amazed

Quand on y pense, Nine à ses treize ans n’est pas plus différent qu’un oisillon quittant enfin le nid. Sauf que Nine est de ces vilains oiseaux qui pousse ses adelphes,
les laissant tomber,
s’écraser violemment au sol -
tant que lui à la place pour s’envoler.

C’est ce qu’il s’est passé aujourd’hui lorsque Nine à décidé de ne pas prévenir Leon qu’il allait jouer avec les grands. Il avait pensé à l’inviter mais Leon…
c’est Leon.
Iel est assez timide,
du genre impressionnable,
puis iel pleure beaucoup et facilement.
Nine aime Leon mais Nine n’aime pas s’occuper de Leon.

Nine est juste un gamin de treize ans égoïste pour les jeux.
Puis les grands sont plus cool.

En fin de journée, on entend ses rires au loin dans le couloir. Il disait au revoir à ses nouveaux amis. Puis ce sont ses pas qui résonnent - il détale à toute vitesse !

“Leon !!”

En même temps, la porte claque en s’ouvrant. Il a le visage illuminé d’un bonheur qui lui est tout nouveau.
Il savait que tu serais ici - tu traînes un peu trop au foyer en ce moment - tu vas finir par prendre la poussière à ce rythme !

“Tu devinera jamais où j'étais !” Le bas de son pantalon goutte un peu - ses chevilles ont pris l’eau “On est allé près de la rivière. Puis on l’a remonté, et j’ai vu le Pic du Diable - c’était trop troooop stylé !”

Nine s’installe à tes côtés. Enfin, il a plutôt sauté à tes côtés. Il s’affale toujours sans douceur, percutant ton épaule au passage.
Il parle toujours très près de toi.
Encore plus quand il chuchote - il a même des secrets à partager !

“Tu sais quoi : on m’a dit qu'apparemment des blocards ont déjà sauté du Pic en jouant au Panic! Je suis sûr qu'il y a déjà eu des accidents. J’essaierai un jour.”

Il se redresse en ricanant.
Nine raconte tout cela car il a encore cette habitude d’enfant de tout partager à ses amis. Les histoires qui font rêver, et qui permettent de frimer - montrer que c’est lui le meilleur !
Et dans ses récits, il ne t’as pas invité.

Sauf que Nine aime faire des raccourcis.
Pour aller plus vite,
dépasser les autres,
cela permet de faire des choix rapidement.
Puis il ne s’en veut jamais de prendre ces chemins plus courts. Comme t’associer aux larmes coulant à flot sur tes joues, déformant ton visage habituellement joviale -
Ce n'était que l’année dernière après tout.

Alors il pourrait te le dire clairement, qu’il n’a pas regretté ta présence. Parce qu’il a beaucoup parlé, et beaucoup rigolé - tellement qu’il en oublie les présences fantomatiques du foyer.
Et c’est seulement  lorsqu’il est de nouveau seul, lorsqu’il n’a plus personne avec qui rire, qu’il revient vers toi. Car vous partagez cette joie sincère de vous retrouver : les discussions deviennent automatiquement plus légères et on oublie la rancune.

“... À deux ?”

Tes mots le font pouffer de rire.
Mais tu le connais ! Tu le sais !
Ce n’est pas si méchant.

“Juste nous deux ?”

Il se tord sur place pour te faire face. Une de ses jambes s’est repliée, sans s’inquiéter de la chaussure sur le canapé. Et accoudé contre le dossier, sa tête repose sur son poing. De cette manière, il te voit mieux. Parce que Nine est du genre à ne jamais quitter du regard ses interlocuteurs. Et il les suit encore plus du regard lorsqu’il s’en porte d’affection - de son affection brûlante.

“Pourquoi ?”

Et parce que vous avez déjà beaucoup partagé dans le passé, Nine t’a toujours observé. Maintenant il sait reconnaître certaines de tes expressions. Puis surtout facile à émouvoir, il s'en amuse :

Leon à une petite timidité qui la.e rend un peu plus mignon.ne.
Leon à aussi l'embarrassement discret qui la.e rend un plus adorable.
(Même lorsqu’iel pleure, il apprécie la sensibilité de Leon.)

En fait il pose la question juste pour t’embêter !

La jovialité de Leon est facilement resplendissante. Les sourires s’éclaircissent par la sincérité de son cœur, rendant le bonheur beau à contempler.
Mais Nine connaît Leon. Et ce sont ces petites incertitudes écorchant les phrases qu’il aime chercher. Un peu comme si les mots étaient parsemés en petit morceaux par l’hésitation.
Puis qu’il faut les rattraper pour en comprendre le sens -

Et là ! Juste là -
On peut deviner une légère détresse.
Les plaies sont un peu plus visibles quand on découpe au bon endroit.

“Je rigole - fais pas cette tête !”

Ce visage un tout petit peu troublé,
un tout petit peu crispé,
rien qu’un peu tourmenté.

Il pouffe un rire puis Nine déplie son bras pour le passer par-dessus tes épaules. De cette manière, il peut t’attirer doucement vers lui. Il s’est même avancé, puis penché pour mieux apercevoir ton visage fuyant.

“Je rigole.” Il répète. Simplement souriant. “On pourra y aller ensemble si tu veux.”

Et il est sincère !
Il aime en effet se montrer cruel car il s’en amuse.
Il aime aussi les jeux plus simples - comme une baignade à la rivière avec toi.

“Mais je m’inquiète aussi pour toi tu sais !”

Son index se lève, comme peuvent le faire les adultes qui préviennent des catastrophes !

“On peut pas toujours traîner ensemble - on est plus à la nurserie ! Il y a plein de choses à faire, et plein de gens avec qui parler : t’as d’autres amis ? C’est un peu triste d’être ici tout seul, non ?”

Tu peux lui dire -
Il l’a vu par la fenêtre tout à l’heure.

Finalement tu lui glisse des doigts.
Et Nine ne réagit pas tant que ça, car ce n’est pas la première fois qu’ellui lui échappe de la sorte. Pourtant iel n'est pas du genre à refuser son affection - au contraire ! Souvent restant près de lui, sans le rejeter. Sans vraiment le rejeter. Alors pas trop près non plus -

Le feu est tout de même plus agréable lorsqu’il réchauffe,
et non en brûlant tout ce qu’il touche.

Et c’est justement parce que Leon l'accepte qu’il arrive à imposer ses flammes débordantes de son cœur. Même qu’en réalité il se dit qu’entre ses petites mains, iel arrive plus ou moins à les dompter. Et ce sans jamais se soucier des cloques qu’il laisse -

De tout façon tu ne lui montre jamais.

“Ah bon, si tu le dis.”

Nine retient son soupire et retombe de nouveau en arrière, s’enfonçant entre les coussins du canapé où il est désormais assis seul.

“Tout va bien alors !”

Pourtant il était persuadé d’avoir vu ton regard vitreux à travers l’encadrement de la fenêtre.
Surement qu’il a imaginé - puisque ça te va aussi bien que les rires.

“Hmm…”

Il fait mine d’y méditer. Couvrant un court instant le bas de son visage habituellement souriant - cela donne un air plus sérieux à sa réflexion ! Ainsi il te scrute en silence quelques secondes.
Car au fond de lui, Nine te pense encore trop sensible - encore rattaché à l’image d’un.e petit.e Leon d’il y a quelques années. Du style pas assez pétillant.e d’ardeur pour l’accompagner. Puis Ils sont tous plus grands, plus téméraires, plus cool !

Mais puisque tout va bien :

“Oui, si tu veux !”

Si ce n’était qu’une simple pause.
Si tu as d’autres copains.
Si tout va bien.

“Il faudra que tu me présentes les tiens aussi !”

Il n’y a pas de raison que les choses se passent mal.
Après tout Nine l’a dit lui même : on est plus à la nurserie !

Pourtant il n’y a pas tant de différence dans ses choix.
Te mettre de côté était tout aussi volontaire que t’autoriser à le rejoindre. Car il trouve toujours un moyen pour s’amuser de la crainte des autres. Et te concernant, que tu sois loin ou proche - ses rires ont la cruelle capacité de te hanter à n’importe quelle distance.
Sans toi - comme ces salles trop grandes et trop vides - les échos en sonnent amer de mélancolie.

Et Nine ne se rend pas forcément compte du mal qu’il te fait. Il s’en doute mais ne constate jamais la profondeur des lésions laissées. Même qu’il admire le courage dont tu fais preuve !
Alors il se demande si tu auras la même prestance plus tard.
Il se demande si un jour tu lui montrera ton cœur meurtri.

(Enfin, tout va bien. Pour cette fois il ignore tes doutes. C’est le jeu - ton jeu préféré !)

“Pourquoi pas ? Ce sera marrant !”

Même si ce que tu proposes n’a rien des nouveautés intrépides qu’il tente de trouver dans les recoins de l’enclave. Il aime encore se faire de nouveaux amis.
Puis il pourra entrer dans ton petit monde qu’il aime parfois secouer.

“En plus, tu veux me payer des trucs. C’est si gentiment proposé, comment refuser ?”

Il ricane. C’est presque un réflexe pour ponctuer ses phrases.

“Moi aussi ça me fait plaisir.”

C’est un plaisir égoïste qu’il t’arrache plutôt que de le partager ensemble.
Mais ce sont des choses qui ne se disent pas en face. Qu’on ne remarque pas non plus par la facilité de l'ignorance.

Nine a hâte de passer du temps avec les autres, ses amis comme tes amis,
et toi dans le fond - afin de tester la bravoure du chevalier !

S’il est prince, c’est à lui de choisir qui devra rester à ses côtés.