Arrivée à l'EnclaveZélie et Noah sont des purs produits de WICKED, nés au sein même du laboratoire. Certains diront que c’est un heureux coup du sort, après tout, c’est chouette de venir au monde avec une copie de soi-même. D’autres n’hésiteront pas à parler « d’erreurs génétiques », mais il ne faut pas les écouter.
EnfanceSa petite main serrée dans celle de son jumeau. Qu’il ne la lâche pas, jamais. C’était tout ce qu’elle voulait.
Petite Zélie était aussi introvertie que Grande Zélie, si ce n’est plus encore. L’avantage, c’est qu’à cette époque, tout lui paraissait tellement plus simple. Il lui suffisait de serrer un peu plus fort sur la mimine qui la retenait pour que tout aille mieux, ou presque.
Zélie n’a toujours été que l’ombre de Noah. Marcher à côté de lui, ou derrière. Parler moins fort que lui, ou pas du tout. Être là où il est, sans jamais accaparer l’attention des autres. S’il était bien plus discret lorsqu’ils étaient enfants, il menait tout de même la danse.
Ce rythme de vie, peut-être étrange pour les autres, permettait à la jumelle de maintenir ses angoisses à distance, autant que possible.
D’aussi loin qu’elle se souvienne, Zélie a toujours été extrêmement anxieuse.
La peur des autres chevillée au corps, qu’il s’agisse de leur jugement ou du mal qu’ils pourraient lui faire ; l’angoisse du futur, du sien, celui de son frère ; la panique quant à ses propres capacités, peur de ne jamais être à la hauteur, de ne pas pouvoir s’en sortir.
Elle n’a probablement jamais regardé le monde avec sérénité, jouant au chat et à la souris avec ses crises d’angoisse.
Émotions refoulées depuis l’enfance, qui ressurgissent aujourd’hui avec violence et l’empêchent de réfléchir correctement.
Le même cycle recommence, encore et encore, alors qu’elle lutte pour ne pas se faire engloutir.
Mais parfois, il a fallu que Zélie sorte de cette carapace néfaste pour exister réellement. Pour remplacer Noah en tant que soutien.
Quand la main de son jumeau s’est nichée au creux de la sienne, alors que les ténèbres le menaçaient. Une peur d’enfant, dont tout le monde a déjà entendu parler. Elle ne se souvient pas spécialement en avoir eu peur, elle aussi, mais quand bien même c’eût été le cas, Zélie serait intervenue pour aider Noah quitte à mettre ses propres craintes en sourdine.
Elle se souvient encore de ses doigts dans les cheveux bruns de son frère, qui se baladent doucement entre les mèches rebelles, alors que de sa petite voix, elle entonne :
« Jamais on n’a vu,
Jamais on ne verra,
La famille tortue courir après les rats »La comptine de leur enfance, que Zélie chante toujours aujourd’hui quand elle se sent submergée.
Accompagnée de ses pouvoirs, la jumelle se chargeait de faire taire la peur de l’obscurité de Noah, tant bien que mal.
« Le papa tortue
Et la maman tortue
Et les enfants tortues
Iront toujours au pas »Petit à petit, pas après pas, même s’ils allaient lentement, ils ont fini par conquérir cette peur.
Et c’était comme ça pour à peu près tout.
S’ayant l’un et l’autre pour seule famille, Zélie aurait tout donné pour son frère. Se jeter à corps perdu dans la bataille lui faisait moins peur tant qu’il y avait Noah. Prendre la parole en public, s’il le lui demandait, ça allait. Se mettre à courir comme des dératés pour aucune raison, juste parce que ça le faisait rire, pourquoi pas.
Ce n’était pas dans ses habitudes, certes, mais il y avait Noah. Et avec Noah, il y avait moins d’anxiété. Moins de peur, moins d’angoisse. Noah la protégeait.
Noah, c’était tout, elle n’avait besoin de rien d’autre, jamais.
Noah, Noah, Noah.
Jusqu’au jour où, âgés de dix ans, alors que la sélection approchait, Zélie a complètement perdu les pédales.
Une crise comme jamais auparavant. Tout se mêle, tout se déforme, la peur transforme les peurs les plus irrationnelles en prédictions futures. Zélie ne distingue plus le réel du faux, s’enfonce petit à petit dans une terreur véritable, qui lui cause d’incessantes crises de larmes, le souffle court, l’incapacité de raisonner.
Plus loin, plus loin encore, irrattrapable même par Noah.
Désespéré, il tente le tout pour le tout, dans l’espoir de la comprendre, dans l’espoir de l’aider. Là où Zélie a pu faire taire sa peur, pourquoi ne pourrait-il pas en faire de même ?
Puisque Zélie ne peut pas user de son pouvoir sur elle-même, il peut tenter sa chance, non ?
Il essaye, mais il se rate.
Le fardeau est trop lourd.
La crise l’emporte, il se noie dans l’angoisse de sa sœur, fait face aux démons qu’elle s’efforçait de retenir jusque-là.
Il lâche complètement prise.
Zélie se recroqueville, s’effondre un peu plus.
Il lui faudra quelques heures pour se remettre, mais au fond d’elle, elle le sait. Cette crise a brisé quelque chose dans sa relation à son frère.
Au fond, s’il n’utilise plus son pouvoir sur elle, c’est tant mieux, non ? Elle ne pourra plus le parasiter, comme ça. C’est beaucoup moins dangereux ainsi.
Mais n’a-t-il pas eu peur d’elle ? Ne s’est-il pas demandé à quel point sa sœur est … folle ?
Dire que cet événement n’a pas renforcé son anxiété serait mentir. Encore aujourd’hui, ce souvenir est vivace dans la mémoire de Zélie. Elle s’efforce chaque jour de faire mieux, pour ne pas refaire cette erreur.
C’est sûrement grâce – ou à cause, c’est selon – de cette histoire qu’elle s’est investie d’autant plus par la suite. L’espoir de se racheter, peut-être. Ou de montrer à Noah que ce n’est pas (totalement) une cause perdue, qu’il y a encore de belles choses à voir et à faire.
Et puis, finalement, c’est aussi pour elle, tout ça, non ? Pour se racheter auprès d’elle-même. Pour être meilleure, pour grandir.
Ce sera aussi une excellente manière de maintenir ses démons à distance.
Alors, qu’est-ce qu’on attend pour partir à l’aventure une fois de plus ?
La SélectionLadies and Gents, this is the moment you’ve waited for,
Been searching in the dark, your sweat soaking through the floor,Les poings serrés, le regard droit vers les adultes qui lui font face.
Les heures d’entraînement défilent devant ses yeux en continu, lui rappellent tout ce qu’elle a enduré avant d’arriver ici.
C’était tout ça pour ça.
Pour ici.
Pour maintenant.
Noah n’a pas arrêté de lui dire qu’ils sont « balèzes », qu’ils vont très bien s’en sortir et qu’il n’y a pas de raison de s’inquiéter.
Pas de problème, que des solutions. Faire confiance à tout ce qu’ils ont appris, à tout ce qu’ils ont travaillé ensemble. Faire confiance à tout ça, leur faire confiance à eux, se faire confiance à soi.
Perpétuer la dynamique des dernières années pour montrer au monde de quel bois ils se chauffent.
And buried in your bones, there’s an ache that you can’t ignore
Taking your breath, stealing your mindZélie inspire longuement, fortement. Elle n’a pas détourné le regard une seule fois, elle n’a pas baissé les yeux. L’angoisse la ronge, mais aujourd’hui, elle sait que ce n’est pas le moment. Il faut tout refouler, cette fois plus que jamais. Enterrer la peur qui la tenaille au plus profond de son être, fermer la boîte et se jeter droit dans la gueule du loup.
And all that was real is left behind …Galvanisée par l’adrénaline qui court dans ses veines, Zélie s’élance.
Les épreuves se suivent et s’enchaînent à un rythme effréné. Il n’y a qu’une seule règle, une phrase qui résonne dans sa tête comme une insupportable litanie :
« On est balèzes », encore et encore. Elle enterre tout le reste, muselle les peurs, écrase la terreur qui la ronge.
L’anxiété disparaît peu à peu, jusqu’à ne plus exister. Il n’y a plus qu’elle et eux, les épreuves auxquelles ils la soumettent.
Éprouver les efforts qu’ils ont faits jusque-là, pousser encore et toujours pour comprendre à quel point ils sont forts, à quel point ils sont « balèzes ».
Mais ça, c’est la partie facile.
Alors que Zélie en sort, presque satisfaite de ce qu’elle a produit – elle n’est jamais pleinement satisfaite, de toute façon, elle sait pertinemment ce qui l’attend.
Ce qui les attend tous.
This is the Greatest Show.La Panic Room.
Le noir complet, le silence total. Une scène de théâtre immense, sur lequel le rideau s’ouvre. Ses yeux qui parcourent une foule monumentale, ils sont tous là. Pas un siège vide.
Pas une paire d’yeux ailleurs que sur elle.
Son cœur accélère. C’est ça, c’est ce moment-là qu’elle redoutait le plus. L’oxygène qu’elle respire lui brûle les entrailles.
À chaque fois, c’est la même chose. Elle a l’impression qu’elle va mourir, noyée sous la panique qui gonfle dans sa poitrine.
« On est balèzes ». Sa voix résonne dans sa tête, cogne chaque paroi de sa conscience. Il ne faut surtout pas lâcher prise, elle le sait. C’est la même épreuve pour tout le monde, c’est la dernière, c’est celle qui lui permettra de passer à la suite. De prouver qu’elle est peut tout faire, à condition de se donner à fond.
Alors elle serre les poings. Pour la première fois depuis toujours, face à son enfer personnel, Zélie décide de prendre le taureau par les cornes.
Aujourd’hui, elle ne baissera pas les yeux. Aujourd’hui, elle ne fuira pas.
Elle les regardera en face, un à un s’il le faut, tour à tour jusqu’à ce que ses yeux soient complètement asséchés.
Elle réfléchira au reste demain, parce qu’aujourd’hui, c’est le grand jour.
Inspire, Zélie.
Tu es balèze.We light it up, we won’t come down
And the walls can’t stop us now.Après avoir survécu au rite de passage, Zélie est redevenue fidèle à elle-même, à quelques détails près.
Noah ne l’a pas entendu de cette oreille, évidemment. Comment ça, la jumelle veut rester planquée dans sa chambre à ne parler à personne ? Alors qu’il y a tous ces clubs ! Toutes ces choses à faire, partout ! Il y a encore tant à apprendre et tant à faire !
Il ne faut pas faiblir !
Le cycle recommence, la voilà inscrite au club de volleyball et à la musique. Elle se donne corps et âme, suffisamment pour se sentir à la hauteur, mais pas trop, pour ne pas trop qu’on la remarque. Elle rejoindra le club de danse plus tard et constatera que cela lui fait un bien fou, c’est l’un des rares moments où Zélie n’est plus vraiment Zélie. La musique et le volley lui permettent de rester auprès de son frère. Quand ils parviennent à accomplir l’exploit, pas de doute : c’est grâce à Noah. C’est lui le surdoué des deux, de toute façon. Quand la musique émeut les foules, pareil, le compositeur ne peut être que Noah. Et ça lui convient vraiment très bien.
Ce qui est dommage, c’est que Noah ne peut pas être partout. Noah ne peut pas toujours voler la lumière.
Et un jour, elle reviendra. Elle illuminera une nouvelle fois le visage de Zélie. Ce jour-là, il lui faudra être prête.
Timeline0 an –Les bébés éprouvettes viennent au monde dans les laboratoires de WICKED.
6 ans –«
La Famille tortue » devient l’hymne officiel pour contrer la peur du noir de son jumeau.
10 ans –Engloutie par une crise d’angoisse d’une ampleur jusque-là inconnue, elle parasite son frère qui tente de faire appel à ses pouvoirs pour l’aider. Une cassure se crée entre eux. Zélie s’en veut toujours aujourd’hui.
13 ans –Sous l’impulsion de son Noah, Zélie rejoint les clubs de volleyball et de musique. Elle fait en sorte de toujours se maintenir dans la moitié haute des groupes, en veillant à ne jamais briller. S’ils gagnent et sont talentueux, elle fait en sorte de faire briller les autres avant elle.
16 ans –Rejoint le club de danse, où elle se laisse aller un peu plus simplement, quitte à parfois briller un peu.