a. runb. looking for paradisec. waiting for deathd. eat friends
« Après ma mort, souvenez-vous de moi ; qu’elle vous ait été utile, mais je suis plus que ça ! Je suis plus qu’un outil de votre survie, je suis un être humain ! Chaque morceau de moi que vous mâchez est imprégné de mon essence, de mes souvenirs, de mes joies et de mes peines. Rappelez-vous de moi et de qui j’étais. Même disparu, je laisse derrière moi une empreinte, un rappel de ce que signifie être vivant. »
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Avatar : Aiko Tanaka - Natalia Dyer (credits: @caprys @sirocco) Âge : 24 ans Poste : Ingénieure du Labyrinthe Clubs : Athlétisme, jeux de logique, débat philosophique Statut : Dépressive Inventaire : Une montre offerte par Eden Pronoms : Elle Multicomptes : Castor & Sohan Pouvoir : Empathie Gif :
[ Sam 20 Juil 2024 - 20:47 ] (end) l'âme en cendre (Hector & Abyss)
les douches17 juin
j'sais même pas
où j'vais
Parfois, Abyss regrette.
Elle regrette d’avoir tourner le dos à Eden. Elle a la sensation d’avoir renoncé à une part d’elle, à un avenir un peu plus heureux. D’avoir brûlé ses chances sans vraiment les avoir estimer. Elle regrette de s’être confiée à Caïn. D’avoir tenté le diable en lui révélant tous ses doutes. De vouloir autant être sauvée que de le faire sombrer. De se rendre compte, après une vie passée à graviter autour des autres, qu’elle ne veut pas finir seule.
Cette nuit, Abyss ne trouve pas le sommeil. Les doutes et l’anxiété l’assaillent. Elle déteste ça, elle déteste être parasitée par ses émotions dans les rares moments où elle peut être tranquille. Quand les blocards dorment et lui octroient le silence. Alors au bout d’une heure, deux peut-être, elle se lève. Elle enverra bien un message à Caïn mais elle ne s’en sent pas capable. Pas deux fois. Elle voudrait disparaître, qu’on l’oublie un peu, et que tout revienne à la normale.
Mais ça ne marche pas comme ça. C’est trop tard.
Elle quitte sa chambre. Marche au hasard. Elle déambule dans les couloirs comme un fantôme. Elle essaye de réfléchir. Comment est-ce qu’elle a fini là ? Comme ça ? Aussi pitoyable, aussi désespérée ? Est-ce qu’il y a eu un pic, un élément déclencheur, ou est-ce une série d’actions insidieuses dont elle s’est rendue compte trop tard ?
Abyss se dirige vers les douches. Elle a besoin de passer de l’eau sur son visage. De se remettre les idées au clair.
Il y a de la musique qui provient de derrière les toilettes. Abyss se demande si elle aime ce qu’elle entend, si elle aime la musique. Elle n’est pas sûre d’être vraiment sensible à l’art. Sa créativité à toujours été presque nulle. Elle aime ce qui n’a pas d’enveloppe, le raisonnement pur. Elle s'épanouit dans les sciences et dans les débats philosophiques. Tous ces sujets qui n’ont pas besoin de socle pour pouvoir exister, se développer, créer. L’essence même de la pensée.
Elle en écoute parfois pour travailler. Toujours sans parole pour ne pas être déconcentrée. Si elle devait trancher, elle dirait qu’elle aime le son du piano ou du violon. La musique classique, les balades dramatiques. Celle qui bourdonne dans ses oreilles à le mérite de ne pas porter de voix. Néanmoins, les trompettes qui surgissent sur quelques notes lui font l’effet d’un petit choc. Elle préfère quand elles laissent leur place à l’étrange sifflement.
“C’est un endroit ainsi qu’une heure étrange pour écouter une telle mélodie.”
Elle a poussé la porte pour y découvrir Hector. Elle ne sait pas si elle aurait aimé y voir quelqu’un d’autre. Probablement pas. Elle n’a plus personne vers qui se réfugier alors à quoi bon espérer ?
“Tu n’arrives pas à dormir ?”
Elle se concentre sur son pouvoir, tente de discerner quelque chose, de comprendre le jeune homme. Mais elle le fait surtout pour fuir ses propres pensées qui la tiraillent.
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[ Sam 20 Juil 2024 - 21:28 ] (end) l'âme en cendre (Hector & Abyss)
Selon Mort Garson : c’est un album conçu pour se reposer sur son nouveau matelas, méditer, et regarder ses plantes pousser. La musique se veut thérapeutique.
Est-ce que ça fonctionne ? C'est ce qu'on va voir.
Avec moi j'ai rassemblé cinq pots de plantes différentes : un basilic un pothos de la lavande de l'aloe vera et un géranium.
Je les ai placés sur une bâche bleue qui elle-même est sur le carrelage blanc qui lui-même est posé sur plusieurs couches de béton eux-mêmes plaqués au-dessus de plusieurs strates de terre arable elles-mêmes cramponnées à la roche-mère.
Mais le rituel ne s'arrête pas à ça. Il faut bien sûr... la formule magique sonore de Mort Garson !!! Disait-il la vérité ? Les plantes peuvent-elles réellement pousser drastiquement sous l'influence de la musique ?
À la toute fin des cabines j'ai disposé mes cinq partenaires en rond autour de moi. On entend l'écoulement d'un robinet et au plus le temps passe au plus j'ai l'impression de sentir les gouttes dévaler le long de ma nuque. Je suis en tailleur, je fais comme ceux qui font partie du club de méditation ; je me concentre très intensément pour tenter d'entrer en communion avec la végétation qui pousse en silence sous leur terreau. Je leur parle, je les encourage à grandir, à ne pas hésiter à se montrer car je ne jugerai pas. Comme ça il se passe au moins une heure -- non en fait c'était cinq minutes -- ou peut-être bien dix secondes -- avant que je ne craque que je ne me redresse pour m'avancer à quatre pattes vers le géranium et puis la lavande et puis l'aloe vera et puis le géranium encore.
Mais pourquoi ça ne pousse pas...? J'attends. La musique continue de siffler alors je devrais voir bouger les feuilles non ? Je devrais voir un signe de vie. Je plisse des yeux à travers les cercles opaques de mes bésicles.
- Hmm. Toi tu ne pousses pas ! Tu es une menteuse !
La porte s'ouvre brutalement mais je reste couché.
- Chuuuuuuuuuuuuuuuut...!
Je n'ai pas le temps de regarder qui est là, je dois savoir si la musique fait grandir les plantes. Peut-être qu'en reniflant, je saurai ? Ou alors ma vue n'est pas assez bonne ? La nature ce n'est pas comme l'organique, je ne peux pas voir à travers. Je peux seulement écouter. Mais avec la musique c'est plus difficile.
- Tu crois vraiment que c'est l'heure de dormir ?
Ma paupière se relève pour que je puisse mieux voir qui est là.
- C'est très important ce qui est en train de se passer. On assiste peut-être à l'expérimentation du siècle. Demain ! Ces plantes seront adultes !!
Elles auront trente ans et elles iront au Paradis voir le Père Suprême.
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[ Dim 21 Juil 2024 - 15:57 ] (end) l'âme en cendre (Hector & Abyss)
les douches17 juin
j'sais même pas
où j'vais
Rien n’aurait pu la préparer à ce qu’elle allait voir en poussant la porte. Hector, assis par terre, sur une bâche aussi bleue que ses yeux. À parler à cinq pots de plantes posés dessus.
Elle recule par réflexe tandis qu’il lui intime le silence. Ça la surprend. Entre la fatigue, l’anxiété, et la scène absolument ubuesque qui se dessine devant ses yeux, Abyss est aussi déconcertée qu’elle n’est sur ses gardes.
“Mais…”
C’est pour l’instant la seule syllabe qui est capable de franchir ses lèvres. Un soupçon de non-sens, un refus d'accepter ce qu’elle est en train de regarder. En fait, peut-être qu’elle est en train de rêver. Elle cligne des yeux avant de se masser les tempes. Non, Abyss ne rêve pas. Abyss est bien réveillé et les sentiments d’Hector affluent un à un. Hector est concentré, consterné. Hector est plein d’espoir, très sérieux dans sa démarche.
Hector est… Complètement fou ?
“Oui, c’est l’heure de dormir. Il est minuit quarante–trois.”
Hector est cuisinier. Il doit se lever tôt pour préparer les déjeuners, alimenter l’enclave. Pourquoi est-ce qu’il est là, dans les toilettes des dortoirs, en plein milieu de la nuit avec cinq plantes autour de lui ?
Abyss ne voit aucune explication scientifique plausible. Elle soupire.
“Oui oui, d’accord.”
Elle se demande s’il a fumé quelque chose. Au vu de la musique, de son air ahuri et de l’aspect lunaire de la scène, elle ne serait pas étonné. Abyss hésite à faire demi-tour. Pas mon combat, qu’elle se dit. Mais face à la surprise, l’anxiété est redescendue. Comme une bonne claque, ou une frayeur qui ferait redescendre un peu sur terre. A l’inverse d'Hector qui semble complètement planer. Finalement, Abyss esquisse un sourire, avant de reprendre d’un ton très sérieux:
“Hector, ce que tu fais est vain. Cela ne marchera pas pour exactement deux raisons. Par chance, le destin m’a mis sur ton chemin alors je vais t’aider.”
Au moins ça ! Quitte à être là, autant en profiter.
“Avant que je ne te dévoile ton erreur, explique moi ton rituel dans les détails.”
Elle s’approche, pénètre dans la pièce et son carrelage froid. Elle ferme la porte et vient se joindre à Hector en prenant soin d’éviter de marcher sur la bâche.
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[ Dim 21 Juil 2024 - 19:40 ] (end) l'âme en cendre (Hector & Abyss)
Minuit quarante-trois ? Donc je suis là depuis plus d'une heure ? Peut-être que je devrais rejoindre le club de méditation. Le temps passe tellement vite !
- Tu es la première que je vois passer.
Les gens de l'Enclave ont la vessie robuste. Sûrement pour pouvoir affronter le Labyrinthe ; un coureur ne peut pas prendre le temps de s'arrêter pour une pause toilette s'il se fait pourchasser. Il meurt, sinon.
- Mais pourquoi toi tu dors pas ? Il est minuit quarante-trois.
Son nom c'est quoi déjà ? Alice ? A...
- Tu veux m'aider à faire grandir les plantes ? Je pense qu'à deux, on aura plus de chances.
Mais je ne peux pas compter sur la chance dans cette expérience. Il me faut quelque chose de solide et concret, il me faut...
- Hmmm. Pourquoi ça ne marcherait pas ?
Là, je me redresse assis. Je surveille toujours, au cas où minuit quarante-trois voudrait fouler le tapis bleu de sa voûte plantaire.
- Tu crois au destin ? Donc tu crois en la chance. Alors tu crois que ça peut marcher !
Même sans un procédé logique et rationnel. La présence de cinq plantes en pots dans les toilettes à minuit quarante-trois n'est pas rationnelle. Mais elle est logique dans le fait que si je veux les voir grandir, alors il faut essayer des choses. Aucune découverte incroyable de ce monde ne s'est faite sans qu'on la juge illogique.
- Assieds-toi, je vais avoir mal à la nuque sinon.
Mon rituel ? Je montre l'écran de mon Nexus avec la musique qui continue de jouer. Un peu moins fort sinon je n'entends plus rien.
- Le secret réside dans cette musique : elle participe au développement des plantes, ça les aide à s'apaiser, un peu comme les vaches quand on les masse. C'est un type d'il y a longtemps qui a inventé ça -- la musique, pas les vaches. J'ai voulu essayer. Comme il fait nuit et que je ne peux pas aller dehors, je me suis dit que les plantes auraient quand même préféré être dans un environnement où il fait un peu humide, alors je me suis installé ici.
Normalement le combo est infaillible. Mais peut-être qu'elles sont perturbées par la présence de miss Temps ?
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[ Dim 21 Juil 2024 - 23:05 ] (end) l'âme en cendre (Hector & Abyss)
les douches17 juin
j'sais même pas
où j'vais
C’est peut-être la première phrase pertinente est sensée qu’Hector vient de prononcer. Pourquoi Abyss ne dort pas ? Vaste question. Sa mine s'assombrit le temps de sa réflexion. Abyss ne dort pas parce qu’elle est tiraillée par ses pensées, par le sentiment d’impuissance qui s’écrase sur ses épaules et par la solitude qui empoisonne son cœur.
Elle se contente de sourire.
“Le sommeil ne veut pas de moi.”
C’est forcément ça puisque ça ne peut être l’inverse. Mais sa réponse ne lui convient pas, elle la laisse sur sa faim. Elle hésite, regarde autour d’elle pour vérifier qu’il n’y a personne. Elle plisse les yeux, toise Hector, puis glisse:
“Je pensais à l’avancée inarrêtable du temps qui nous guide tout doucement, chacun d’entre nous, vers une mort inévitable. Ca ne lui a pas plu.”
Au sommeil, bien sûr. Abyss est curieuse de sa réaction. On peut tout dire à un fou, non ?
“Non, je ne crois pas au destin.” Elle le coupe. Abyss n’est pas assez désespérée pour s’en remettre à la grâce du ciel, ni assez imbue d’elle-même pour croire en son influence sur l’univers. “Je crois à la chance. Celle qui résulte des calculs de probabilités.”
C’est bien plus plausible. Bien plus terre à terre. Et la terre fait pousser les plantes. Cqfd. Abyss s’installe auprès d’Hector. Tant qu’à faire, autant essayer d’invoquer le fantôme des toilettes pour faire pousser trois succulentes que de retourner errer en attendant que le temps passe ((en attendant la mort)).
“Je disais donc, il te manque deux éléments. Le premier, tout d’abord, c’est la disposition de tes pots. Regarde.” Abyss tente de percevoir un semblant d’ordre quant à la manière dont Hector a placé les cinq plantes, mais la conclusion est triviale: il n’y en a pas. Alors Abyss les lève pour les replacer dans un geste précis et sûre d’elle. “Donne moi ton nexus.” Elle récupère l’appareil pour venir le placer au centre du cercle circonscrit aux cinq points définis par les pots. “Voilà.”
Disposé en un pentagramme le plus régulier possible, les arêtes reliants chaque plante orienté d’un angle de 108°, et le nexus bourdonnant de musique pile en son centre.
“Comment veux-tu que tes plantes poussent si elles ne sont pas toutes à la même distance de ta musique ? Il ne faut pas en négliger une plus qu’une autre, ce serait injuste. Elles méritent toutes le même traitement de faveur.” Comme les blocards, tous égaux face au Paradis. “A moins que tu ne veuilles instaurer un système d’étoiles pour elles aussi ?”
Quelle connerie. Ca, c’était la première des raisons. La fausse. Abyss va maintenant enchaîner avec la deuxième. La vraie.
“Enfin, le deuxième élément est tout de même évident. Je suis surprise que tu n’y es pas pensé, Hector.” A deux doigts de dire qu’il le déçoit. Mais Abyss n’est pas si cruelle. Abyss n’est pas si mesquine. “Il est minuit quarante-quatre maintenant. Tu comprends ce que ça implique ?”
D’un regard transperçant, elle fixe Hector. Elle a cette attitude de professeur qui attend une réponse de son élève. Elle ne laisse que quelques secondes au silence avant de lui donner la réponse.
“Le soleil.”
Et oui, pardi ! Comment cinq plantes pourraient-t-elles pousser à la lumière des néons sales et clignotants des toilettes du dortoir ? Impossible. C’est scientifique.
“Demain, tu iras au jardin. Il faudra te lever tôt pour éviter la chaleur. Tu disposeras les plantes comme ceci, ton nexus au milieu pour les motiver. Tu les planteras de tes mains, comme un père. Tu leur feras une prière et tu verras, quand tu reviendras, dans deux jours ou dans six mois… Elles auront grandi et tu pourras être fier.”
Ou quelque chose du genre. A vrai dire Abyss s‘en fiche.
“Moi ? Non, non. Je ne suis pas jardinière. Je fuis juste la Vérité.”
Elle se demande alors. Si Hector serait assez fou pour l’entendre et la croire. Sur le labyrinthe et sur l’Enclave. Elle se demande aussi. S’il est fou, est-ce que elle aussi ? Puisqu’elle est là dans les toilettes à minuit quarante-quatre.
Tu crois vraiment que le sommeil choisit ses apôtres ? Ce n'est pas comme le Père Suprême.
Si on fait pousser la vie alors on repousse la mort. En faisant pousser cinq vies je retarde cinq morts.
Vivre n'est jamais qu'un gain de temps. Dormir est un raccourci jusqu'au lendemain. Toi qui ne dors pas as-tu l'impression que le couperet est toujours aussi loin de toi ?
Ce n'est pas de la chance, ce sont des conditions.
Moi je ne comprends rien à cette forme en étoile, peut-être à part qu'elle est la dernière qu'il me manque avant de rejoindre les préférés du Père. J'aime cette harmonie à cinq pointes. On dirait un corps humain couché par terre avec en son centre le son que font les battements du cœur.
- C'est une jolie musique.
Je me demande comment elle a été fabriquée.
- Tu sais je pense qu'il n'y a que les plus fortes qui survivront. Les autres serviront de terreau supplémentaire. Les plantes se dévorent entre elles aussi.
Comme les bêtes comme les hommes comme la vie se digère elle-même dans les viscères de sa propre paresse.
- Je ferai comme ça alors. Je mettrai les plantes sous le soleil et on verra.
On verra laquelle mérite de vivre.
- Je vais devoir rester avec elles toute la journée alors... Tu voudras faire ça avec moi ? Tu as l'air de t'y connaître.
Ou peut-être que tu seras en train de dormir pour rattraper le temps perdu. Pour te rapprocher un peu plus de cette mort qui t'effraye. Tu sais je pense que fuir à contresens ça ne donne pas de bons résultats. Les Parents courent toujours plus vite pour rattraper les enfants qui s'éloignent le plus.
- Oh ? Et c'est quoi ta Vérité ? C'est le surnom que tu as donné à quelque chose ?
Charlie appelle son Nexus Nathaniel.
- C'est quoi le nom que tu donnerais au sommeil ? Peut-être qu'avec un prénom il aura plus envie de te prendre la main.
Mes yeux descendent sur mon quintet de verdure et mes sourcils blancs se haussent.
- Il leur faut un prénom à elles aussi !!! Tu m'aides à trouver ?
Hector n’a pas l’air de moufter face à ses deux prescriptions. Un pentagramme floral et quelques rayons de soleil. Voilà donc la solution. Si ça lui semble plausible, alors soit. Après tout, faut-il vraiment que tout ait un sens ? Avant, Abyss aurait répondu oui sans aucune hésitation. C’était son art de vivre: apprendre, comprendre, décrypter, décoder. Il n’y avait pas de place pour l’absurdité.
“Non, je travaille demain matin. Et après, il faudra aller aux clubs.” Abyss n’est pas assez folle pour lui dire oui, pour remettre une pièce dans la machine et devoir se coltiner du jardinage tout l’après-midi. “Mais tu n’as qu'à aller voir les jardiniers. Tu pourras demander à Caïn.”
Elle croit se souvenir que son ami ne l’apprécie pas. Trop lourd, trop bruyant. Abyss commence à comprendre. Hector est trop différent. Lui et Caïn, ce n’est pas fait pour fonctionner.
Abyss donc, à tout du long de sa vie été en quête de Vérité. S’est efforcée de chercher le Sens de tout ce qu’elle voyait. Mais aujourd’hui les fondations sur lesquelles elle se tient vacillent. Le socle qui fait d’elle ce qu’elle est s’effrite et menace de tomber. Les cartes ont été redistribuées et Abyss n’est plus si sûre Pas assez pour accepter de nommer le sommeil, elle n’y voit aucun intérêt. Mais assez pour rester avec Hector encore un peu. D’ailleurs, elle a une idée.
“Tiens, puisque demain tu seras au jardin, tu vas manquer le club de débat. On va le rattraper cette nuit.”
Du doigt, elle pointe les plantes.
“Faisons une expérience de pensée. Nomme les, je ne t’aiderai pas. C’est toi, leur Père. C’est toi qui les fait pousser et qui t’en occupe. C’est à toi de leur donner ton Amour. Tu es le seul capable de le faire.”
Hector a dit tout à l’heure que seules les plus fortes survivront. Qu’elles finiront par se dévorer entre elles. Avant, Abyss aurait accepté cette idée sans sourciller. Elle aurait acquiescé en mentionnant la biodiversité. Mais aujourd’hui, cette idée l’angoisse. Elle n’y voit qu’un reflet de l’Enclave. Depuis sa discussion avec Caïn, elle est incapable d’en être imperméable.
“Tu dis qu’elles se dévoreront. Mais si cela est la finalité, alors tu démontres simplement que tes actions sont vaines. A quoi bon jardiner, à quoi bon s’occuper des plantes, si seul un échantillon déterminé par le hasard de la génétique survivront ? Ce que tu fais n’a pas de sens.”
Et le métier de jardinier ? Obsolète.
“Ces plantes sont les tiennes. Elles sont sous ta responsabilité. C’est à toi de les nourrir comme il convient. D’eau, d’engrais et de soleil selon leur besoin. Tu as cinq plantes différentes. Tu ne vas quand même pas donner la même quantité d’eau à une aloe vera qu’à un pothos alors que la première à besoin de trois fois moins d’arrosage que la seconde ? Il te faut étudier tes plantes pour les comprendre et leur donner ce dont elles ont besoin pour s’épanouir.”
S’adapter à chacun des profils et non l’inverse.
“Tu as dis que seule les plus fortes survivront mais quels sont tes critères d’une plante forte et d’une culture réussie ?”
Ici-bas, il faut au minimum trois étoiles et de très bons résultats. Elle se demande alors si elle peut faire reproduire à Hector le système de l’Enclave sur ses plantes. Si oui, alors elle aura la confirmation qu’elle vit dans un monde de folie.
- .......... Mais c'est bien sûr.....!! Je vais lui demander à lui.
Le club de jardinage. Ce doit sûrement être l'endroit où Caïn fait autre chose que perdre. Je viens plonger la main au centre de l'étoile pour récupérer mon Nexus et ouvrir mon répertoire.
- Nexus, trouve Caïn et dis-lui...
Dis-lui...
- ... que j'aimerais beaucoup le revoir.
Le message est en train de s'écrire automatiquement mais minuit quarante-trois me rappelle à l'ordre.
- C'est moi le papa...?
Est-ce que moi aussi je pourrai être Parent un jour ?
- Oui. Tu as raison, je vais...
Mes yeux se plissent au-dessus de mes cinq blocards enfoncés dans leur terreau.
- ... Je vais y réfléchir.
Mais je ne pourrai pas réfléchir davantage ce soir. Pas quand ta réflexion me fait lever des yeux sous mes carreaux opaques.
- Pas de sens ? Mais la vie elle-même n'a aucun sens, A....
C'est vraiment Alice son prénom ? Qu'est-ce que c'est son numéro imprimé dans le cou ? Ce sera plus facile pour l'appeler. Mais elle est un peu trop loin pour que je puisse bien voir...
- Plus le nombre de cobayes est grand, plus les chances qu'émerge un élu parmi eux seront élevées. C'est de la probabilité... Si c'est le géranium qui survit, alors je n'élèverai que des géraniums. Pourquoi je m'encombrerais des espèces qui ne sont pas fertiles et qui n'ont aucune chance de survivre ?
N'élever que le meilleur pour en garantir la qualité futur.
- Je vais étudier leurs besoins. Je les nourrirai, leur parlerai régulièrement et ferai tomber la pluie quand il faudra. Je m'occuperai d'elles comme si j'étais leur Père Suprême... Et je les verrai grandir, tenter de m'atteindre un jour. Je sais que l'une d'elles sera au moins assez forte pour ça.
Tu me demandes ce qu'est une plante forte ?
- C'est une plante qui permet la survie de sa propre espèce.
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[ Jeu 25 Juil 2024 - 14:04 ] (end) l'âme en cendre (Hector & Abyss)
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j'sais même pas
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Pauvre Caïn. Pense Abyss. Ce n’est sûrement pas l’idée du siècle que de lui envoyer Hector. Mais Caïn sait se débrouiller, Caïn saura s’en débarrasser. Le discours d’Abyss semble faire mouche. Elle plisse les yeux, s’insinue dans le coeur d’Hector pour en comprendre les ficelles, pour accentuer ses mots et toucher là où il faut. Elle se niche dans les dénivelés de ses émotions, prend racines pour mieux le comprendre, mieux l’aiguiller, mieux le manipuler.
“Oui, c’est toi.”
Elle insiste tandis qu’elle lit un mélange de surprise, de réalisation, d’espoir. Elle l’entends buter sur son prénom, cache son sourire. Abyss ne le lui donnera pas. Elle n’a pas envie de recevoir des messages incongrus sur son nexus à minuit quarante trois. Elle garde le silence, attend que l’attention se reporte sur autre chose, se fait patiente.
“Je pense que ce que tu dis n’est pas dénué de sens.” Elle est sincère. Abyss se met à réfléchir. Elle ne peut pas s’en empêcher. Les mots d’Hector lui font naturellement penser à l’Enclave. Elle associe les cobayes aux blocards. Si Abyss a conclu que le système était à l’envers, elle n’a pas encore compris ni trouvé le but de ce dit système. Les mots d’Hector forment une piste mentale qu’elle garde de côté. “Ceci dit…”
Son attention revient sur les plantes.
“Cinq pots, ce n’est pas très grand comme échantillon…”
Une étude statistique sur cinq personnes n’est pas fiable. Le cardinal de l’échantillon dépend de la précision souhaitée et de l’expérience observée. Abyss se dit que pour mesurer la fertilité d’une espèce de plantes, il faudrait au moins une centaine de plantations à répartir sur deux ou trois ans. On pourrait augmenter la dimension de l’expérience en testant les saisons et en faisant varier divers variables extérieures comme le taux d’humidité, l’arrosage, le type de sol et l’intensité du soleil. Mais c’est peut-être un peu trop complexe pour un photos, un géranium, de la lavande, une aloe vera et un basilic.
“Ce serait idiot de n’élever que du géranium parce que tu n’as planté qu’un pot des autres. En multipliant les expériences, tu te rendras peut-être compte, dans un futur proche, que c’était le basilic le plus facile à faire pousser. Pour en être vraiment sûr… Il te faut redoubler d’effort, planter et aimer beaucoup de plantes. Quelque chose de l’ordre de… de la taille de…”
De l’enclave. Abyss se tait.
“Ah bon.”
Elle réfléchit à la réponse d’Hector. Ca ne lui fait ni chaud ni froid puisqu’Abyss elle-même n’a aucun élément de réponse. Elle ne sait pas ce qu’est une plante forte. Elle n’a pas de réponse à apporter, ni de vision à confronter. Elle était juste curieuse. Elle accepte la réponse d’Hector sans sourciller.
“Dis-moi, Hector.” Elle a senti l’excitation frémir dans ses pores. “Tu aimerais être parent ?”
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[ Jeu 25 Juil 2024 - 22:00 ] (end) l'âme en cendre (Hector & Abyss)
Ce que je dis est rarement dénué de sens en réalité. Je ne détiens pas la vérité absolue et c'est un fait mais mes propos ont toujours un sens.
- J'aurais aimé faire plus mais le jardinage ne fait hélas pas partie de mes clubs.
J'ai sous-estimé le plaisir à cultiver ses plantations et à caresser les feuilles de bon matin.
- Ah bon ? C'est le basilic le meilleur candidat ? Comment tu sais ça ?
Et pourquoi pas le géranium ?
- Si je plantais autant de plantes qu'il y a de blocards alors chaque blocard pourrait prétendre à une plante et donc peut-être qu'on verrait l'investissement de chaque blocard dans l'amour et le soin qu'il met à s'occuper de sa plante. Ce serait une bonne statistique tu crois ?
Hm. J'y réfléchis et je me dis que ça ne représenterait pas exactement le potentiel de chacun. Mais c'est intéressant de se dire que pour un blocard, on peut lui assigner une donnée. Dans un tableau, ça ferait beaucoup de chiffres, et si j'étais un fou des chiffres, si je ne vivais que pour ça, alors indéniablement je serais cette présence assise face aux luminescences de l'écran à tester à expérimenter à envoyer des signaux électriques des ordres des punitions pour tester la robustesse de mon enclos. Oui, je ferais ça pour garnir mon tableau de tout plein d'informations utiles et nécessaires.
Tout est bon pour la connaissance.
- Parent ?
Si j'aimerais être parent mais bien sûr que j'aimerais l'être ! Je remplacerais ce bon vieux Jim pour revêtir son manteau qui traîne tout le temps dans la poussière et je serais ce chien de tête que les louveteaux ressentent le besoin viscéral de suivre.
Même si je devais me diriger au bord du gouffre.
- Oui. On m'a déjà demandé si je voulais pas faire médecin.
Et je réponds oui pareil. Avoir tout plein de plantes sous ma responsabilité. Je serai leur soleil sinon rien.
- Pourquoi ? Tu trouves que je ferais un bon Père ?
Sans doute autant que l'Absolu qui nous sert de Divin.
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[ Ven 26 Juil 2024 - 11:24 ] (end) l'âme en cendre (Hector & Abyss)
les douches17 juin
j'sais même pas
où j'vais
Pourquoi le basilic et pas le géranium ? Abyss soupire. Elle a dit ça au hasard. C’était un exemple, une illustration de raisonnement sans prise dans la réalité. Elle a dit le basilic comme elle aurait pu dire le pothos ou l’aloé vera. Ou comme elle aurait pu dire tout le monde ou personne. Après tout, peut-être qu’elles mourront toutes. Les plantes.
“Ses émotions.”
Mensonge ! Abyss ne lit pas les émotions des plantes. Elles n’ont pas de cœur et donc n’ont pas d’esprit. Elles sont composées de racines, de tiges, et de feuilles. Parfois certaines offrent quelques fleurs. Mais ni la couleur des pétales ni la courbure des feuilles; dentées ou bien lobées; ne sauraient dévoiler un bouquet de sentiments.
“Pas une statistique, mais un critère de sélection, ça, oui.” Elle ne s'embarrasse pas d’expliquer le pourquoi du comment d’une expérience statistique. Ça ne l’intéresse plus, sa curiosité et son attention est partie sur autre chose. “Par exemple, le plus évident: pour déceler les futurs jardiniers ou agriculteurs. Ceux qui savent s’occuper de la flore. On peut l’étendre aux apprenties mères. Il faut de la douceur et de la patience pour faire grandir une plante.”
Elle pense à Eden. Pour son prochain anniversaire, elle lui offrira deux pots en terre. Une qui fera une plante magnifique, comme une orchidée. (pour Eden) L’autre qui ne fera aucune fleur, comme le pilea. (pour elle)
“Cela permettrait aussi de déceler quel blocard possède de l’empathie et qui n’en a pas. C’est une qualité trop oubliée, pourtant on nous enseigne qu’il faut aimer notre prochain et lui tendre la main.”
Aimer les autres, se soutenir, avancer ensemble mais écraser les autres pour se hisser vers le haut, se battre pour une étoile, dénoncer ses camarades.
“Tu devrais soumettre ton idée à un parent. Je suis sûre qu’on te récompensera.”
Qu’on te prendra pour un fou. Mais qui sait, peut-être que les adultes aussi sont fous et que grâce à son programme végétale, Hector saura trouver son public et sa dernière étoile.
“Médecin, c’est un peu attendu pour quelqu’un comme toi.”
Elle croit se souvenir que le pouvoir d’Hector est en lien avec les blessures. Peut-il les voir, les soigner, les apaiser ? Abyss ne se souvient plus.
“Certainement.”
Lui en parent, en voilà une idée intéressante ! Sous Père Hector, ce sera la politique des plantes et des cercles de transmutation dans les toilettes à minuit quarante trois ! L’ambiance de l’Enclave promet. Abyss serait presque déçue de ne pas pouvoir y assister.
“Hector.” L’étincelle dans ses yeux se rallume. Abyss pivote pour le fixer, le sonder, lire en lui. “Tu préfères être Père, ou aller au Paradis à trente ans ?”
A ton avis, Hector. Toi qui ruisselle d'idées vides de sens mais arrive à combler le vide de l’absurdité de cette vie. Toi accueille la folie autant que ton n’aime le Père. Toi qui en cet instant te projette Parent… Tu dois bien avoir une idée sur la raison de leur présence, de leur existence ?
Pourquoi ces adultes restent-ils dans l’Enclave aux portes du Paradis ?
Avatar : gojo, jjk (av@joueur de billard). Âge : vingt-cinq ans. Poste : cuisinier. Clubs : natation, théâtre, débat. Statut : célibataire. Inventaire : le tournevis de jude. Pronoms : he; him. Multicomptes : loup. Pouvoir : vision sous-cutanée Gif :
[ Ven 26 Juil 2024 - 16:44 ] (end) l'âme en cendre (Hector & Abyss)
- Elles ont des émotions les plantes ?
Elles peuvent ressentir le sursaut de joie ? L'étincelle de génie ? Se froisser d'angoisse et trembler d'excitation ? C'est ça ton pouvoir, minuit quarante trois ? Ou non... Mademoiselle je pose des questions pour trouver réponses à d'autres.
- De la douceur et de la patience ? Hmm...
J'ai encore du progrès.
- Moi je suis rempli d'empathie jusqu'à ras-bord !
Je souris grand parce que j'en suis vraiment très fier.
- J'en ai tellement que je leur donne aux plantes, tu vois.
La musique commence un peu à ralentir d'ailleurs. Je pense qu'on arrive à la fin de la piste. C'est pas grave : j'ai mis en loop. C'est parti pour les sifflements et les trompettes !
- Et toi de l'empathie tu en as ?
Je te regarde dans les yeux, miss Temps. Même si la courbe de mes lunettes te coupe la tête en deux.
- Je verrai ça demain au club de jardinage. Comme je n'en fais pas partie, ce sera sûrement moins facile de faire passer cette nouvelle loi.
À chaque blocard sa plante attitrée. Je suis en train de réfléchir sérieusement à comment on pourrait mettre ça en place, il suffirait que l'ascenseur nous ramène de l'engrais, beaucoup d'engrais, et qu'on plante chacun dans un terreau. Un peu comme on met le bébé dans un berceau.
- Hein ?
Mes sourcils se haussent face à la question de mon avenir. ... L'avenir.
- J'ai beaucoup réfléchi.
À cette question. J'y ai beaucoup réfléchi.
Je me mets à sourire de manière incontrôlable.
- Et je me suis dit que je n'arrivais pas à me figurer le Paradis ! Alors...
Ça y est. Quand je commence à faire des gestes grands comme ça, c'est parce que le récit me prend aux tripes.
- ... j'ai estimé qu'il était plus raisonnable de poursuivre dans l'Enclave une fois passé la barre des trente. Devine ! Je veux être Parent.
Peut-être le prochain médecin de l'Enclave. Je deviendrai indispensable à la survie de tous. Je serai la pluie de nos plantes.
- OUI ! Voilà. Paradis, c'est ici. Alors autant en profiter.
Je souris grand avec des épaules bondissantes sous le rire bienheureux.
C'est ici que se trouve mon bonheur. Même au beau milieu des toilettes, entouré de cinq embryons végétaux.
Même face à quelqu'un qui compte ses jours, s'épuise à penser.
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[ Sam 27 Juil 2024 - 17:30 ] (end) l'âme en cendre (Hector & Abyss)
les douches17 juin
j'sais même pas
où j'vais
Abyss lui offre un sourire. Ah ! S’il s’avait, Hector, ce que c’était l’empathie. Il ne dirait pas qu’il en est rempli. Personne, ne souhaite être rempli d’empathie. Se gaver d’émotions d’autrui jusqu’au rejet, au vomi. Elle a envie de secouer la tête, de lui répondre que non. Qu’elle n’a pas d’empathie, qu’elle n’y comprend rien, aux autres et leurs sentiments barbants ! Dans un monde normal, hors de l’Enclave, ce serait certainement vrai.
Mais Abyss a hérité de la pire - ou de la meilleure - capacité. Abyss perçoit les émotions des autres, les comprend, les confonds pour les faire siennes. Abyss est un réservoir vide, une page vierge, que les blocards remplissent et gribouillent d’émotions colorées, y laissent leur empreinte indélébile jusqu’à ce qu’il n’y reste plus rien de personnel.
“Oui, ça va.”
Et ça la fait rire, Abyss. En silence toujours, mais la lèvre se trémousse. Si Hector était vraiment empathique comme il le prétendait, alors il saurait. Il la sentirait, son empathie débordante qui tremble et tremble et menace de craquer sous le poids du flot de ses pensées.
Elle frissonne tandis qu’Hector entre en transe. Il se met à sourire, s’active. L’émulsion est palpable et Abyss doit se concentrer pour ne pas se faire avaler. C’est bruyant et drainant, c’est ce qu’elle hait le plus chez les gens.
“Pourquoi plus raisonnable ? Qu’est-ce que tu aimes dans l’Enclave ? Qu’est-ce qui t’y raccroche ?”
Où sont tes racines, Hector ? Comme celles de ces plantes qui subissent ton rire, ta musique, et mes prescriptions stupides.
La question est importante aux yeux d’Abyss. Elle fait directement écho au sursi qu’elle a demandé à Caïn. Elle a besoin de réfléchir, de mettre en opposition ces idées à celles des autres. Elle a besoin de comprendre l’Enclave et les Blocards. Abyss doit, ces prochaines semaines et ces prochains mois, faire véritablement usage de toute son empathie pour tenter d’observer l’Enclave sous un nouveau prisme.
Et espérer trouver (enfin) les réponses à ses questions.
“Hector. Si tu as de l’empathie et que tu veux être parent… tu t’engages à aimer tes enfants, n’est-ce pas ?” Ses frères et sœurs blocards. Aujourd’hui camarade et demain un troupeau de gamin à guider dans l’enclos. “Entre toi-même et eux, tu mettrais qui en premier ?”
Hector existe si fort, Hector se met au centre de cette étoile qui lui manque, de ses cinq enfants plantes. Mais Hector est-il capable de s’oublier pour l’Enclave ? Pour les blocards ? Pour leur péchés ?
Si Hector le peut, alors Abyss n’aura aucune excuse. Juste de l’égoïsme.
Pendant une seconde j'essaye de rentrer dans cette expression qui ressemble à un froissement sur ta figure. À moins que ce ne soit une tentative de sourire ? Moi tu sais je n'ai pas le don de pouvoir visiter la pensée des gens et j'en suis plutôt ravi quand cette ignorance me permet de profiter du plaisir à effeuiller les strates de ce que l'on appelle la conscience humaine. Je penche un peu la nuque en avant, comme dans une envie d'intégrer ta grimace. Finalement, je recule. Parler de l'Enclave, parler des autres, ça me fait reculer, il faut que je puisse voir l'image en grand.
- Tout. Absolument tout.
Les lits. Le fait de pouvoir accrocher des photos dans ma chambre. Attendre mon tour au réfectoire pour me servir dans les croissants bien chauds. Regarder mon emploi du temps alors que je le connais par cœur parce que c'est le moment où je peux aussi jeter un œil sur celui des autres et avoir l'impression de vivre leur existence. Retourner manger à midi et compter les places vides de ceux qui n'ont pas droit à leur repas. Mes clubs. Les messages vocaux incessants sur Nexus. Jouer au billard avec ceux qui ne connaissent rien aux règles. Tenir la main des aveugles le long du chemin retour jusqu'aux dortoirs.
Tu ne trouves pas que tout ça, minuit quarante-trois cela correspond exactement à la mission d'un Parent ?
- J'aime la vie ici.
Je l'aime profondément. Cette vie est celle à qui je tiens la main avant tous les autres.
- Je mets la Société avant moi.
Ce n'est pas juste une question de vies humaines entre ces murs hauts. C'est une question de préserver l'entité que représente tout ce microcosme.
- Et toi ? Si tu pouvais choisir entre te sauver la vie ou sauver celle des autres, qu'est-ce que tu ferais ?
Mon sourire à moi s'est un peu tari et il semble que derrière mes lunettes opaques, mon regard aussi a pris quelques teintes vers l'abysse.
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[ Jeu 1 Aoû 2024 - 14:33 ] (end) l'âme en cendre (Hector & Abyss)
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où j'vais
Abyss écoute en silence. Elle laisse les mots d’Hector marquer son esprit, l’amplitude de sa voix, son ton frappant, sûr de lui. Elle l’a sentie dès les premiers échanges et même lors de quelques discussions houleuses au club de débat philosophie: Hector est vivant.
Hector est vivant comme Abyss ne pourra jamais l’être. Hector nourrit l’enclave et se nourrit des autres. De ces étoiles qu’il arbore fièrement, de ces débats passionnés qu’il tient, de sa soif de connaissance, de ses rêves et projet. Hector vit avec l’Enclave en une symbiose parfaite et Hector grandit, grandit, grandit et ne fait que s’intensifier au fur et à mesure qu’il s’approche du Paradis.
Pour Abyss, tout est clair: Hector finira Premium avant trente ans puis probablement parent.
Mais surtout, surtout, Hector ne sera jamais elle. Elle ne sera jamais Hector. Abyss n’aime pas l’Enclave comme Hector l’aime, Abyss n’aime pas cette vie comme Hector la chérit. Abyss est au mieux neutre, au pire existence. Car Abyss est de ceux qui n’existent pas, elle est de ceux qui s’effacent, de ceux dont le corps est traversé de courants d’air. Elle est de ceux qui refusent de chercher la lumière, qui déambulent d’une ombre à l’autre. Abyss est de ceux qui ne se débarrassent jamais d’eux-mêmes.
“Je vois.”
La question lui est retournée et Abyss se met à sourire. Si elle en était capable elle aurait rit devant l’absurdité de la question. Mais Abyss fait partie des gens du vide. Elle ne rit pas. Elle laisse les feux des projecteurs à Hector, ça lui va bien mieux au teint.
“Je sauverai celle des autres.”
Abyss s’est constamment placée en dernier. Abyss s’est toujours contenter de suivre le mouvement, de s’acclimater à ce qu’on attendait d’elle: avoir le rôle de tampon émotionnel. Que ce soit dans son attitude, dans ses mots et dans ses propres sentiments, Abyss n’est jamais elle-même: c’est toujours les autres qui priment.
Mais Abyss ne choisit pas de sauver la vie d’autrui uniquement par courage et altruisme. Si elle possède le second par nature, il n’en est rien du premier car Abyss est trop lâche pour cela. Non, si elle choisit, dans sa réponse, de sauver la vie des autres c’est parce que Abyss n’a aucune volonté à sauver la sienne.
C’est là tous les enjeux qu’elle traverse: doit-elle enfin s’écouter et sauver sa propre vie quitte à tout perdre ? Et même dans ce choix, elle ne le fait pas pour elle.
Abyss ne se sauvera jamais car elle ne peut que se sacrifier. Sacrifier sa seule source de liberté pour entrer dans le rang, plaire au parents, cesser les vagues menaçantes et rester aux côtés d’Eden pour la fin des temps. Ou sacrifier ses liens et sa sanité d’esprit pour se fondre corps et âme dans le Labyrinthe, percer les secrets de l’Enclave pour sauver tous les blocards de ce système injuste dont elle est la seule à voir les ficelles, les emmener au Paradis quitte à mourir sur le chemin.
Abyss ne pourra jamais se choisir car Abyss est Abyss. Là où Hector, en choisissant la Société, se choisit lui-même aussi.
C’est là, leur différence fondamentale.
“Je vais me coucher.” Elle est épuisée. “Bon courage pour ton projet végétal.”
Abyss a créé une distance avec Hector, comme pour se protéger. Comme pour éviter qu’il ne la contamine ou au contraire, le protéger de sa propre toxicité. Il ne faudrait pas qu’elle salisse son cœur immaculé.
Il n’est plus minuit quarante-trois depuis longtemps et Abyss, comme un fantôme, quitte la pièce pour se fondre dans l’obscurité, disparaître.
Avatar : gojo, jjk (av@joueur de billard). Âge : vingt-cinq ans. Poste : cuisinier. Clubs : natation, théâtre, débat. Statut : célibataire. Inventaire : le tournevis de jude. Pronoms : he; him. Multicomptes : loup. Pouvoir : vision sous-cutanée Gif :
[ Jeu 1 Aoû 2024 - 18:32 ] (end) l'âme en cendre (Hector & Abyss)
... "abysse" ?
- Oh.
Alors comme ça tu choisis de sauver les autres.
Tu sais, il y a une citation que j'aime beaucoup. Elle est dans un vieux livre que plus personne n'ouvre. Je me suis même demandé ce qu'il faisait là. Dans ce livre, il y a ce paragraphe.
Blessure profonde comme les abysses. Rouge du crime que la mort décolore.
Tu ne trouves pas qu'il te ressemble ? Maintenant je me souviens. Et je te souris, toi qui ouvres la porte pour retourner te loger parmi tous les ouvrages. La musique a cessé de jouer. On dirait qu'elle a compris qu'il n'y avait plus personne à endormir.
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