amazed

il n’est pas appris en grandissant, à avoir peur du Père Suprême. voilà une bien grande faute qu’ils ont commis entre ces murs. car sans la peur du Père, l’homme a la permission de tout faire. tapez-leur sur les doigts, à ces impies qui ne craignent rien ! pas même le Père là-haut, bien érigé sur son trône avec son œil de plomb au-dessus de nos têtes à tous !

en fait, tout homme est une antre à faiblesses. ceux qui disent le contraire sont des menteurs, et le voilà, leur point faible. s’en cacher, c’est même crier au monde entier que je suis faible ! que je suis faible ! car ceux qui ont assez de courage en eux n’ont pas la peur que l’on leur plante le couteau dans le dos lorsqu'ils se retourneront, ils auront la force en eux pour l'ôter avec bravoure.

Caïn, qu’il le veuille ou non, craint tant de choses. chanceux il est, car son pouvoir lui permet de ne pas mettre en lumière ses phobies les plus voyantes.
mais Caïn a peur du Labyrinthe, peur des Parents, peur que son secret soit révélé aux yeux de tous, peur de ne pas aller au Paradis, il a même parfois simplement peur d’être suivi. seulement, parmi ces tourments quotidiens et presque injustes d’après lui, une chose n’entre pas dans la liste : Caïn a omis d’avoir peur du Père Suprême.

tous se baladent dans les grands parcs de l’Enclave, et tous fréquentent, sans jamais s’en douter, des pécheurs. des hommes impurs, malades, avec pourtant une qualité qui leur est propre et singulière : la force d’en porter le poids sans jamais se relâcher. après tout, il ne leur est pas permis de le faire. pour se libérer, de manière prompte mais de courte durée seulement, il n’existe qu’une manière de procéder : le pécheur doit se confesser.
ils ont bâti des églises pour cela, des prêtres se prêtent au poste et écoutent à tour de rôle, les confessions de tous. dans l’Enclave pourtant, s’il n’y a pas la crainte du Père, il n’y a pas d’églises non plus. à la place, on leur a mis à disposition, des Parents. mais il faut se rappeler qu’au fond de lui, Caïn a peur d’eux. Grell possède le même œil que le Père Suprême, celui qui est partout, celui qui épie. elle a les crocs friands de connaître ses terreurs afin de pouvoir s'en nourrir par la suite. pour tout cela, Caïn l'évite malgré lui. les autres Parents, Caïn n’en est pas proche. seul Jim échappe à toutes ces règles.

Jim semble être le confident idéal, car lui aussi semble apeuré de tout ce qui l’entoure. lui aussi, comme les pécheurs, semble subir les conséquences de sa venue au monde. il n’en dit jamais trop, ne déborde jamais et ne donne jamais l’impression de rôder dans les moindres recoins. alors Jim n’effraie pas Caïn.

aujourd’hui, il l’a aperçu au loin, parmi les ombres qui ne sortent pas du lot. alors Caïn s’est approché de lui, accompagné de cet air penaud qui ne lui ressemble pas. dites, Jim. il l'a d'abord interpellé, afin être certain d’avoir son attention. lui, soutien son regard avec le peu de force qu’il lui reste en sa compagnie. il est grand et droit, mais le vent pourrait lui faire perdre l’équilibre s’il se mettait à souffler trop fort. est-ce que vous avez déjà péché ? puis dans un murmure, entre deux brises de vents irrégulières, il a glissé sa question, comme un papier plié en quatre que l’on fait passer en toute discrétion à la classe entière car on a conscience de ne pas avoir la permission de le faire. et Caïn sait que Jim ne lui échappera pas. il n’en a pas le droit, il est Père après tout.

La réponse de Jim est bien décevante, tout ce qui entoure Jim l’est de toute manière. Si Caïn ne sait où se placer vis-à-vis des Parents, il est certain d’être de ceux les pensant comme ayant échoué. Caïn a peur de terminer comme Jim un jour : misérable, et sans Paradis. Alors bien sûr, la réponse de son père (?) le déçoit, son visage se relâche entièrement, il aimerait mépriser Jim mais son statut ne lui permet pas de le faire. Ah. C’est tout ce qu’il trouve à répondre sur l’instant. Ce que lui désirait, c’était quelque chose de plus grand, quelque chose de plus impressionnant, il voulait se sentir spécial auprès de Jim comme il a l’impression de l’être lorsqu’il pense au fait que Jim sait. Bien sûr, il évite de se remémorer ce fait pourtant inévitable, son quotidien lui renvoie en pleine face à tous les instants de sa vie. Caïn, à son tour, voulait apprendre à connaître un petit quelque chose sortant du lot à propos de Jim, mais ses paroles sont aussi taciturnes que sa prestance. Il n’y a plus rien à tirer d’un homme ayant échoué l’épreuve du Paradis. Bof, quand on voit le comportement de certains ici, c’est à croire qu’eux ne font jamais d’erreurs. Il relève son nez.

Caïn commence à avancer dans les allées bordées de fleurs de toutes les couleurs, invitant Jim à faire de même, le paysage rayonne bien plus que ces deux hommes. Il avance lentement, mais sans retenue, se cale sur les pas de son père qui le jouxte. Alors vous, vous faites toujours de votre mieux ? Il connaît déjà un morceau de la réponse à venir, bien sûr qu’un Parent fait toujours de son mieux, autrement ils ne seraient pas ici. Pourtant Caïn ne peut s’empêcher de se dire que lorsque l’on a fait de son mieux, on se rend au Paradis. Il ne développe pas ce questionnement — ayant pourtant sa place ici — car ce n’est pas le sujet sur lequel il souhaite dériver. Je pense que, comme vous dites, je fais toujours de mon mieux. Caïn garde un œil timide mais présent sur Jim, il désire voir si cette prise de parole osée suffit à susciter quelconque réaction de son père. Vous pensez que cela suffira à me conduire au Paradis ?