amazed

Malgré les remous d'un mois de septembre tumultueux, l'ordre naturel de l'Enclave a fini par reprendre ses droits, si bien que l'été étrange que tous viennent de passer semble s'être effacé au profit de l'automne à venir. Ainsi, la vie de Sohan a reprit son court. Bien sûr, le corps toujours marqué d'une cicatrice nette à l'abdomen, il y a des choses qu'il ne peut se permettre de refaire. Le grand frère doit encore faire attention - ont dit les infirmières - et se ménager s'il ne veut pas de blessure ouverte. Sohan l'a accepté sans difficulté car il n'est pas des fous qui jouent avec leur vie au profit de leurs envies. Son emploi du temps légèrement modifié, il s'attèle de nouveau pleinement aux tâches induites par sa responsabilité: méditation avec les abeilles, prise en charge de ses adelphes, repas en communauté, clubs dans l'après-midi. Sohan et de retour. Il profite de sa liberté retrouvée pour reprendre ses habitudes sur lesquelles il a érigé son quotidien. Il en est heureux, car c'est cela, vivre.

Durant sa ronde coutumière, il a entendu d'étranges rumeurs. Les enfants ont vu, près de la ferme, un monstre. Ils ont prit peur, s'imaginant les bêtes du Labyrinthe déferler sur l'Enclave. Mais d'après les témoignages fébriles de ses petits frères, et ne voulant pas se faire avoir une deuxième fois - car il ne s'élancera plus à la poursuite d'un blocard instable sans avoir pris ses dispositions, le corps encore conscient du traumatisme dans la forêt - Sohan active son pouvoir. Ses yeux émeraudes tournent au doré tandis que ses pupilles se dilatent. Les possibilités s'affichent devant lui tandis qu'il recoupe les informations avec celles des enfants. Les chemins se modifient petit à petit jusqu'à l'amener vers la solution de ce mythe métallique.

Ah. Je vois. Pense Sohan.
Il croit comprendre.
La voix douce, il rassure ses adelphes avant de s'élancer vers le pic à la rencontre de ce diable. Mais Sohan sait: cette fois-ci, il ne se fera pas planter.

"Hey."

Il la trouve là, la créature. Lovée contre les rochers, des gravas à ses pieds, assez loin de la rivière pour ne pas s'y noyer. Le tableau est triste, comme le dormeur du val de Rimbaud, aux deux trous rouges sur le côté droit du corps. Sauf qu'ici, personne ne saigne: Tay ne peut pas puisque son corps n'a plus de chair.

"Tay..." Sohan souffle. Il se souvient de l'affection qu'il lui portait, avant. Puis Sohan se souvient de son regard quand elle l'a dénoncé, de son étoile perdue et du début du déclin. Bien qu'ils ne se parlent plus, Sohan ne lui en a jamais voulu. "C'est moi, c'est Sohan. Des blocards m'ont prévenus que tu étais là."

Dans cet état. Il ne dit rien car il n'y a rien à dire.
Est-ce que Tay l'entends, de là où elle est ? Le cœur du grand frère se serre. Peut-être est-ce trop tard. Il s'approche, mais pas trop. Il est prudent désormais.

"Qu'est-ce qu'il s'est passé ?"

Il ne lui demande pas si elle va bien, car de toute évidence, Tay ne va pas bien.

autre espèce

dans le jour vogue une chose sans nom ; on l'appelle, parfois, et si elle répond, on peut se demander s'il s'agit du hasard. sous la lumière, les traits sont étranges, inhabituels ; qui donc ? quoi, plutôt ? comment, aussi ? les couleurs du soleil ne lui vont pas, c'est une créature de nuit, cela se voit. elle devrait rôder dans les ombres, où la lueur diffuse des lampadaires se transformerait en poignards sur l'armure de son torse lorsqu'elle s'y reflétera. c'est une chose d'ailleurs, dérangeante comme il le faut pour ne pas hurler au monstre mais suffisant pour se questionner ; la métaphore est facile, et les Hommes sont égoïstes, alors en la voyant ils se demandent : où est la frontière entre moi et elle ?
l'horreur n'est pas superficielle. elle ose rester ici, de jour, là où elle ne devrait pas être, et personne ne lui dit rien. peut-être même essaient-ils de l'éviter, probablement tournent-ils la tête quand elle peut les voir, et l'observent de suite quand elle regarde ailleurs ; ils viendront lui demander comment elle va quand tout sera réglé, quand le danger n'habitera plus ses yeux vides qui pourtant n'abritent que de la peur envers elle-même.
elle divague, elle a perdu son t-shirt et son chapeau, les pieds sont nus et ses cheveux d'un blanc presque intégral. elle veut fuir les regards mais ne sait plus trop où elle se trouve ; l'instant d'après, elle se dit que cela est inutile, qu'il est temps de rentrer, de continuer ce qu'elle faisait.
elle se retrouve en haut du pic. le robot n'en a pas peur -la rivière est trop peu profonde-, mais cela l'embête de perdre son temps. elle ne fait rien. elle regarde l'horizon, même pas le gouffre, et vraiment, il n'y a rien à voir ; contre le vert des arbres se découpe le morceau de métal. elle n'a rien à faire ici. ce n'est pas son environnement. la ferme n'a plus aucun sens. quand elle y repense, elle se noie de nouveau.
elle ne sursaute pas quand tu parles. la carcasse savait déjà. le signal vocal lui parvient mais elle n'en fait rien. il est arrivé ce qui devait arriver. voilà tout.
voilà tout ! y'a rien de plus, vraiment, et surtout pas pour toi, voilà ! parce que tu sais, elle -elle !-, elle s'attendrait presque à ce que tu la pousses aussi de cette hauteur-là -après tout, vous étiez pas potes, hein, toi et l'autre, là ? après tout, les grands frères, c'est là pour ça : pour aider, hé bien ! aide-la, vas-y, comme t'as aidé rex ; finis le travail, c'est pas bien compliqué, même qu'elle s'laissera faire, parce que le robot sait qu'il survivra et parce qu'elle n'est plus très sûre de vouloir.
on a tenté de me tuer et peut-être a-t-il a réussi.
c'est une voix de robot qui dit ça, qui articule toutes les syllabes dans un tempo dérangeant, qui donne un faux sentiment aux mots -comme son visage, son parlé est figé dans le métal d'où il vient.
elle baisse les yeux. c'est la seule émotion qu'elle peut transmettre. la rivière est calme. le soleil brille mais il n'est pas chaud.

Alors c'est ainsi. La voix est devenue gutturale, sortie du plus profond des entrailles, presque à cracher de la limaille. Sohan contemple la scène. Le corps de Tay brille sous la lumière du soleil dans un reflet d'acier. S'il distingue les formes et ses traits, les émotions, elles, ont disparue. Tay était si vivante, pourtant, avant.

"Qui ?"

La voix gronde un peu devant l'effroi de la confidence. Qui a fait ça ? Qui a tenté de la tuer ? Qui lui a arraché son humanité au profit de la machine ?

"Tay, je vais m'approcher." Ne me frappe pas. Sohan n'y survivrai pas. "Je vais contacter Remy, ou un autre parent si tu préfères. Je ne peux pas te laisser là."

Gisant contre le sol rocailleux du pic, bien qu'elle ne doit probablement pas le sentir. Sohan s'approche doucement pour s'agenouille à son niveau. De plus prêt, il observe ce qu'elle est devenue. Ses cheveux sont devenus complétements blancs et sa peau ne présente plus aucune aspérité puisqu'elle aussi lisse que la lame d'un couteau aiguisé.

"Raconte-moi ce qu'il s'est passé, Tay. Et ce que tu ressens, mentalement comme physiquement."

Sohan est manichéen et calculateur dans son approche. L'urgence de la situation ne lui semble pas être aux mots doux et aux paroles rassurante. D'un rapide coup d'œil, il jauge l'avancée du pouvoir de Tay. Il n'a pas besoin d'observer longtemps pour voir que la métamorphose est totalement achevée.

autre espèce

les yeux roulent et elle ne les sent pas. elle sait pourtant la résistance d’une matière  contre une autre. il doit y avoir de quoi huiler tout ça. peut-être que si elle essaie assez, elle pourrait pleurer de ce liquide là.
elle n'est pas surprise qu'on s'intéresse d'abord au fautif plutôt qu'à la victime. il faut toujours punir en premier. c'est comme ça ici. tu le sais plus que les autres, puisque c'est toi sévie parfois. quand elle obtiendra justice, on oubliera qu'il y a des choses qui poursuivent plus que la vengeance.
elle te regarde dans les yeux. un grand frère. elle te voit en haute définition. elle peut zoomer si elle le veut pour capter le moindre des changements. choquant, hein. il n'y a pas de questions rhétoriques dans une voix comme celle-là. ton ami. austin. elle t’en a toujours voulu, tu sais, sohan ? elle ne le dit pas mais c'est tout comme si : vous venez tous de la même graine. si tu la poussais jusqu'en bas, elle ne serait surprise que de la force que tu y déploierais.
rien. c'est bien cela le problème : le vide. il n'y a pour seul bruit les ventilateurs qui tournent au-dessus du cœur. je ne suis plus dans mon corps. je dis je mais ça n'a plus le même sens. elle aurait aimé que sa voix craque, qu'elle montre les ruines qu'elle veut transmettre, mais il n'y a que la platitude de la constance. les choses ne fonctionnent plus. ça ne marche pas. il n'y a plus de canaux lacrymaux. elle aurait aimé pleuré. le manque de larmes est cruel. il lui refuse de s'essayer à l'humanité.
quelque chose est là. dedans. elles ne peuvent être deux. l'autre le lui a fait comprendre -elle prend le contrôle, parfois, et tay regarde de loin ce qui arrive à ce corps qui porte ses traits. l'invasion n'a pas été violente. elle est arrivée comme une telle évidence qu'il lui est difficile de la comprendre ; on aurait dit qu'elle aurait dû être là depuis toujours. qu'elle attendait pour re-naître. que c'était elle, la vraie tay.
elle, elle avait une chance au paradis.

Ainsi le coupable, le bourreau de la machine n'est autre qu'un de ses confrères. Sohan balaye rapidement les trois noms: qui de Luke, Lucien ou Austin est fautif ? Il ne s'inclue pas dedans, il se sait innocent. Sohan n'est plus coupable de rien depuis le départ de Saorsa.

Ton ami. Austin.

Un silence ce fait, là, contre les rochers. Il n'y a rien que le bruit du vent dans la cime des arbres et le ruissèlement de la rivière. Sohan ne dit rien: il digère.
Austin.
Alors ainsi, la raison de l'apparence de Tay, de cette corps de métal qui grince au moindre mouvement, de cette peau trop lisse, c'est lui.
Austin.
Ce même homme qui était à son chevet quand il s'est fait planté. Cette même personne dans le lit d'hôpital peu de temps après. Lui auprès de qui Sohan s'est surprit à déposer sur son front un tendre baiser.

Austin.

C'est terrible à dire mais Sohan ne chutera pas de haut. Il connaît ses pairs, il connaît les hommes. Il l'avait dit à James: ils sont pires que les bêtes. Ce que l'homme fait à l'homme, l'animal ne le fait pas. Il pense à Clair un instant, qui s'est fait détrôné de son titre pour sa violence et sa cruauté. Son coeur se serre. Il aurait aimé que Austin ne suivent pas le même chemin.

Il faut croire que ce ne sera pas le cas.

Le regard de Sohan se voile de colère. "Bien." Le ton gronde. "Je suis désolé, Tay." De la part de tous les grands frères. "Qu'est-ce qu'il a fait ?" Ca n'aurait pas dû arriver.

"Je préviens Remy." Il attrape en vitesse son nexus pour envoyer la notification au patriarche des PHY, lui-même berger de celle qui élève les bêtes. "Je vais t'emmener à l'infirmerie."

Il ne peut la laisser gésir ici. Sohan se le refuse. Tay ne fera partie d'aucun tableau tragique au goût de cadavre métallique sur un lit de roses.

"Tay. Ecoute-moi." Il lui prend doucement la main, espère que le contact fera naître quelque chose contre la peau glacée de l'éleveuse. "Quelque chose est peut-être là, dedans, mais ce n'est pas irréversible."

Ses yeux plongent dans ceux trop noirs de celle couchée devant lui. Sohan la regarde avec intensité, elle veut qu'il voit que son regard à changé: il brille d'espoir.

"Je sais que cela peut être difficile de me faire confiance au vu de ce que tu as subis..." Après tout, Austin et Sohan partagent le même titre. Ils font partis de la même graine, même si Sohan lutte depuis douze ans pour ne plus pousser de travers et rester droit. "Mais crois-moi, tu vas t'en sortir."

Les yeux de Sohan se sont mis à luire. C'est le signe qu'il utilise sa capacité, celle qui lui permet de toujours, toujours, trouver une solution dans le chaos de la vie.

autre espèce

si tay avait été là, elle aurait dit : c'est faux, sohan. tu as fait bien des crimes depuis que tu te crois rangé, et le pire d'entre eux est probablement la passivité. mais tay n'est pas là, pas vraiment ; le mélange qu'il reste n'arriverait pas à dire quelque chose comme ça. les émotions ne sont pas assez fortes. il faut de la haine brûlante ou de la tristesse glaçante ou de l'incompréhension acide pour que ça la réveille -la tay. l'esprit logique de la machine peut cependant dire : si austin, pourquoi pas sohan ? les probabilités ne veulent rien dire. réglez ça. il ne vaut mieux pas apprendre la paranoïa à un robot.
elles ne disent rien quand tu te désoles. qu'est-ce que ça pourrait lui faire ? les derniers sentiments que tu leur a montré en étaient des horribles. non, il ne faut pas être désolé. il faut demander pardon et justice. c'est une suite logique.
tay pourrait te détester mais elle t'a déjà donné trop de colère. elle a déjà attribué les restes de sa haine à elle-même et austin. elles tournent la tête pour te voir. de toutes manières, quelle différence ? tu ne pourra rien contre elles. dis-nous quoi faire. elles ne veulent pas la même chose. les solutions sont différentes. quand tu parlera, tu choisira ton camp. c'est une menace.
il m'a poussée dans le crottin des vaches. il voulait m'y noyer. il a enlevé l'échelle de sortie et s'est assurer que le corps n'avait pas pied. il a dit que c'était pour m'aider. il a aidé l'autre, puisque tay reste incapable de la battre. le temps est encore calme. elles reprennent chacune leurs souffles et leurs marques. mais quand reviendra la guerre, il n'y aura qu'une seule victime.
sur le pic, le métal a la même couleur que la pierre.

Les prunelles sont brillantes. Le vert de ses yeux, le même que la mousse qui jonche la forêt, que les feuilles qui ondulent sous le vent; devient brillant, précieux. La capacité s’active et Sohan se mue dans le silence. Tay ne peut rien voir mais devant son regard, des chemins se dessinent. Il faut aller du point A au point B par une série d’implications logiques et implacables; déterminer avec précision la suite de la démonstration. La propriété est de sauver Tay de son pouvoir et pour cela, il épluche les hypothèses, arpentent les conjectures qui s’entremêlent jusqu’à finir par faire apparaître le squelette de la solution. Quand Sohan a terminé, il peut grifonné le bas de la page d’un carré rempli de noir qui signifie: ce qu’il fallait démontrer.

“On va commencer par aller à l’infirmerie. J’ai prévenu Remy.”

Le Nexus s’est ouvert le temps d’envoyer le message en urgence. Sohan sait qu’il ne peut rien régler seul: il l’a compris dans la forêt lorsqu’il s’est fait poignardé. Il récupère le corps de Tay, l’aide à se relever, bras dans le dos, le sien sur son épaule, pour la porter. Tay est lourde comme une machine. Est-ce que le métal ou la tristesse plombent sa démarche ? Il ne saurait le dire.

“Il y a un blocard qui a développé une nouvelle capacité cet été.” Ce blocard, tout le monde le connaît. “Alfie a désormais la faculté d’annuler la capacité d’autrui. Je pense que s’il l’applique sur toi, le métal disparaîtra.”

Il dit qu’il pense, mais il en est presque sûr. Sohan l’a vu: c’était écrit devant ses yeux. De toutes les pistes que son cerveau à générer, c’est celle-ci qui a le plus haut taux de succès.

“Tsk.” Sohan a un rictus amer quand la machine raconte ce qu’elle a subi. Son regard est empli de sérieux et de colère. Les mâchoires se sont serrées comme pour encaisser. “Ce n’est pas normal. Tu n’avais pas à subir ça.” C’est une évidence mais il faut parfois énoncer les trivialités pour rassurer les blessés. “Austin doit être dénoncé.”

Il a fauté. Il doit être puni. C’est la règle de l’Enclave. Sohan lui-même à fauté par le passé. Il a été réprimandé d’une étoile en moins et a perdu Saorsa. Il sait qu’il l’avait mérité et s’est assuré de ne plus jamais, jamais, recommencé. C’est désormais au tour d’Austin de s’y repentir. Sohan ne laissera pas le crime impunie. Il ne laissera pas Austin finir comme Clair. Il y veillera, c’est promis.

Mais Sohan n’a aucune autorité et là, au bord du Pic, la priorité revient à Tay.

autre espèce

tu parles de nature et si elle t'entendait, cela l'agacerait. elle est venue ici, tout en haut du pic du diable, pour voir les sapins et les mousses humides de l'aquarium où vous vous trouvez ; elle est venue, en réalité, parce qu'y a-t-il de plus humain que la mort ? à peine s'étaient-elles penchées au-dessus du rebord qu'elles savaient que ce n'étaient pas pour elles. elles le redisent : aucune hauteur ne leur brisera le cou. elles ne font plus partie de ce genre de choses -quoi, comment ça, quel genre ? vivantes ?
tay se voit déjà devenir boîte à souvenirs, modèle probabiliste, immortelle.
alors tes yeux verts la font se détourner ; il faut regarder le sol, les pierres qui ne disent jamais rien mais qui pourtant tiennent en elles les indices du passé depuis longtemps oublié. il faut s'imprégner des roches et dire à l'autre : pitié, quand je m'en irai, soit comme elles ; n'essaie pas de vivre comme moi, ça serait une insulte à notre nom et ma mémoire. tay, à ce moment-là, réalise que personne ne lui dira jamais adieu.
le corps ne bouge pas à l'annonce. elles auraient aimé que rien ne soit su mais c'est une chose illusoire quand la rumeur du zombie de métal s'est déjà propagé parmi les blocard-es comme les parent-es. plus rien ne leur appartient. l'intimité de leur état, de ce changement si profond et embrouillé, n'est plus à elles. le monde paraît sombre. si elles te parlent, c'est parce que tay reste naïve. c'est parce que vous ne la méritez pas.
elles bougent comme tu le veux parce que c'est ainsi que tay a toujours vécu : au crochet de ce que les autres peuvent bien lui demander, même sans aucun mot. si elles ne l'avaient pas fait, tu aurais été écrasé sous son poids. tu sais, elles ne voulaient pas bouger. ne pouvait-on pas apporter l'infirmerie ici ? de toutes manières, elles n'ont aucune blessure ; et même si c'était le cas, il faudrait un-e mécanicien-ne plutôt qu'un-e médecin. la fuite de liquide n'est plus synonyme de fin, juste de sommeil. elle pourrait, si elle le voulait, s'endormir des jours durant. l'option est tentante.
mais tu tire sur son bras et tay se lève. mais tu dis la solution et tay ira. mais tu t'indignes et tay verra. beaucoup de choses paraissent anormales, à présent. tout a changé. le corps, le monde, les autres. tay ne sait plus à qui faire confiance, alors autant ne pas trop se questionner ; elle n'a jamais oublié mais probablement que toi non plus.
elle marche sans ton soutien. elle n'en a pas besoin, c'est l'autre qui gère la navigation du réceptacle, et elle ne fait pas d'erreur comme vous deux. je m'étais résignée. à mourir. ce n'était pas si pire. allons-y. faîtes donc quelque chose, même si ça paraît d'une futilité débordante ; faîtes quelque chose, et peut-être que les solutions lui apparaîtront à elle aussi.