amazed

Asmo est passé dans sa chambre récupérer son précieux objet, il l'a glissé dans sa sacoche élimée avant de partir vers le laboratoire de robotique d'un pas soutenu.

Le ciel est bleu, comme à son habitude et les murs du labyrinthe découpent parfaitement ce grand rectangle qui s'étend comme un drap azur au-dessus de leurs têtes.

Asmo passe une main sur sa nuque. Il sent sur sa peau le relief de griffures sur son numéro d'immatriculation. Ça lui arrache un sourire un peu dur. Caresse du bout des doigts l'espoir de faire un jour disparaitre ces chiffres et leur signification.

Il toque à la porte du labo et entre discrètement. Il est un peu plus de quinze heures, Asmo n'est étonnamment pas si en retard que ça. Son regard glisse sur la pièce, passe au-dessus des têtes sans les effleurer. Il aperçoit Charlie et se glisse à ses côtés.

- Que te racontent-elles de beau aujourd'hui ? qu'il demande doucement.

Son regard fuyant papillonne sans s'arrêter autour des mains qui s'agitent, évite la peau, savoure les dentelures des rouages. C'est beau ceux qui savent faire des merveilles du bout de leurs doigts.

- Bonjour Charlie.

Sourire.
Qu'il est bon de te voir.

Il y a des gens comme ça, des gens avec qui c'est facile d'exister. Avec lesquels on oublierait presque le monde dans lequel on vit.

Tes yeux qui balayent les siens sans peur, Asmodée fuyant s'attarde sur la fenêtre, sourire tranquille au coin des lèvres. C'est bon parfois de ne pas se sentir craint.

- J'espère que dans le fouillis des peines de coeur des blocards, il y a parfois des infos plus croustillantes.

Asmo s'assoit et sort de son sac la belle machine à tatouer. Cadeau de Charlie maintes et maintes fois améliorée, c'est la prunelle de ses yeux. Il la pose délicatement sur la table. Il laisse Charlie décrocher son nexus et le poser dans un coin avec le sien. C'est le genre de rituel auquel il faut s'habituer avec lui. Lui qui voit, comprend, entend le monde différemment.

Asmo hausse les épaules.

- Pas mieux ni moins bien que d'habitude. Les journées se ressemblent trop à mon goût. Un peu comme une boucle sans fin.

Les rouages grippés d'Ozzie l'avaient tirés de sa torpeur la veille au soir alors qu'il gribouillait sur sa peau une énième fois.

- Et toi ? Rien de nouveau sous le soleil ?

Croise ses bras sur la table pour y nicher sa tête, le regard perdu dans le vague.

- Dis-moi qu'il t'est arrivé des trucs, sinon je vais finir par croire qu'on est tous coincés dans une simulation. qu'il à demi.

Il sourit doucement Asmodée, oh oui, la perspective d'un feu, d'un brasier qui ravagerait l'enclave lui parait doux.

- Le silence ou la destruction ... déprimant. Moi je crois que les secrets peuvent servir de clé, de porte pour en savoir toujours plus. Et éventuellement, oui foutre le feu à la panic room et aux salles de test. Mais ça, c'est juste moi qui râle encore.

Sourit doucement. Presque cynique.

- J'ai une image à entretenir tu comprends, dissident du sous-sol pyromane.

Charlie s'affaire sur la machine. C'est étrange de l'entendre parler au silence. Il se demande, Asmodée, si son monde à lui n'est pas parfois trop bruyant avec tous ces appareils qui piaillent dans tous les sens.

- Je pense que si un jour, tu me dis premier degré qu'on est dans une simulation, je te crois. Parce qu'avec ton pouvoir, tu pourrais le sentir, l'entendre beaucoup plus sûrement que nous.

Il se redresse, s'approche de la machine qu'il effleure du bout du doigt.

- Ah oui, la démonter carrément.

Il soupire et s'étire sur la chaise.

- Peut-être que si c'était toi qui la gardait, elle s'abîmerait moins. L'humidité est meilleure dans ta chambre.

Et lui se sentirait probablement encore plus seul sans le vrombissement d'Ozzie et la sensation des aiguilles dans sa chair. Mais, quand on est ami avec Charlie, on ne peut considérer les machines comme de simples objets. Alors, il veut le mieux pour Ozzie, aussi absurde que cela puisse être.

Asmo entend le sourire dans ta voix. Il aimerait le voir. Il aimerait te voir. T'embrasser du regard, tes risettes, tes yeux, tes manies et mimiques. Mais il se l'interdit.

Comme une ligne tracée dans sa tête.
Il a suffisamment utilisé ce don pour savoir que pour rien au monde il ne l'infligerait à Charlie.
Alors, il se contente d'imaginer.

Et c'est sûrement pour ça, qu'il ne te voit pas devenir blanc comme un linge, les couleurs qui dégoulinent de tes joues comme autant de torrents de peur. Il contemple le mur, ignorant de l'ouragan qui rugit à côté.
À ça d'approcher le vrai du bout des doigts.

Soupir.
- Tant mieux.

Que tout ça soit vrai. C'est tangible, c'est là, on pourra en arracher chaque pierre, faire tomber chaque mur pour de vrai. Quand on pourra, parce qu'on va y arriver, un jour, à sortir de là.
Plutôt ça que se battre contre une illusion.
Contre rien. Que tout ça, toute cette colère ne serve à r i e n.

Ta main qui se glisse sur son épaule l'arrache à ses pensées tournoyantes. Les yeux clos, pose sa joue contre ta peau. Oui, cette chaleur est réelle et tout ça a un s e n s.

- Je te fais entièrement confiance, c'est toi le père après tout.

Savoure le silence un instant, le bruit du métal contre le métal l'apaise. Cliquetis précis, une musique bien huilée.

Courant d'air, Asmo se relève.
Oh.
La panic room.
o h.

Un drôle de sourire se peint sur ses lèvres. Le genre qu'on lui connait peu. Ceux qu'il cache pour ses nuits de tourmente à marcher de long en large dans sa boite, quand la rage finit par exploser.

p a n i c r o o m.
Ses échecs répétés lui collent des frissons dans le dos, peur et colère.
Parce que ça n'a pas de s e n s.

- C'est vrai qu'on en parle peu. Mes visions ont évolué depuis la première fois perso. Pas toi ?

Voix maitrisée, un peu plus acérée, un peu moins douce.