amazed

je connais les rituels des églises depuis bien des années déjà, j'ai appris à les respecter d'un par cœur presque inné. mes genoux, plus d’une fois, ont vu naître sur eux, des bleus, vestiges de l'inconfort d'un sol où l'on prie. pourtant, jamais plus belle douleur n’a su me toucher de si près. le Père, me sauvant d'une mort inquiétante, a su guérir ces plaies en moi. m’élevant presque à son rang, il m’a permis de vivre la plus belle grâce que jamais je ne serai capable de rencontrer de nouveau. et je l’aime si fort que s’il fallait tout faire en son nom, je m’en donnerais à cœur joie. à vrai dire, je pense que cela est ma destinée. me donner le rôle de mère, c’est me confier la responsabilité de transmettre les bienfaits d’une religion m’ayant recueilli lors de mes années sombres. à partir d’aujourd’hui, j’adopte un chemin de vie ne différant que peu de ce que j’ai toujours connu. je vais prier le Père, et je le ferai sans timidité ni retenue. je le ferai sans la torture m’ayant poursuivi durant mon enfance. aujourd’hui, je prends la place de la marâtre, seulement, j’adoucis ses traits.

certains enfants me paraissent plus enclins à suivre mes pas que d’autres. je sens la force de mon sauveur sur mes épaules, elle ne m’alourdit pas mais à la place, allège mes tourments et m’indique qu’il est bon de faire parvenir cet amour jusqu’aux bras des blocards.

au réfectoire, je siège en face de Tess. il est du rôle des parents de veiller sur eux lorsqu’ils mangent, et je vois en cet instant, le moment idéal pour prêcher la bonne parole. bon appétit, Tess. je lui souhaite avant de m’aventurer sur mon sujet favoris. et que la grâce du Père Suprême te touche. allons ! remercions-le pour ce délicieux repas qu’il te gratifie. sans perdre de temps, je joins mes mains en un geste de prière et ferme les yeux dans la même foulée, sans prêter attention à si elle me suit ou non, espérant tout de même qu'elle sache imiter ma gestuelle pieuse. merci mon Père pour ce repas que tu offres à chacun de mes enfants. que ton amour puisse les atteindre et les toucher. qu’ils puissent se rapprocher de toi afin que tu te rapproches d’eux.

les bruits de fond émis par tous les enfants masquent le silence à la fin de ma prière. je rouvre les yeux et un sourire apaisé se dessine sur mon visage. j’ai la foi de me dire que mes saintes paroles, en plus de mon pouvoir, sauront apaiser et guider le cœur de Tess sur le chemin du Père.

je n’ai pas traversé assez de terres en ces lieux pour m’être familiarisé de quelconque manière avec qui que ce soit. cependant, toi tu me sembles plus juste que les autres. je t’ai déjà vu de loin, les mains jointes, et ça m’a plu. je me suis dis que nous pourrions faire de grandes choses, si tu veux de moi autant que tu veux de Lui. je t’ai vu les paumes prêtes à toucher le ciel, mais encore trop incertaine pour en effleurer le divin. j’ai voulu t’approcher mais, petite maman que je suis, me voici bien timide face à un enfant d’une lueur si éminente. pourtant, tu acceptes ma présence sans sembler la subir. je te découvre aussi petite que moi, avec une foi me paraissant inébranlable, j’aimerais te guider vers de plus beaux lieux.

tu es croyante ? je lui demande, connaissant déjà la réponse. j’ai envie de l’entendre sortir de sa propre bouche, je ne lui arracherai pas ces mots qui lui appartiennent, car à elle, je sais qu’il est inutile de tenter de faire bourgeonner ces pensées saintes. tu peux le prier à tout moment. il t’offre ce repas, comme il t’offre chaque souffle au cours de ta journée. mieux vaut trop prier que ne pas le faire assez, c’est ainsi que tu t’approcheras de lui, et qu’à son tour, il s’approchera de toi. je lui offre un sourire réel, en soutenant son regard. je dois lui faire savoir qu'elle n’a rien à craindre, qu'elle n'a nulle raison de se sentir intimidée, car le Père l'a placée sur la route d’une Mère bonne et aimante.