amazed

Love se prélasse de la dernière chaleur avant la rentrée, de la charogne de l'été. Il s'est - comme à son habitude - entouré de flagorneurs, tous sensibles à ses charmes et tous faciles à manipuler. Il n'y peut rien, c'est trop bon d'être aimé. C'est nécessaire. Seul, il dépérit et le temps qui passe appuie le poids de son agonie.

Mais la tranquillité est troublée lorsque la silhouette de Luke s'oppose au soleil. Les rayons l'enveloppent d'un halo lumineux, à la manière d'un ange tombé du ciel. Dommage qu'il ait chuté dans l'unique but de l'emmerder.

Seigneur Luke ! Vous nous faites l'honneur de votre présence en cette sainte journée !

Le ton est hypocrite - plus qu'acerbe. Love observe ses amis l'abandonner. S'ils considèrent lui laisser de l'intimité, Love se sent désormais piégé sur un ring avec son grand frère adoré.

Hm. Oui je vois - ça te ferait plaisir, hein ? Tu kiffes faire ton petit numéro d'autorité et me menacer ?

Love remet ses gants avec lenteur.

Ouai, je suis sûr que ça t'excite.

Une fois ses mains gantées, il les plaque dans l'herbe - et se penche vers l'arrière.

Tu peux pas me priver de la compet', je suis un super atout pour notre maison !

Ah, qu'il le déteste ! Lui et ses grands airs ! D'où est-ce qu'ils lui viennent, hein ?

Ou alors continue de me persécuter et viens pas te plaindre parce que tout le monde te déteste.

Love sent la pression monter - son sang ne fait qu'un tour. Il y a un monde où il réduit à néant ses chances de participer à la compétition pour choisir de traiter Luke de tous les noms interdits par le règlement intérieur de l'Enclave. Mais parce qu'il a l'ombre de l'épée de Damoclès prête à s'abattre sur sa nuque, il ne risque pas de la voir s'abattre. Love méprise peut-être Luke d'être là où il est (car il ne le considère pas plus méritant qu'un autre) ; ça ne l'empêche pas de prendre au sérieux ses menaces : il le sait capable de les exécuter, et en a malheureusement le pouvoir.

Tu m'insultes gratuitement.

Le jeune merdeux fait face à son grand-frère, visiblement aussi peu empathique à son égard que Remy. Le fait d'être accusé d'abuser de son pouvoir vient puiser directement à la source de Love des sentiments d'injustices - et des délires de persécution.

Moi ? Moi, j'abuse de mon pouvoir ?

C'en est trop - il se lève. Est-ce que Vadim a dénoncé leur baiser ? Non, ça serait étrange qu'il ne se soit pris aucune punition à ce sujet. Mais qu'y peut-il, même ? On le force à vivre en cage, comme un animal chaste !

Love se colle à Luke, restant à quelques centimètres de distance.

Tu sais ce que ça fait ?

Il lève sa main gantée pour lui attraper le bras.

Je n'abuse de rien du tout. Vous utilisez vos capacités pour réprimer, gagner, prendre le dessus sur les autres, les espionner, les menacer...

Love a l'air sincèrement troublé.

Je ne demande qu'à aimer et je me refrène. Et malgré tout, j'abuse de mon pouvoir ?

Murmure à l'orée de ses lèvres, qu'il guette sans savoir comment s'en empêcher.

Va te faire foutre, petit merdeux imbu de lui-même.

Recule L'ordre donné par Luke donne à Love l'envie d'avancer encore plus - de se coller à lui pour le faire douter de ses principes ; de l'effrayer pour une bonne raison ; ou peut-être de juste lui prouver que ses aprioris ne sont pas fondés. Il ne sait pas ce qu'il veut, Love. Juste le marquer, d'une quelconque façon que ce soit.

Je les porte, là. Tu as peur de quoi ?

Il penche la tête sur le côté ; joue au plus bête qu'il ne l'est vraiment. Love a pris l'habitude de feindre la connerie pour s'épargner la morale crasse qu'on réserve à ceux qui savent très bien ce qu'ils font.


Love accuse le coup - il se pétrifie, le regard écarquillé de stupeur.


Même pour le choquer, l'on osait jamais vraiment poser un mot clair sur sa condition. Au mieux, on avait pitié de lui ; et au pire, on le jugeait avec une certaine distance. Mais Luke le méprisait sans atours ni détours. Il l'accuse et le condamne de visu, avec un ton qui ne laisse place à aucune empathie émotionnelle. Love serre les poings à ses hanches et baisse la tête.

Tu sais quoi ? J'ai été sympa tout à l'heure. Je m'en voulais presque de te balancer la vérité au visage. Mais t'es un grand frère de merde Luke. Et tout le monde te méprise dans ton dos !

Il n'est pas question qu'il soit le seul à souffrir.
Qu'il soit le seul à punir.

Love réinvente la vérité dans l'espoir qu'il chute avec lui.

Alfie a trop de fourmis dans la caboche. Luke avait raison - il se met la tête dans le sable et les petites bêtes la grignotent. Entre Père Joji, Kafka et son nuage de mouches, la mission que lui avait confié Robin, les Abeilles, la Compétition qui approche... tout ça mêlé à cette situationship de merde avec Luke. Alfie pense beaucoup ; il pense tellement qu'il a fini par faire le vide, et maintenant Alfie ne pense plus à rien.

Il se traîne dans les parcs, comme un coupable en quête de rédemption. Il cherche Luke sans vraiment s'impliquer ; il espère tomber sur lui par hasard et prétendre que ce n'est pas ce qu'il voulait.

Et tiens donc.
Pour l'avoir vu, et même l'avoir arpenté dans l'obscurité - Alfie reconnaîtrait ce dos carré entre mille. Il redresse son sac de sport sur son épaule et avance prudemment derrière lui.

Ah. C'est très kinky tout ça. Je te connaissais pas ce penchant.

A la vue du squatteur, Love s'écarte farouchement de Luke et toise Alfie, qui cligne des yeux en retour. Il a l'impression d’interrompre quelque chose d'important - et même s'il se satisfait d'avoir su trouver Luke, il ne peut s'empêcher de suspecter l'indéfinissable.

Qui doit plus te mettre en colère ? Lui ou le Monde ?

Love a ramassé ses affaires et en a profité pour fuir un combat perdu d'avance, non sans le maudire comme une vipère.
Alfie se tient donc maintenant face à Luke. Il repense à leur dernière conversation, teintée d'amertume et de possessivité mal placée.
Il s'efforce de ne penser à rien d'autre.

Désolé, je l'ai laissé s'échapper. C'est pas plus mal, t'avais l'air de vouloir le tuer sur place.

Il ne reconnaît pas son ami, celui avec qui il l'a toujours partagé.

Je sais que t'as un vice pour l'autorité, mais là - c'était presque flippant.

Il ne le juge pas mais a quand même l'audace de le rappeler à l'ordre ;
dans un jeu qui ne regarde qu'eux.