amazed

De loin, Alfie guette le coucher de soleil ; sous son manteau couve l'immensité des portes qui se referment, d'une lenteur exécrable.
Depuis la disparition de Mia, Alfie ne s'approche plus du Labyrinthe. Il a trop peur d'entendre ces cris retentir et appeler au secours ; peur d'y être poussé par un démon aux yeux dorés. Dans les ténèbres de son impiété, Père Joji (si on peut appeler père un monstre aussi déshumanisé) se dresse en tuteur désabusé - en prêtre instable et insatiable. C'est terrifiant et révoltant. Alfie a beau avoir peur, il ne peut dignement pas l'ignorer.

Leur tourner le dos serait un affront à ses peurs et ses valeurs ;
une honte à la mémoire de son amie ;
une honte qui survit à toutes les nuits.

Alfie trottine jusqu'aux portes. Le regard écarquillé de dégoût, il refrène la pulsion de se jeter en avant pour sauver l'adolescent. Il se contente du rôle de témoin, à défaut d'embraser le rôle du héros.

Un problème ?
La gorge irritée, Alfie ouvre la bouche et laisse s'y engouffrer une bouffée d'air brûlante.

... Ouai.

Il toise l'enfant pour espérer le faire fuir.
Mais constate qu'il est aussi pétrifié que lui.

Depuis quand on punit en prenant autant de risques ? Il pourrait en mourir si tu le lâchais !

Ils sont trop à oublier le sort funeste qui les attend s'ils se perdent...
Ils sont trop nombreux à se perdre.

Je ne pense pas que ça soit acceptable... Jo- Père Joji.

Jusqu'à sa propre errance, Alfie résistera.

La violence est abrasive. Elle lui soulève le cœur, à Alfie. Ses yeux s'égarent sur la silhouette de l'enfant, les genoux et l'âme écorchés sur le gravier. Ce n'est pas cette justice là qu'il veut défendre, ce n'est pas cette cruauté qu'il veut embrasser ! Joji est un monstre déguisé en homme, et comme tout croque-mitaine, il puise dans les peurs les plus viscérales et les plus insondables.
((insoutenables))
C'est perdu d'avance mais Alfie refuse pour autant de s'incliner. S'il doit mourir, alors ce sera en accord avec ses valeurs et ses idées.

Alfie, qu'il confirme.

Joji l'a poussé vers l'arrière. Le geste l'a ébranlé mais Alfie s'ancre profondément dans le sol. Il fait comprendre à l'enfant derrière de s'enfuir - il n'a pas besoin de voir l'étendu de son sacrifice.
Alfie a abandonné son public - ils le méprisent tous, à quoi bon leur rendre justice ?

Je suis désolé.

L'affrontement est psychologique - amoral. Alfie devine au travers de la posture de Joji, un sentiment de fêlure interdite. Pour gagner du terrain, il doit le bousculer à son tour.

Je ne voulais pas te contrarier.

Mais ses yeux en disent autant ;
il ment, il ment ! qu'ils crient en silence, brillants d'un mépris insolent.

Alfie ravale ses mensonges avec sa langue. Il ne baisse pas les yeux, mais son insolence s'évapore à mesure que Joji s'approche, menaçant. Alfie sent tout son corps se tendre sous le contact - baveux, putride, moite, spumescent. Il a une légère remontée de vomi, qu'il se caractérise par une déglutition qu'il arrive à masquer, heureusement. Il serait idiot de ne pas avoir peur de Joji ; sûrement même que Joji a peur de Joji. C'est une réaction viscérale face à un phénomène naturel.

Je-

Il entame une phrase mais ne se sent pas capable de la continuer. L'amorce se meurt, tout comme son courage.

La question de Joji lui fait écarquiller les yeux. Alfie est prit de court. Il ne pensait - en effet - n'avoir plus rien à perdre après ses étoiles, son ami et sa dignité. Mais il subsiste bien une étincelle d'espoir, au creux des pupilles noires de Marley. Il y pense très fort mais s'abstient de le verbaliser. Alfie est assez lucide pour ne pas délibérément donner des armes à un bourreau comme Joji.

Mais ça l'angoisse...
Il a envie de crier.

Rendu muet par la panique, il se contente d'explorer les limites de son pouvoir, qui se projette en dents de scie sur Joji, pourtant imperméable à ses effets. La seule volonté d'Alfie suffit à déclencher la puce à l'arrière de sa nuque. C'est une douleur vive qui lui arrache un cri de douleur. Il plaque sa main contre sa peau, tétanisé par l’électricité qui irradie ses muscles.

Bordel !

Il pose genou à terre, relève le menton vers Joji.
Cette fois, il est vraiment désolé - le système l'oblige à l'être.