amazed

ce n'est pas une histoire d'amour, pas du tout, et ce n'est pas une histoire compliquée non plus, pas vraiment, c'est tout simple à vrai dire, je vois le joli minois de love et j'ai comme une envie terrible, irrépressible de l'importuner. c'est que ça me plait de voir ce visage tout lisse se froisser de mon fait, et de savoir que moi, dani le sans étoile assemblé de travers, j'ai ce pouvoir, ce privilège. il a raison de penser que je suis jaloux, même si je ne le suis pas du tout, il a raison de le penser, ce serait logique, peut-être que je suis demandeur, exigeant à ma manière - peut-être.

c'est une répétition qui n'en est pas une : on a pas joué un seul morceau en entier. je crois que l'envie me manquait. d'abord je suis arrivé en retard, ce qui est habituel ; puis j'ai manqué le rythme une fois, promis c'était involontaire, même si j'avoue que les deux fois suivantes j'ai juste surenchéri pour la blague. j'ai tenté un jonglage adroit de mes baguettes, qui sont juste retombées avec fracas sur ma cymbale ; j'ai ri dans mon coin, chuchoté des bêtises à castor, manqué un rythme à nouveau ; j'ai balancé ma chaise grinçante d'avant en arrière ; j'ai lancé des plaisanteries que j'oublie déjà, et j'étais distrait, distrait par les sourcils froncés de love, ses yeux clairs qui me lançaient des dards, j'étais distrait et pas d'humeur.

pour le dernier morceau, je me dis que je leur dois bien un effort. sourcils froncés, je me concentre, je m'abandonne à la cadence. puis voilà, encore cet élan déraisonné mais si tentant ! je précipite le tempo, je sature le morceau de mon ostentatoire vacarme, je couvre la voix de love et j'y prends un plaisir certain ;
et dans un embarras surfait, je m'interromps net. décidément ! je sais pas ce qui m'prend. ahaha.
je regarde love. je croise mes mains derrière ma tête. je le regarde toujours, je n'ai pas honte.
bah quoi, tu fais la gueule ?

(langage vulgaire, assez cru et pas franchement woke)
non, vraiment, pas d'amour, c'est tout simple : love me déteste. quoi ! il l'a dit lui-même, je fais que répéter. je lui souris de toutes mes dents, on devine même celle qui manque derrière, la deuxième prémolaire. je l'ai crachée un matin dans mon évier - la veille, il m'avait embrassé et à chaque fois que je me détachais de lui pour respirer j'avais mal quelque part au fond de la mâchoire.
je jubile, je m'amuse je m'éclate. il me menace et je lâche mes baguettes qui dégringolent sur ma caisse avec fracas. ah ouais, tout ça ? mes cymbales dans le gosier ? j't'imagine bien, mon chou. j'ai peur. c'est gratuit ! et je me régale d'imaginer ses mains s'enfoncer dans ma gorge sans sommation. mais il n'osera jamais, ce n'est pas son genre non c'est pas très love de faire ça.

oui j'avoue ça m'fait un peu rire, que je commence, affalé sur ma chaise derrière ma batterie, les paumes ouvertes vers le plafond en plaideur de mauvaise foi. pas besoin d'monter sur tes grands chevaux chéri, y a qu'toi ici qui prend ça au sérieux.
un instant mes yeux se posent sur castor et je me dis que je devrais peut-être me montrer un peu plus raisonnable tout simplement arrêter de me donner en spectacle ne pas tout gâcher mais ce serait comme m'arrêter de respirer ce serait moins amusant moins électrisant je pense que je m'ennuierais à mourir, et pourquoi devrais-je m'ennuyer quand ils profitent tous, toi love pour commencer et puis nine, non pas que ça m'atteigne je pense vraiment que je m'en contrefous non vraiment je refuse de me montrer raisonnable.
si tu me détestes pourquoi t'es sur ma queue ?