amazed

Nine était dehors - pas très loin des dortoirs. Probablement à flâner avec des amis comme à son habitude lorsque l’annonce est apparue sur son Nexus, et celui de tous ceux à proximité. Et les blocards sont conditionnés au même réflexe que de vérifier les évènements assez important qui concerne tout le monde -

Visiblement Robin est assez importante.

Il s’est redressé d’un coup, relisant la phrase autant de fois qu’il le faut pour sentir son sang bouillir - il lâche un rire sec, empli d’amertume et de frustration envers cette situation qu’il trouve complètement absurde.

Nine est parti, et pour une fois sans rien dire !
Il sait qu’elle se trouve dans sa chambre et c’est la seule information qu’il lui fallait. Il ne voyait pas l'intérêt de discuter avec elle, ni l’intérêt de l’attendre sagement alors qu’il brûle d’une violente impatience de rejoindre Robin -
grimpant les marches d’escalier par deux,
ignorant les vibrations dans sa poche,
il détale à toute vitesse,

“Ah bah te voilà !”

C’est injuste ce pouvoir qui permet de tout sentir à l’avance !
Et c’est injuste ce couloir qui pue la moquette renfermée - il reste plus large, plus lumineux et confortable que sa propre chambre.
Et surtout, le plus injuste c’est Robin qui ne fait rien pour mériter sa place ici -
ça le met en colère.

Il use de sa propre capacité pour tenter d’aller plus vite que tes sens - dans l’élan son poing vient rencontrer ta joue.

“Pour la dernière fois !”

Quand il a mis sa dignité de côté pour te laisser te défouler sur lui -
même ça c’est injuste !

Il profite que tu perde pieds un instant par son coup précédent pour enchaîner tout de suite : il t’attrape les deux épaules dans le but de te propulser en arrière, et te pousser, encore
et encore
et encore -
jusqu’à ce que tu tombes !

“Tu te fous de ma gueule ?!”

Ainsi il peut se mettre à califourchon par-dessus sa victime subissant son déferlement d’agressivité - il la retient depuis si longtemps alors qu’il te déteste tant !!

Il attrape ton visage, plongeant son regard dans le tiens -
tu vas l’écouter.

“Pourquoi t’es Premium ? T’as fais quoi pour mériter ça ? T’occuper d’un petit chat ? J’ai été trop sympa avec toi en te laissant te dénoncer - j’aurais dû y aller à ta place et raconter à quel point t’as été horrible ! Que t’es la pire - un monstre sans cœur !”

Nine hurle -
tant pis si les autres arrivent,
et tant pis si on le punit plus tard,
il aura au moins eu la satisfaction de t’avoir craché au visage tant d’atrocité !

“C’est laquelle ta chambre ? Apparemment vous avez votre propre petite salle de bain - est-ce que je dois te noyer aussi ? Comme avec ce chat ? A moi aussi on va me dire - passe Premium ? Répond !!”

Car tu l’énerve encore plus avec tout tes je sais pas -
tu ne sais rien et c’est bien ça le problème !
Robin ne mérite rien à ses yeux !

Aujourd’hui particulièrement, les regards emplis de dédain l'agacent.
Pourtant il à l’habitude ! Il sait ce que ça fait d’être mal regardé sans arrêt. Parce que Nine enchaîne les fautes impardonnables des cruautés tournées au jeu, parce qu’il est considéré comme un élément perturbateur de l’enclave, parce qu’il est simplement sans étoile ;
et il a toujours répondu aux toisements avec ses sourires impertinents - à l’origine ça le fait rire.
Aujourd’hui particulièrement, il voudrait arracher ces yeux.

"... Sinon quoi ?"

Est-ce qu’un autre Premium arrive ? Comme les troupeaux de moutons qui sont incapable de survivre seul.
Ou peut-être un trois étoiles ? Il leur faut bien des chiens pour se protéger.
Puis ce sera un parent - forcément ! Ils ne peuvent rien faire sans le berger pour les guider.

Nine le sait déjà - il est venu en sachant ce qui l'attend par la suite.
Il n’a pas besoin de tes avertissements.
Ce qu’il te trouve bête ! Il ricane.

"Tu vois c'est ça votre problème on peut jamais discuter - pourquoi je comprendrais pas ? Parce que j'ai aucune étoile ?"

Si ce ne sont pas des je sais pas - ce sont des menaces d’autorités.
C’est toujours, toujours comme ça avec vous - ceux qui pensent briller par les astres.
Mais vous êtes loin. Terriblement loin. A des milliers d’années lumières - dans l’illusion des étincelles, vous êtes déjà morts. Et au télescope, on observe seulement vos cadavres.
Nine n’est pas une étoile - lui il n’est pas comme ça.

“T’es même pas capable de capter ce que tu ressens - ou ce que tu fais - et tu crois avoir le droit de faire genre tu sais mieux que moi ?”

Nine c’est le soleil - une étoile immense, brillant intensément en journée. Ne cessant de brûler, et de grandir jusqu’au jour où il avalera toutes les planètes du système.

"Tu dois me penser stupide parce que j'enfreins toujours les règles - tu crois que je comprends rien à la discipline ? Je la comprends très bien - j'en ai juste rien à foutre !"

Il n'écoute pas les morts-vivants.

"Je m'en fous de tous vos privilèges - ou que le Père Suprême me kiffe ou me déteste - toi t'as rien d'autre que ça ! Ta misérable vie ne tourne-"

Sa phrase reste en suspend une seconde -
il pourrait continuer à abattre ses mots avec violence mais

“Franchement t’as raison c’est une perte de temps.”

Ça lui arrache presque la gueule de prononcer ces mots.

“Lâche-moi.”

Qu’il arrête de discuter avec toi.
Il devrait être plus pragmatique.

Lorsqu’on est tout en bas de l’échelle, les injustices semblent beaucoup plus grandes - immense jusqu’à l’insurmontable. Il suffit de parler, et d’écouter ces camarades sans étoiles pour remarquer qu’ils partagent la même animosité pour les gens d’au-dessus.
Et c’est trop facile de marcher sur ceux qui ne méritent rien sur les papiers - ils ne pourront jamais rétorquer car c’est interdit.

Nine l’a vite compris quand son étoile a disparu.
Il ne la retrouvera jamais car on lui donnera plus rien - à lui comme aux autres.
Alors il n’attend plus, préférant s’y enfoncer et vivre selon ses envies que de se plier aux autres.
Cela lui semble beaucoup plus honnête.

“Que c’est petit de ramener Mia.”

Cela le fait rire. Il trouve que tes paroles confirment le mépris éprouvé pour ces noms qu’on associe aux horreurs de la bêtise.
Des blocards pleurent peut-être encore en pensant à elle. Pourtant certains préfèrent cracher bien fait !

“T’insinue que je devrais crever aussi ? C’est comme ça que t’aide les gens ?”

Ses sourcils se froncent en sentant tes ongles dans sa peau. Alors d’un coup sec, il se libère de tes doigts. Nine aura toujours plus de force lorsqu’il se trouve dans des situations le stimulant autant - là est la source de sa tension, ses pupilles se dilatent - il faut faire vite avant que quelqu’un arrive pour le punir !

“J’ai plus envie de parler, Robin - ni de t’écouter - fallait me répondre avant.”

Il t’a posé tant de questions que tu as été incapable de répondre - c’est trop tard ! Il n’a plus la patience pour essayer de comprendre l’insensé.
Le pire dans tout cela, c’est qu’il ne s’agit aucunement de réponse.
Ce ne sont que des reproches qu’il entend tous les jours.
Il décide de retourner ce dédain aujourd’hui.

“Je m'excuserai après.”

Une fois qu’on l’aura réprimandé pour ses actions.
Il pourra au moins faire semblant d’être sincère quand il te fera face.

Il t’assigne un premier coup de coude à la joue -
Puis il enchaîne, déferlant ses poings par toute sa frustration accumulée jusqu’ici.
Hurler des cruautés ne lui suffit plus car on finit par s’habituer à sa voix. Mais percuter les os sous la chair lui procure une satisfaction nouvelle ! Les fourmillement grimpent sur ses doigts - il aura des traces violacées plus tard - et ce sont les mêmes sensations qu’il t’inflige au visage. (Cela le fait sourire !)

Le couloir, habituellement calme, s’anime par le rythme des frappes.
Et l’odeur, habituellement propre, se parfume d’une rage écarlate.

Nine fait tâche ici.

Enfermé dans sa complaisance de violence, Nine ne mesure pas sa force.
Il apprécie la percussion de os, les souffles cassés, les plaintes étouffées ;
la mélodie des collisions le soulage tant qu’il ne pense plus à quand on l’arrêtera -

Il sursaute presque lorsque quelqu’un lui attrape les épaules pour le propulser en arrière - on le force à quitter brusquement sa sorte de transe qu’il prend un instant pour comprendre qui était arrivé.
Son regard passe de Robin à Lucien -
des dégâts infligés au sauveur -
de l’agonisante au mépris !

Encore haletant, Nine se laisse glisser contre le mur, serrant très fort ses mains abîmés par les pulsions d’agressivité -
il ricane en croisant le regard de Lucien, dévoilant ses dents s'alignant par euphorie déconcertante.

“Oui, chef…!”

Il s'exécute sans montrer une once de réticence (ni même de regret !),
acceptant cette fin qu’il attendait - il n’y aurait pas eu d’autres issues de toute façon - Nine le savait en arrivant à l’étage.

“Je suis venu voir Robin -”

Ses phrases se coupent par les essoufflement,
même que ses bras tremblent -

“- c’était pas évident ?”

il a déjà tant usé d’énergie mais ça ne l’empêche pas de se moquer encore un peu !

“J’ai fini - de toute façon.”

Nine ne reviendra plus à cet étage,
et il ne touchera plus à Robin.
Il n’y aura, par ailleurs, jamais de conclusions plus satisfaisantes que celles d’aujourd’hui.

Il finit par s’écrouler contre la moquette. Avec le cœur battant à cent à l’heure, cela l'étourdit un peu - il en a même la nausée, toussant ses tripes.