurs donne un effet un peu onirique, comme si je quittais la réalité au fur et à mesure que je m'éloignais du sol. je me demande combien de temps je vais monter comme ça. je crois qu'il faudrait que je redescende. le problème était que je ne sait pas comment faire.

j'essaye de me concentrer pour annuler ma capacité avant que cela ne soit trop dangereux. il faut que je pense à quelque chose, que j'arrive à stopper l'ascension. je repense à max, à ce qu'il s'est passé avec elle quand je suis tombée, aux émotions qui m'ont assaillies. je me force à retrouver ces sensations là. je pense au concert, je pense à la gêne, je pense à Paris, je pense à Pollux, je pense à l'humiliation, je pense à ma condition, je pense à mes étoiles et et et…

et je ne monte plus.
je ne monte plus puisque je tombe.

par réflexe, je me recroqueville sur moi-même. un plat à cette hauteur serait dangereux et ma cheville est toujours faiblarde; je dois faire attention à la manière dont je rentre dans l'eau. je touche la surface en une bombe et j'éclabousse les alentours - dont Loup.

me voilà sous l'eau, tout au fond. je touche presque le sol. après avoir réalisé que je n'étais plus en l'air mais sous la mer, après avoir contempler les reflets cristallins de la piscine et de la lumière, mes pieds s'appuient sur le sol pour remonter en piquet, comme ce que j'ai enseignée à Loup tout à l'heure.

"woaw !"

je prend une grande inspiration alors que je sors de l'eau. je n'attendais pas malgré mon air un peu ahuri et je me hisse jusqu'à l'échelle pour sortir définitivement mon corps de là. je me laisse tomber sur le sol, épuisée.

"hé... tu vas bien ?" je crois que oui, je l'ai vu de ma hauteur. "je propose qu'on arrête là, j'suis épuisée. c'était déjà pas mal pour une première séance."

à vrai dire, je suis exténuée et je n'ai pas envie de recommencer à me noyer. je crois que Loup aussi. le corps à lutter trop longtemps dans l'eau et il faut le ménager. je crois aussi que je n'aurai pas dû m'improviser professeur de natation et qu'il vaut mieux arrêter pour l'instant. je ne veux pas de la mort de Loup sur ma conscience.

hello again, friend of a friend

pourquoi tout ce que je fais se passe toujours si mal ? pourquoi dès que j'essaye d'aider quelqu'un, de faire quelque chose de bien, il faut que ça déconne ? je m'extirpe de l'eau en soufflant fort, le corps épuisé et les muscles douloureux d'avoir trop nagé. tout va bien et personne n'est blessé - je crois - ce qui me permet de me rassurer. mais quand bien même. j'aurai aimé éviter de m'envoler.

"t'inquiète… ça va."

je mourrai ni noyée, ni d'une chute, ni asphyxiée. alors tout va bien, hein ? ouais, tout va bien. et puis, c'est de moi dont il faut s'inquiéter, c'est de Loup ! c'est lui qui sait pas nager, c'est lui qui a bravé les flots, c'est lui qui s'est donné. moi… moi j'ai rien fait.

"je vais pas mourir, Loup, promis." je me fend d'un sourire qui se veut rassurant. il en faut plus que ça pour avoir ma peau, promis juré craché. "merci pour la serviette."

c'est gentil.
il est gentil, loup, en fait.
juste en colère, comme nous tous.

"mon pouvoir, c'est de léviter… mais je le maîtrise pas très bien et des fois, je flotte longtemps ou trop haut… là j'ai pu le déclencher, mais pas l'arrêter tu vois ? parfois ça se déclenche tout seul, c'est un peu… relou."

il faut vraiment que je réapprenne à le maitriser. mon regard se teinte de mélancolie tandis que je pense à l'ancien temps, où j'étais douée pour mon âge et que je pouvais virevolter comme je voulais, quand je voulais. l'époque de la nurserie me manque un peu… là j'ai dix-neuf piges, bientôt vingt, et mes émotions me contrôlent plus que je ne les contrôle. c'est chiant.

"enfin bref ! toi ça va ? franchement bravo pour ce que t'as fait aujourd'hui, t'as grave progressé ! prochaine étape c'est les mouvements de brasses et puis c'est gagner ! tu sauras nager comme un requin."

et je claque des dents pour imiter les poissons qui dévorent dans les fonds marins même si au fond, à part les deux ou trois films que j'ai vu dessus, ben j'y connais rien en requin. je m'autorise une frappe affectueuse dans le dos de loup, pour l'encourager. en vrai, il s'en est bien sorti. bientôt, il nagera mieux qu'un chien mouillé. mais pour l'heure, il est temps de rentrer.