amazed

Tu ne cesses de m’échapper, Newton, tel un rat. Tu frôles les murs au son de mes pas et le poids de mes yeux sur ta petite personne te force à te dérober on ne sait où pourvu que ce ne soit pas dans ta cage. que c’est malheureux.

mais je ne poserai point de piège, car je veux te voir tomber entre mes dents.

il suffit de te laisser seul une seconde, après tout, pour que tu cesses cette course effrénée qui t’éloignes de moi. alors je me suis prétendu absent.

tu es allé à l’infirmerie et j’ai attendu — dieu sait que je suis patient. je ne compte pas les heures, je sais mieux que toi qu’à l’enclave ici on n’échappe pas si facilement au temps. trente minutes devraient suffire à te conforter dans l’idée que je ne mettrais pas les pieds ici de toute la matinée comme annoncé sur ton nexus (et je sais que tu lis même quand tu ne me réponds pas).

tu n’imagines pas le sourire vicieux qui décore mon visage alors que je dépose une main sur la poignée ! au léger grincement de la porte qui s'entrouvre ton cœur s’emballe probablement — ceci dit moins que le mien, et j’entre enfin dans la pièce. il ne me fallut pas plus d’une seconde pour que mon regard te trouve entre les murs ternes de ce lieux, c’était comme apercevoir au premier coup d'œil une fleur au milieu des ordures…

tu n’es pas heureux de me voir. et ça me fait plaisir. « bonjour newton. » la voix chaleureuse ne peut prétendre que je suis vexé de ton ignorance ; après tout tu ne peux plus jouer à cela maintenant que je referme la porte derrière moi. je dépose ma veste sans te quitter des yeux. tu détestes ça. j’adore. « surpris ? » c’est un cadeau que je te fais, tu me remercieras plus tard. « tu as l’air surpris. » que c’est misérable ! je n’ose m’éloigner de l’entrée, je crois que j’ai peur que tu te dérobes. « on dirait un rat qui vient de croiser un chat. »

Quelle horreur, mon amour. Tu respires la mort, à croire que vivre dans une cage plus petite que celle que nous avions il y a quelques mois te rends de plus en plus terne qu’auparavant.

Est-ce d’être enfermé avec le bétail qui te rend si morose ? Mon dieu. Qui me croirait ! Quand je dirai que même aussi pâle qu’un cadavre, tu demeures à ce jour la plus jolie chose qu’il m’ait été donné d’observer.

« Désolé, » d’être venu, de rompre la promesse de mon absence, de me féliciter d’être vivant en respirant l’air qui te manque.

Tu es méchant, mais ce n’est pas contre moi, je le sais. C’est d’être malheureux qui te rend aussi désagréable, je peux pardonner ton désespoir tant que je suis encore capable de me convaincre qu’il nourrit en moi un fantasme interdit.

J’approche, et cela même si tu ne le veux pas. Le sourire qui m’a gagné avant même d’entrer ici n’ose pas disparaître tant que tu me regardes, ainsi je continue avec cet air bêta tout en découvrant ce qui t’occupe quand je ne suis pas là.

La lecture ? Haha, c’est adorable. Je pourrais te regarder tourner les pages dans un silence de mort, toute la journée, sans me lasser, jusqu’à ma fin. Je décortique le reste de ce qui existe autour de toi, et probablement que ça te dégoûte d’être passif dans ce processus où je m’approprie, muet, les éléments de ta vie… Mais si tu aimais me parler, Newt, nous n’aurions pas à subir tout cela.

« On est tous des rats ici tu sais. » Après tout, toi aussi maintenant tu es tatoué comme nous tous.

Tout me guide à toi. Mes pas, mes yeux, mon existence. Je dépose sur ton bureau mon sac vide, encre dans tes yeux la noirceur des miens, et ma silhouette devient une statue face à toi.

Et dire que j’ai perdu trente minutes de ça.

« Mais il y a des rats que tu apprécies suffisamment pour les sauver du laboratoire, non ? Ah, tu regrettes, Newton ? Tu veux que je retourne sur une table ? Ça ne me dérange pas, si c’est toi qui t’occupe de tout. »

Là, j’avoue, je n’ai plus envie d’être un mystère. Il m’importe peu que tu soupçonnes à quel point je t’aime — tu n’y croirais de toute façon pas. Et je pourrais, chaque jour qui existe, toujours venir batifoler autour de toi tel un parasite dont tu ne saurais te débarrasser, après tout ! Tu crèverais de ta solitude, si je n’étais pas là pour me rendre plus désagréable qu’elle.

Tu portes ta tasse à tes lèvres sur la mélodie débraillée de mes mots, tandis que j’observe le café froid qui ne fume plus qui va s’échouer dans ta bouche au fur sans perturber mon allocution, et — voilà !

Cet air dégoûté, ah ! Aucune expression ne saurait te rendre laid. Une ride sur ma joue trahit probablement le sourire en coin qui ne résiste à aucune de tes mimiques mais je ne suis pas pudique ; et je ne m’empêcherai jamais de te montrer comme même le bruit de ton souffle éveille en moi un bonheur insatiable.

Je penche la tête, me délecte de t’admirer les yeux baissés sur les traits de ton visage tandis que tu peines derrière ton bureau à suffoquer dans cette enclave, puis me décide finalement à pousser mes affaires qui trônaient déjà sur ta table de travail pour y asseoir une fesse sans te quitter des yeux.

« Je m’inquiétai pour toi. Tu étais déjà si… morne, là haut. » c’était en apprenant ton absence soudaine que j’ai compris. « Tu allais te sentir seul, abandonné, » Tout comme moi, « Je ne pouvais pas te laisser entrer dans une cage pareille sans être là pour voir ça. » sans pouvoir te surveiller. « Ça me désole que tu t’imagines une vie plus paisible ici, sans moi, » Il te faut encore un peu de temps pour réaliser que tu as besoin de moi ! « Mais ce n’est pas grave. Tu es sur mon terrain, maintenant, » As tu remarqué comme le temps paraît bien long ? J’aimerai qu’une minute dure des heures. Je lève une main pour effleurer ta si jolie mâchoire tel un objet d’art que l’on ose à peine toucher, « tu finiras par comprendre. »

c’est moi, ton oxygène.

Si j'étais fou, Newton, tu serais au sol. Ton corps serait tremblotant sous l’effleurement de mes doigts, ta voix me supplierai avec remords de cesser quand tes lèvres elles finiraient par accepter qu’elles ont besoin d'être consolées par les miennes. Si j'étais fou, Newton ! C’est en sentant ta force retenir mon poignet alors que je lutte pour rester sain qui me fait réaliser que dans ma tête, il n’y a plus qu’un fou dans sa cage.

Il observe à travers mes yeux la beauté de tes traits qu’ils soient grimé de tristesse ou de colère, la dureté de ton timbre qui s'impatiente de ne pouvoir me contrôler, et tous ces autres détails qui tapissent mes souvenirs depuis tant d’années qu’ils font parti de mon décor. Je regrette, tu sais ? De ne plus m’attarder sur ces petites choses et de ne plus que reconnaître, simplement et sans débat, ta perfection.

C’est pour cela que je veux plus. Je dois creuser. À travers ta peau, immiscer mes ongles dans ta chair pour mettre à découvert tout ce que tu dissimules et enfin serrer, avec toute la tendresse du monde je le jure, ton coeur atrophié…

Mais je ne peux que rester immobile même si tout ton être appelle à mon amour, car tu n’es pas prêt à l’admettre.

« Le terrain est contraignant. Il l’était déjà quand tu étais marié. Mais les actions sont libres, Newt. Sors de ta boîte… » D’un geste vif que je dois aux bagarres anciennes de l’Enclave je libère mon poignet mais c’est uniquement pour m'accaparer le tien, pauvre agneau. Dans ton paradis luxurieux on ne t’a sûrement jamais appris à survivre face à ton prédateur — quelle erreur !

Je te tire vers moi, glissant mes doigts entre les tiens avec ardeur (si je suis doux j’ai peur que tu m’échappes), serrant mon emprise merveilleuse pour apporter le dos de ta main à mes lèvres.

« Tu finiras par avoir besoin de moi, tôt ou tard, et j’attendrai que tu me supplies pour bouger le petit doigt… J’ai franchement hâte. »

J'espère qu’on aura placé un couteau sous ta gorge au moment où tu pleurera mon nom avec peur. J’attendrai que se presse la lame ; que tu sentes qu’il n’existe que moi pour te garder sain et sauf ! Et là, là. Je te libérerai de tout désespoir. Je serai ta seule lumière : tu n'auras plus d’autres choix.