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G o l d f i s h ❟

Le monde est agité, stimulé par ses propres motivations. Rook ne se soucie pas beaucoup de ce qui peut bien les pousser à avancer.
Il visite ces lieux, motivé par la seule habitude de se soumettre à un vieux rituel. Chaque action effectuée avec la même rigueur, d’une main mouillée glissant sur sa nuque à la façon dont il nage d’un bord à l’autre inlassablement comme frappé par la même curieuse amnésie du poisson rouge faisant le tour de son bocal.  Cet automatisme, c’est ce qui lui permet d’être perdu dans ses pensées, cherchant des solutions à son émoi quotidien. Comment trouver un instant de répit entre le marteau et l’enclume, s’épargner la vigilance de ses paires et geôliers tout en s’extirpant du nouveau « travail » qui lui a été imposé ? Il est habitué à la cible dans son dos, cousu de fil blanc avec les années, mais un regard trop insistant sur ses actions pourraient le freiner dans ce qu’il essaye d’entreprendre.
(Parfois, ils prennent son appareil auditif. Il ne peut pas se permettre pareille faiblesse, pas quand ses avancées reposent si lourdement sur sa capacité à se fondre parmi les oreilles qui ornent les murs.)

Si tôt dans la soirée, la piscine est peu occupée. La plupart des gens profitent de l’occasion pour diner avec leurs amis, la cantine une fourmilière que Rook évite comme la peste. Trop bruyante pour entendre quoi que ce soit d’intéressant, hostile aux solitaires qui voudraient trouver une place sur une table déjà pleine, rien ne l’attend là-bas sinon l’odieuse bouillie qu’ils servent aux iconoclastes comme lui. Il a de quoi s’accommoder avec les quelques rations qu’il a réussi à voler. Il n’a peut-être pas faim mais son corps demande à être entretenu, alimenté. S’ignorer n’est pas une solution s’il tient à maintenir une forme physique impeccable. C’est le seul comportement encouragé auquel il accepte de bien vouloir se conformer.

Machinalement, ses pas le conduisent à l’endroit qu’il préfère; un coin dissimulé et peu fréquenté. Il y laisse sa serviette et son appareil. Les remous du bassin et les bavardages laissent place à un silence paisible. Ce n’est pas souvent qu’il se permet d’apprécier un tel moment de vulnérabilité, alors même que l’absence de bruit fait aussi disparaitre le poids sur ses tempes. Personne ne s’attend à ce qu’il entende sous l’eau, à commencer par lui-même.
Il cherche ses lunettes de plongée et, bien qu’il s’attende à ce qu’elles soient sous ses affaires, il ne trouve rien, peu importe combien de fois il regarde autour de lui ou secoue sa serviette