amazed

Parfois cela ne s’explique pas,
il y a juste quelque chose qui cloche.

Quelque chose comme
Robin -
Robin, un chat, et un seau rempli d’eau.

En réalité, Nine n’est pas bien sûr d’avoir vu - en fait il n’a rien vu.
Il n’a rien vu car Robin était de dos, accroupi dans les endroits un peu plus obscurs du parc.
Il n’a rien vu pour donner assez de détail sur la scène si on lui demande.
Mais il a entendu,
la brutalié s’entend facilement.

Puis il y a cette branche qui craque sous son pied. Pas par maladresse.
Nine se montre car il n’a rien à cacher, rien à se reprocher.
Ses deux mains sont levées - il vient en paix !

“J’ai rien dit.”

Et rares sont les silences.

Il reste en retrait, tout en t’observant sans un mot de plus. : que ça te va mal, ces allures dépravées.
Nine se retient de rire, se mordant l’intérieur des joues.
Mais rien ne l’empêche de sourire !

“Pourquoi tu te sens directement accusé ?”

Ses mains restent en l’air, et il n’avance pas.
Son corps bascule juste doucement.

“J’ai rien dit.”

Il répète.

“T’as des choses à te reprocher peut-être ?”

Il regarde le seau.

“Il s’est noyé tout seul ?”

Puis revient à toi, à ton regard sombre de cette terreur propre à la panique

“Pauvre chat... Qu’est-ce qu’on va dire aux parents ?”

Finalement c’est plus fort que lui.
Nine s’esclaffe de la situation : c’est bien trop amusant !
Il y a quelque chose de réjouissant de voir Robin dans ces états.
Parce que Robin à toujours ces airs irréprochables. Et c’est vrai, qu’elle est si parfaite que personne n'irait croire des accusations absurdes.
Il a conscience de la facilité à laquelle tu pourras lui faire porter le chapeau.
Après tout, c’est Nine qui accumule les péchés.

“Haha ! T’es bien sûre de toi !”

Et après tout, c’est Nine qui est venu te confronter,
prendre le risque de se faire punir à ta place,
constater de ses propres yeux ton crime,
admirer tes expressions crispées,
ta misérable personne -

Après tout, c’est Nine qui s’amuse.

“On a cas essayer ? Maintenant ?”

Il finit par s’approcher de son assurance insolente bien propre à lui.
Ces pas ne sont jamais hésitants, sachant toujours parfaitement ce qu’il fait - il ne serait pas venu te rendre visite sinon.

“Moi j’ai rien à perdre.”

Puis il t’attrape un bras pour en mieux constater les dégâts - regarde !
Les siens sont propres, intacts, la peau est lisse. Les tiens sont sales, abîmés, ta peau est rugueuse, écarlate.
Ce n’est pas lui qui porte les menottes de criminels.

“Contrairement à d’autres.”

Et puisqu’il ne laisse jamais de répit aux autres, il agit dans la foulée en prenant le seau, puis commence à te tirer - comme les enfants que l’on prend en plein grand délit, on confisque leur jouet avant de leur tirer le bras pour les emmener au coin.
Il insiste ! Allons-y maintenant ! Ensemble !
On verra qui ment le mieux.

Quand quelque chose bloque son élan. Nine ne prend même pas la peine de se retourner entièrement - c’est comme écouter les caprices d’une enfant qui refuse d’admettre ses bêtises !
Pourtant tu es grande sœur. Tu n’es pas censé être aussi immature dans tes mensonges, dans tes craintes et tes règles.
Il est à peu près sûr que ce n’est pas comme ça que les choses doivent fonctionner.
On l’a déjà réprimander de maintes fois, et pour moins que cela -
ne serait-ce pas un peu injuste ?

Au fur et à mesure des tes explications insensées, ses sourcils se sont froncés, perplexes. Son regard s’est plissé, les pupilles empli de jugement, et son sourire s’est affaibli - mais il est toujours là, il sera toujours collé à ses lèvres.
Il ne cherche pas à te rattraper le bras.

“... Pourquoi pas ?”

En réalité, Nine ne cherche pas grand chose.
Il n’a jamais eu besoin de beaucoup plus, les fous rires le comblent assez.

“J’ai juste envie.”

Il se demande si toi aussi, tu avais peut-être juste envie de noyer ce chat.
Nine se tourne de nouveau face à toi.

“Puis même si ce n’était pas interdit, tu trouves ça normal, toi ?”

Indélicat, Nine attrape le cadavre qui flotte pour te le présenter juste devant ton visage : on dirait que tu ne réalises pas encore - est-ce qu’il doit t’aider ?

“Regarde - tu trouves ça normal ?”

Il tient le chat par la peau du cou. Son corps trempé, inanimé, pendu par sa poigne. L’eau dégouline un peu sur tes chaussures.

“Ça te sert à quoi de l’avoir tué ? Puis qu’est-ce qui te permet de juger s’ils ont le droit ou non d’être là ? C’est un chat, tu crois qu’il à l’intelligence de comprendre ça ? C’est pas un peu cruel ? Tu pouvais pas juste le chasser ? Et les autres, qu’est-ce qu’il vont en penser ? Moi je m’en fous. Mais ça se trouve quelqu’un l'aimait bien ce chat.”

Un rire lui échappe de nouveau - rien de trop éclatant pour l’instant.

“Robin, tu trouves ça normal ? Vraiment ? Si c’était pas interdit, pourquoi tu le fais en secret ? Pourquoi tu continues de mentir ? Il y a que les gens qui ont peur qui mentent.”

C'est pour cela que Nine ne mens jamais.

Ce n’était le chat de personne. Alors il ne devrait manquer à personne. Mais les chats peuvent s’approprier plusieurs maîtres. S’il est là, c’est qu’il aime les humains, c’est qu’il a besoin d’eux - il ne doit même plus se souvenir de son ancien propriétaire - ce sont des choses que l’on comprend facilement en observant les comportements animaux.
Nine baisse son regard sur le pelage roux un court instant.
Lui-même est sûr de l’avoir déjà caressé, cette charogne.
Tes justifications sont trop faibles.

“Et alors ?”

Cela commençait à l’ennuyer et il songeait à ne plus t’écouter,
juste partir et faire ce qu'il veut,
espérer que tu lui cours après,
le supplier de ne rien dire -
quelque chose comme ça.

Mais heureusement ses plans changent et le sourire revient quand enfin tes mots assument ces erreurs. Et le plus drôle c’est qu’il n’y a aucune erreur - tu voulais voir si tu en étais capable ! Toi aussi, tu avais juste envie ! Et cette nouvelle optique lui plaît beaucoup. Car l’image de Robin à cet aspect beaucoup moins lisse : elle s’accompagne d’une cruauté qu’on explique pas, de violence qu’on ne conscientise pas,
c’est juste comme ça,
j’avais envie -

Nine sait que tu détesterais entendre dire qu’il te comprend.
Voir si on en est capable,
c’est ça le plus amusant.

“Qu’est-ce qui me garantit que tu vas te dénoncer ?”

Sa poigne se bloque et il tente de tirer en retour sur le chat - si on peut continuer d’appeler ça un chat. Pas réellement dans un but de se disputer pour la peluche trempée. Mais plutôt pour te garder près de lui.
Alors dans l’élan, il t’attrape de nouveau un poignet.
Ce serait dommage de fuir !

“Mais dis moi : c’était comment du coup ? T’as ressenti quoi ? Du dégoût ? De la culpabilité ? De l’excitation ? Est-ce que ton cœur battait fort ? Est-ce que t’avais l’impression que plus rien autour n’avait d’importance ? Juste la respiration du chat ?”

Nine peut puiser dans ses réserves d’adrénaline pour au moins avoir le dessus en termes de force. Ainsi son étreinte se serre assez pour marquer ta peau (mais sans rien briser), pour continuer de l’entraîner vers lui.
Il préfère mener la danse.

“Répond Robin - maintenant qu’il est mort tu peux y réfléchir. Tu serais capable de le refaire ? Et tu penses quoi des blocards ? Ceux qui traînent là où ils devraient pas - tu voudrais les tuer ?”

Nine par exemple -
tu voudrais l’enterrer ?

Nine préfère lorsqu’on ressent tout d’un coup. Ça donne une impression d’être vivant dans toute l’intensité des émotions humaines. Même lorsque tout se mélange, que plus rien ne fait sens, que ça fait exploser les cœurs - c’est cette complexité qui rend les réactions d’autruis si intéressantes à ses yeux.
Alors rien, rien du tout, c’est nouveau. Pourtant il sait avoir réussi toucher quelque chose de plus fragile que son indifférence glaciale. Car aujourd’hui Robin arrive à s’écrier, elle arrive à pleurer, et à se débattre - mais elle insiste : elle ne sait pas. Elle n’a rien ressenti du tout.

Et ça l’embête, car trop aveuglée par ta colère, tu sembles incapable de réfléchir pour répondre à toutes ces questions qu’il se pose !
Puis ça l’embête aussi, lorsque tu lui tire les cheveux très fort, car il ne peut même pas profiter de ton visage si rarement - voir jamais - déformé par les larmes.
Ça l'embête sincèrement. Il râle en se faisant emporter au sol. Le cadavre tombe lui aussi, car il a tout de suite moins d’importance. Et toi, il ne te lâche toujours pas. Alors vous vous retrouvez à rouler bêtement dans la terre. A vous tordre les bras pour que l’autre lâche prise en premier ; cela pourrait devenir un jeu d’endurance - Nine est bon lorsqu’il s’agit d’entêtement !

“Je pensais qu’on serait un peu pareil - mais finalement c’est peut-être pire de rien ressentir !”

Similaire dans les cruautés.
Il pense que juste cette pensée jumelle devrait t’agacer.
Et encore plus amusant de pouvoir t’accuser de pire - pire que lui.

“Tu fais des choses horribles pour rien alors ?”

Nine à au moins ce mérite de s’amuser de ses bêtises.
Robin n’a même pas ce plaisir.

“T’es juste dangereuse - lâche-moi tu me fais mal !”

Ces mots qu’il choisit consciemment pour insister sur la cruauté de tes gestes, de ta personne -
c’est toi la méchante,
la pire de nous deux,
la pire de tous -
c’est toi qui tue
et qui fait mal pour rien !

Pour mieux incarner le rôle des victimes, Nine ne cherche pas à rendre les coups mais plutôt à les contrer. Puis il ne veut toujours pas te lâcher - là où tu lui tires les cheveux - alors ce n’est avec qu’un seul bras qu’il cherche à se protéger le visage.
Il n’est pas sûr combien de fois exactement ton poing est venu s’écraser contre lui. Certains coups lui ont échappé. Sa joue endolorie est prise de ces fourmillements grignotant la peau.
L’adrénaline est un bon anesthésiant.
Cela lui fera mal plus tard.

En attendant, il pleut.
Ce sont des gouttes chaudes,
salées avec une légère touche d’amertume.
Emplies d’émotions que Robin ne sait exprimer.
Elles se déversent comme le tonnerre qui gronde son chagrin.

Son bras lui reste par dessus, couvrant le bas de son visage. Alors on ne voit plus s’il sourit encore. On peut seulement distinguer ses deux yeux écarquillés. Il n’arrive pas à te quitter du regard. Il y a une stupéfaction sincère face à un spectacle aussi rare.
Soudainement il pense comprendre les aventuriers du désert dans les films - lorsqu’on se perd sur ces terres aussi sèches d’émotions, les nuages gris sont vus tel un miracle.
Au début, il trouvait cela absurde d'espérer trouver l’eau. Car après tout, ici entre ces murs, et dans son cœur, tout coule à flots.

Des larmes ont doucement ruisselées jusqu’à ses lèvres. Il les goûte, lèche, boit - perle par perle. Maintenant il saura apprécier d’autant plus cette denrée précieuse qu’il déterre brutalement chez les autres.
Nine avale ton incompréhension, ta colère, ta tristesse, ta peur, ta culpabilité ; toutes ces émotions qui créent un bout d’humanité. Et une humanité qui ne fait même pas toi. Car c’est une humanité que tu n’a jamais envisagée.
Même tes sanglots ne sonnent pas normalement. Il y a comme une certaine dissonance par les vibrations dans ta cage thoracique. On dirait qu’on ne t’a jamais appris comment faire.
Nine ne ment pas lorsqu’il te pense monstrueuse.

Enfin tu le lâches, alors il fait de même. Ton poignet sûrement marqué de ses doigts. Comme sa joue de tes poings.
Il garde pourtant son bras par-dessus son visage. Il ne sait pas trop quelle expression il pourrait te présenter sur le moment, mais il a l’impression que s’il se moque maintenant, tout ceci n’aurait plus de sens. Car tes mots sont plus honnêtes qu’avant. Tu ne vas plus te dénoncer car c’est un devoir, mais parce que tu as peur.

“... T’attends quoi alors ?”

Il en rira plus tard.