amazed

lorsque l’on parle de deuil, il est question de mort. le trépas entraîne les cinq étapes du deuil telles que nous les connaissons ; déni, colère, marchandage, dépression, acceptation. un bug dans la matrice se présente dans le cas d’une simple disparition. nul moyen n’existe pour garantir le décès du frère de Caïn. ce que Caïn sait, c’est que son frère a été jeté au-delà des portes que l’on ne peut franchir qu’avec modération. la suite n’est que théories et suppositions. un deuxième soucis prend place lorsque l’être supposément endeuillé se montre incapable d’éprouver quelconque colère. le tragique destin de Caïn ne lui permettra donc jamais de prendre le temps de faire le deuil d’un frère simplement disparu.

le monde est si beau depuis qu’il n’est plus des nôtres. la brise souffle comme si elle n'avait jamais existé auparavant, Caïn la ressent et l'apprécie dans le creux de son cou. aujourd’hui, il fait un tour dans au jardin botanique. il se sent plus léger qu’il ne l’a jamais été. un poids s’est soustrait de ses épaules. si les fleurs portaient un visage, elles ne cesseraient de lui sourire, et alors il leur rendrait. il leur tend la main et une coccinelle s’aventure sur le bout de son index avant de prendre son envol. elle aussi disparaît, elle ne meurt pas. lorsqu’il lève les yeux au ciel, il y découvre un soleil si grand, si brillant, qu’il n’avait pourtant jamais pu admirer avant tant l’ombre lui ruinait le spectacle. il manque d’y perdre la vue tant il le trouve à son goût. Caïn gambade parmi la flore avant prendre place au pied d’un arbre contre lequel il dépose son large dos. ses yeux mirent ce ciel si bleu, si faux, qui n’est que mensonge. seuls quelques branches accompagnées de leurs feuilles lui obstruent la vision. la journée est si belle, si grandiose, que rien ni personne ne pourrait la gâcher. Caïn, connu pour sa grande introversion, est prêt à accueillir quiconque croisera son chemin.

si l’on tend l’oreille, tout ce que l’on est capable d’entendre dans le jardin sont la stridulation des insectes et les feuilles virevoltantes, se froissant les unes aux autres. à ce spectacle sonore se joignent les pas de Light, se rapprochant avec innocence. Light. Caïn quitte le ciel et se plonge dans les yeux de l’enfant de foudre, dont il scrute les détails. l’occasion de s’attarder sur les autres n’existait pas avant le tragique évènement. avant, son frère lui bouchait la vue et Caïn ne voyait que son dos. aujourd’hui est un jour différent. aujourd’hui il fait beau. aujourd’hui l’ombre n’est plus. je vais bien, merci. comment vas-tu ? il lui retourne la question, chose qu’il omet habituellement.

Caïn connaît Light, de loin seulement. s’il mise dans les muscles, Light, lui, est un cerveau. ils ne se partagent aucun club et ne passent donc, aucun temps ludique ensemble. pourtant, au sein de ces grands arbres et de ces nombreux arbustes, Light croise le Caïn le plus heureux de l’Enclave. cette émotion dominante, Caïn ne la voile pas. la joie, il ne la dissimule pas comme il le fait avec la tristesse, ou pire encore ; la jalousie.

quelle belle journée. Caïn fait savoir, toujours sur ce même ton apathique qui lui appartient, mais avec cette fois-ci, une lueur en plus. parler de la pluie et du beau temps, c’est futile, cela ne sert qu’à meubler et à montrer un potentiel malaise que l’on souhaite éviter. cette gêne, Caïn s’en moque. en ce sublime après-midi, il faut appuyer sur la beauté de l’Enclave. il faut montrer que la vie ici est plus agréable qu'elle ne l'a jamais été. puis sa main de se glisse sur l’herbe bien entretenue. il la tapote, faisant signe à Light de se joindre à lui au pied du tronc.

peu d’évènement en réalité, mais l’un d’eux se détache du lot. les mains froides aux longs doigts salis de vice et de péché de Caïn sur le cou de son frère maintenant décédé. il ne faut pas le dire, mais si l’on s’imagine que Caïn s’est contenté d’avoir la facilité de le pousser là, entre ces murs dont il ignore tout, alors il faut imaginer de nouveau.

la vérité, c’est qu’il l’a poussé près des portes, mais cela n’a pas suffit à le faire traverser la frontière. dans la panique, son frère a tenté de se relever, s’accrochant à la jambe de Caïn. c’est ici que l’adrénaline entre en jeu. Caïn ne pouvait pas abandonner son crime. il l’avait pensé des semaines, des mois à l’avance. il ne pouvait pas se permettre de s’arrêter en si bon chemin. autrement, son frère l’aurait balancé. il ne fallait pas lui donner l’occasion de crier au loup à juste titre. alors il a saisi le haut de son t-shirt, qui a presque succombé à la force de la poigne. une déchirure s’est faite entendre. avant qu’il ne craque et cède pour de bon, Caïn s’est empressé de déplacer ses mains sur le cou de son frère. mais il ne fallait pas non plus l’étrangler jusqu’à perte de conscience : Caïn ne tenait pas à rester avec cette dernière image de son frère. le spectacle auquel il souhaitait assister, c’était un spectacle cruel où le dernier mot de la pièce serait finalement un cri d’effroi, un hurlement de terreur. Caïn l’a lancé avec tant de force au cœur du Labyrinthe, que si les portes ne s’étaient pas refermées à la seconde suivant la chute, on aurait pu entendre son coccyx se briser.

la scène telle qu’elle est, est encore fraîche dans la mémoire de Caïn. elle tourne en boucle comme un disque rayé. bientôt, ce souvenir lucide disparaîtra comme on oublie un rêve. aucun évènement en particulier, Light. il faut faire comme s’il ne s’était rien passé. et de ton côté ? il faut détourner l’attention.

Caïn croit à une mauvaise blague de la part de Light, ce qui ne semble pas être son genre habituellement. il le regarde discrètement du coin de l’œil. ah oui, ta sœur… vous semblez bien vous entendre. et une telle chose, il ne le conçoit pas vraiment. pour lui les liens du sang sont un empiétement sur le chemin du bonheur. Caïn a dû se débarrasser des mauvaises herbes pour y voir clair de nouveau.

une relation fraternelle, aux yeux de Caïn, ne signifie pas plus que celle que l’on entretient avec ses ennemis. les frères et sœurs, ah, ils vous aiment tant. mais s’ils en avaient l’occasion, ils vous glisseraient la dague au cou. pour se sortir de ce schéma, il faut être celui qui frappe le premier. Caïn se considère chanceux, il a simplement été le plus rapide des deux frères. un probable acte de miséricorde de la part de ce Père Suprême que nul encore n’a vu ici.

pourquoi est-ce que je me sentirais seul ? Caïn, sans trop réfléchir, se munit de brins d’herbe qu’il égrène entre ses doigts avant de les déraciner, c’est le stresse qui agit à sa place. une boule a prit place dans son ventre, mais devant Light, et à l’aide de sa capacité, il masque son angoisse (sa peur ?) à la perfection. j’ai Jude. une courte pause, synonyme d’un besoin de réflexion. j’ai mes clubs. peut-être que Light tient à dévier la conversation sur ce frère disparu, il faut contre-attaquer, et une fois de plus, se montrer plus rapide. est-ce que ta sœur t’agace parfois ? les yeux ne sont pas posés sur Light, il ne faudrait pas qu’au fond du regard de Caïn, il soit capable de percevoir le péché récent.