amazed

« entre, luke. entre » tu ne prends pas la peine de te lever, pas même le temps de lui porter un regard. tes doigts terminent de rédiger sur du papier les détails de la journée ; et — là. après quelques secondes de battement, tu lèves la tête, répond à l’enfant.

« merci à toi, tu es très alerte sur les évènements. bien ; dis m’en plus maintenant. »

et tu l’observes, visiblement tracassé par des crocs qui se perdent dans un cou. oh, luke. sous ton regard imperturbable le garçon s’installe, s’exprime. tu notes des mots qui n’appartiennent à aucune phrase, tapote ton stylo sur la feuille quand il n’y a rien à écrire.

« tu es nerveux, luke... ça me touche, que tu me consultes sur les punitions nécessaires à ce jeune loup. » tu ranges la feuille dans un dossier qui en contient d'innombrables autres. « bien sûr, cette barbarie lui coûtera une étoile. pour l’isolement, j’y songerai. certaines méthodes sont contre productives ; comme les lettres d’excuse en public. on ne peut pas attendre de vous de réagir correctement à tous les coups. » tu joins les mains sur la table, entrelaçant tes doigts en observant les plaies qui décorent tes phalanges. « tu penses qu’on est parfois trop laxistes, luke ? »

et quelle différence, luke ! entre punition et acte ! la différence à souligner, c’est que vous n’êtes pas assez détachés pour vous sauter à la gorge, rien de plus. quand loup use de ses dents, vous usiez simplement de vos poings.

tu voudrais le féliciter cependant, tous les jours de son existence — luke est un grand garçon qui mérite ses étoiles, mais tu ne peux ignorer qu’il demeure encore un enfant.

ton regard droit est fixé sur sa silhouette, tu l’écoutes se répandre sans réussir à contenir ses peurs vis à vis de son camarade. ça t’intrigue. tu respectes sa défense en silence, te demandant ; s’ils avaient su, t’auraient-ils défendu ? mais comment ne pouvaient-ils pas savoir.

tu apprends le poids de l’empathie ; il rend le timbre de sa voix plus grave, les traits du visage plus honnêtes, les épaules plus basses. ça rend les enfants plus adultes ; sans les défaire de leur habit encore simplets.

« je vais m’entretenir avec loup. tu sais que j’aime avoir tous les points de vus possibles pour le moindre différend. »

en t’écoutant parler tu sais que tu n’as pas les mots pour le rassurer. et tu ne les auras probablement jamais.

« je vois comme tu t’inquiètes, luke. ça te travaille dans tout le corps. je me demande si ce n’est pas parce que tu n’apprécies pas mes méthodes ?  tu veux bien faire ; et surtout faire au mieux. heureusement vous n’avez pas sur les épaules le poids des décisions qui nous incombent, aussi je te promets de réfléchir à une sanction qui puisse lui être bénéfique et éducative. mais peut-être pas agréable. cela dit cela n’est pas de ton ressort. en parlant de toi, dis moi donc comment as évolué ta relation avec alfie depuis votre sanction au réfectoire ? j’ai entendu divers avis. »

super.

il y a ; comme un pincement. sur tes lèvres. une sorte de sourire (?) qui ne dévoile ni bonheur ni tristesse, qu’un… contentement neutre, en réponse à luke pour célébrer ses félicitations silencieuses. c’est que luke n’est encore qu’un enfant et quelquefois ses mots sont maladroits. tu pardonnes — tu n’es pas le tyran que certains te pensent être. pas avec tout le monde du moins.

mais quand tu abordes le nom d’alfie, quand luke se raidit sur sa chaise, quand l’atmosphère soudainement se fait silencieuse et pesante, ah, tu ne peux que te consoler de cette réalité

luke n’est encore qu’un enfant.

timide et pudique, aux sentiments probablement fous, à la pensée exténuée de toujours travailler, aux mains qui cherchent, aux yeux qui jaugent, au cœur qui tiraille. de bavard il est passé à silencieux ! pour quelqu’un qui s’étaler sur les soucis de loup, le voilà incapable d’alborer les siens.

quelque chose dans cette situation t’apporte un peu de tendresse. tu l’écoutes, demander des choses pour ne pas répondre, accuser des têtes sans nom, présumer que ce qui peut avoir été rapporté ne peut être vrai… se cacher dans sa jeunesse.

bien, tu l’aides alors. « ah ? certains phy mentent facilement ? qui donc ? »

tu n’abordes pas plus le sujet, ne répondant pas plus à ses questions. une réaction suffisait à situer sa réponse — tu avais connu ce comportement, jeune adulte ; tu ne l’avais simplement jamais exprimé audiblement.

garder le secret c’est un peu la quintessence de ton art.

« cite moi un nom et je te laisserai t’en aller. »

luke s’exprime, s’éloigne un peu plus à chaque mot de la question qui l’a mené à s’enterrer dans toutes ces déclarations.

heureux, tu ne souris pas. tu écoutes, cherche dans ses yeux ce que dissimule cet acharnement à fuir le premier intitulé… jusqu’à l’entendre dire ce que tu ne pensais jamais entendre de luke.

ce n’est pas à toi.

tu hausse les sourcils ; la surprise te prend plus aisément que tout élan de bonheur.

« allons bon? » dis tu, malgré ton stoïcisme réputé. tes mains se rejoignent, tapent entre elles avant que les doigts ne s’entremêlent. c’est ainsi que luke conclut le sujet. et si tu ne parviens pas à le féliciter pour cette audace, il saura malgré tout le lire dans l’éclat de tes yeux.

luke est véritablement un garçon exceptionnel.

« nous te regardons, et nous sommes fiers. tu sais modeler ton insolence en caractère. je te remercie pour cette conversation, tu ne cesses de me prouver que tu es un excellent grand frère. allez. file maintenant, avant que je ne sois trop curieux. »