amazed

Si c'est une mauvaise idée, Luke ne veut pas le savoir. Si Kafka soit être l'instrument de sa chute, Luke ne veut pas le savoir. Pour l'heure, Luke n'est que colère, que rage. On ne lui fera pas croire que Kafka est innocent. On ne lui fera pas croire qu'il n'est pas pleinement conscient. À ses yeux, le une étoile est un fou lucide. Il savait pertinemment ce qu'il faisait quand il l'a provoqué. Et Luke en a assez. Assez qu'on se paye sa tête, assez qu'on le cherche. Kafka doit apprendre où est sa place.

Kafka a embrassé Alfie.

La jalousie lui tord tellement le bide qu'il se fait sourd à son écho. Évidemment, Kafka n'a pas cru pertinent de répondre à sa question. Alors il cherche, il erre, s'impatiente parce que craint de voir sa colère retombée si trop de temps ne se passe. Pourtant il en a envie, non, il en a besoin. Effacer l’impertinence sur le visage de psy, le réduire en bouillie pour que plus jamais il ne le fasse se sentir aussi... Fragile.

Il erre, Luke. Songe à la déchetterie, aux endroits où un rat est capable de se terrer. En passant devant les douches, il aperçoit des mouches.

Des mouches.

La porte s'ouvre avec fracas dans la foulée. Luke déboule, trouve la silhouette recroquevillée de Kafka.

De tous les endroits possibles il fallait que tu viennes là.

Ça pourrait le faire sourire. Son poing tremble contre sa hanche.

Tu me pousses à bout. On dirait que ça te fait plaisir.

Il s'approche, le saisit par le col.

Tu as gagné, j'arrête d'être gentil.

Il arme son poing. Robin pourra bien être déçu, on pourra bien lui faire perdre des étoiles. Luke s'en fiche d'être premium, personne ne le respecte pour ça. Mais Kafka apprendra à le respecter, ils apprendront tous. Si c'est pas le statut ce sera la crainte. Si faut être un monstre, alors soit.

Quelque part, Luke a finit par comprendre que la fin justifie les moyens. Et que ce n'était pas si grave.

C'est ça, il va le faire. Se rendre justice. Rétablir l'ordre. Parce que c'est bien ce qu'on attend de lui, non ? C'est ce qu'ils veulent tous de lui non ? Des preuves, des putains de preuves, que Luke est à sa place, que Luke est dans ses bons droits, qu'il prend à cœur ses devoirs de maintenir le saint ordre de l'enclave. Et ce ce qu'il mérite, Kafka. C'est ce qu'il a mortellement envie de lui faire mériter, Luke.

Arrête !

La voix d'Alfie claque dans l'air, lui fait retenir son poing pourtant toujours armé. Dans ses tripes, Luke sent que ça tord, que ça s'emmêle. Alfie est là. Pourquoi est-il là ? Immédiatement, le premium tourne la tête vers son seul coupable : Kafka. Qui fait la victime, qui supplie presque qu'on poursuive. Luke écarquille brièvement le regard, jette Kafka au sol.

Toi... Toi... Toi ! De sa vie, Luke jure qu'il n'a jamais autant détesté quelqu'un. C'est ça ton plan ? Appeler ton plan cul à la rescousse pour te faire passer pour la victime ? Putain de freak !

Luke tourne un regard rageur vers Alfie.

Et toi t'es assez con pour tomber dans le panneau !

Kafka n'est pas petit. N'est pas sans défense. Alfie est venu le défendre. Alfie ne voit rien. Putain ça le blesse.

Ton petit-ami me cherche depuis des semaines, il m'espionne, il me provoque ! Et toi hormis fourré ta putain de langue dans sa bouche tu fais rien. Tu réfléchis pas, tu t'es même pas posé la question que cet enfoiré te manipule et se fou bien de ta gueule depuis le début. Regarde-le merde !

Il pointe Kafka du doigt, excédé.

Attendu que tu sortes les poubelles pour te sauter dessus et toi tu dis oui ?! Et maintenant quoi ? Tu vas le défendre ?! Tu veux que je te montre ses messages pour voir ?

Son poing tremble, à soif de vengeance.

Ouais, tu mérites petite merde. Tu mérites même plus que mon poing dans ta tronche. C'est enfermé à la cave qu'on devrait te foutre sale mange merde !

Ses mains sur ses épaules et son visage face à lui. Quand c'est son regard qui le confronte, quand ce sont ses yeux qu'il voit, Luke se sent nu, instable. La colère monte, descend, monte encore. Ses émotions sont une mer houleuse qui s'écrase avec force contre les rochers de la raison. D'Alfie si beau, mais qu'il n'a jamais voulu autant frapper qu'en cet instant.

Pourquoi ça t'importe tant son sort, hein ?

Pourquoi on ne le laisse pas, assouvir ses plus sombres désirs, exploser, craquer, péter un câble. Puisqu'il est si malheureux au sommet pourquoi on ne l'en libère pas. Ce serait si simple, tout le monde y gagnerait, Alfie compris. Luke en assez. Il ne se reconnaît pas dans cette intensité, n'est plus que l'ombre de héros de son panthéon. Magda, Robin. Que dirait père ? Qu'est-ce qu'il lui ordonnerait. N'est-ce pas lui qui lui avait demandé de battre Alfie pour lui apprendre sa juste place ? La colère fait naître des larmes rageuses au coin de ses yeux. Au final, ça les dépassent tous, c'est beaucoup plus grand qu'eux.

Pourquoi tu-

Il y a des mots qu'il n'était pas prêt à entendre. Kafka parle. Luke ne sait pas, cette fois-ci, s'il rend les armes ou si le une étoile enfonce les derniers clous du cercueil dans lequel il l'a jeté des semaines plus tôt.

toi, luke -- tu l'as trahi,

Je n'ai pas-! S'étrangle-t-il en tournant la tête vers Kafka. Tu ne sais pas-

tu l'aimes et qu'alfie t'aime

Q-Quoi ?

Son regard se tourne vers Alfie. Jamais il ne lui avait offert un air aussi coupable. C'est un aveu quand il détourne les yeux, pince les lèvres. Kafka n'a jamais été aussi juste et Luke n'a jamais été aussi lâche et injuste.

Casse toi Kafka. Casse toi avant que je ne te frappe.

Il essaye de se détourner de la prise d'Alfie, pousse sur ses épaules et finit par tourner la tête vers lui.

Et toi lâche moi !

Sauf que personne n'arrêtera, Kafka. Il y a trop de non-dits. C'est un volcan qui gronde depuis des lustres, ce sont des années de mensonge qu'on enterre et que tu as déterré. Luke voudrait l'ignorer qu'il ne le pourrait pas. On a exhumé le cadavre grouillant de son déni alors qu'il a dit non.

Luke ne lui accorde aucun regard. Il a la sensation qu'il pourrait tout aussi bien se jeter sur lui et le rouer de coups. Encore une fois, il ne doit la sauvegarde de son étoile qu'aux intervenants extérieurs. Ne dois d'être toujours à sa place que parce que des plus sages que lui le sauve. Robin, Saki, Judith. Mince, le dernier lui arrache la gueule tant ça lui fait mal.

A l f i e.

Et Alfie frappe. C'est logique, ça ne l'a pas empêché de ne pas le voir venir. Le poing du sans étoile s'écrase contre sa joue. Luke sans sa lèvre éclaté, comme un fruit trop mûr, gorgé de pulpe. Un arrière-goût métallique glisse dans sa bouche. Luke ne tombe pas, Alfie le rattrape. Sa main sur son col le tien en respect et il laisse son corps pendre. Je ne t'aime pas. Il insiste, le répète. Luke voudrait le dire lui aussi, mais quand Alfie mentionne Judith, c'est autre chose qui sort de sa bouche.

Ah, t'aimerais hein ? Que je la baise. Et pourquoi ça te dérange  en fait, espèce de connard ? C'est que je la baise elle ou que je baise tout court qui te rend fou ?

Il attrape son poignet, ancre ses pieds au sol pour cesser de pendre.

T'adorerai, avoir un truc à me reprocher, pouvoir me pointer du doigt. T'as toujours aimé ça, me rappeler qu'on était pas si différent, qu'on était pas plus meilleur que l'autre. Marrant que tu sois jaloux, quand moi je l'étais c'était "pas cool".

Sans prévenir il bondit sur ses pieds et écrase avec violence son front contre le sien. Un coup de tête qui sonne, qui lui permet d'à son tour saisir son col. Ils se tiennent, pourrait en déchirer la tenue de l'autre tellement ils serrent, tellement les jointures de Luke sont blanches.

Je couche pas avec Judith tocard.

Sans prévenir, il bondit sur ses pieds et écrase avec violence son front contre le sien. Un coup de tête qui sonne, qui lui permet d'à son tour saisir son col. Ils se tiennent, pourraient en déchirer la tenue de l'autre tellement ils serrent, tellement les jointures de Luke sont blanches.

Mais peut-être que je devrais.

Baiser Judith.

VA TE FAIRE FOUTRE ALFIE !

Pour ne pas dire qu'il le hait, qu'il le déteste plus qu'il ne déteste Kafka, peut-être même plus qu'il ne se déteste lui-même. Parce qu'Alfie est tout. De ses rêves avortés à ses déceptions les plus profondes. De ses fantasmes à ses errances. Du manque qui a creusé un trou dans le cœur à l'omniprésence des songes qui embrouille son crâne. Et peu importe que la douleur ne passe pas, que Luke ne sente plus son pouvoir s'activer, ses cellules brûler d'un feu divin qui le rend si invincible, si grand, si parfait. Tant pis que la douleur irradie, qu'il sente le sang couler le long de sa gorge. Ses narines s'ouvrent, son nez se fronce et son pouce râpe son index, trahissant sa colère. Il a ce réflexe depuis tout minot, le pouce qui râpe l'index, comme un claquement de doigts mal exécuté. Luke n'a jamais su claqué des doigts.

Va te faire foutre. Je te hais, je te hais tellement !

Tous ses actes manqués, tout ce que vous auriez dû être, ce que vous ne serez jamais. Luke sent ses yeux brûler, amer. Il n'est pas capable de les retenir, mais n'en hais que davantage le sans étoile. Les larmes piquent le coin de ses yeux. Et Alfie étale sur ses joues les peintures de la rage et de la passion. Bizarre comment le rouge est à la fois symbole de beauté et de violence. C'est risible comment ça leur ressemble. Et le cœur de Luke bat, il l'entend résonner dans ses tempes.

Qu'est-ce que tu ?

Et le cœur de Luke cesse de battre quand les lèvres d'Alfie échouent sur les siennes.

Blanc. Tout est blanc.

Il le réflexe idiot d'écarquillé les yeux, de tenter de pousser Alfie en avant, mais le fou s'accroche. Il se sent étouffé, paniquer et ce cœur qui se remet à battre, si fort, si fort que ça fait mal. Et les larmes, surtout, qui coulent. Ridicule, impuissant. Alors qu'il tente de le repousser Luke, mais que les gestes se font de plus en plus mous, de moins en moins ravageurs. Et quand leurs lèvres se détachent, Luke constate.

Merde.

Constate qu'il ne maîtrise vraiment plus rien.

Il fond sur les lèvres d'Alfie, son col toujours dans sa main et pivote pour l'écraser contre le carrelage. Du poing, il appuie contre le bouton-poussoir qui fait ruisseler l'eau chaude, peut être pas ne pas s'entendre. Lui et son stupide cœur, les bruits des lèvres qui se dévorent, les gémissements empressés ou la voix dans sa tête qui lui dit qu'il en avait rêvé. Ses mains s'accrochent aux vêtements, l'autre glisse dans les boucles blondes dans lesquels il s'est si souvent perdu autrefois. Quelque chose picote en lui, quelque chose de nouveau d'inédit. Comme un lien d'empathie, qui part de ses nerfs, glissent sur ceux du voisin. Un feu qui brûle, qu'il ne maîtrise pas. À quoi bon maîtriser l'incendie quand on peut simplement brûler ?

Luke a toujours été le plus intense et le plus partageur des deux.

Et c'est parce qu'il sent cette empathie les lier, ce plaisir interdit être transmis, que Luke revient à la brutalité. La peur l'inonde, son cœur s'affole. Il pousse violemment Alfie avant de bondir en arrière.

Je-

Peur. Il a peur.

Tu l'aimes, avait dit Kafka.

Merde. Merde. Peut-être bien.