amazed

don't worry about this little things who corrupt your life and make you live deep inside a lieJe me rappelle du sentiment de vide singulier des ruptures, d'une forme d'amertume indescriptible qui prend sa source dans la certitude de l'échec et surtout autophage, qui se nourrit et s'entretient d'elle-même. Je me souviens de l'insupportable certitude d'avoir fait un faux pas quelque part qui a fait vaciller les équilibres précaires de tes sentiments à mon égard, composés par mon bon-vouloir, défaits par inadvertance et d'intentions un peu trop brusques alors que l'amour est encore fragile, avec peu d'accroches.

Enfin, je me rappelle, t'avoir laissé partir sans vraiment te retenir. Qu'aurais-je dû faire ? Tu sais mes larmes étaient sincères, je ne connaissais pas tout-à-fait leur substance - il me semble maintenant qu'elles s'inscrivaient dans la large frustration qui me faisait aussi trembler, de te voir m'échapper.

Il était assis dans un des canapés, les yeux fermés ; il n'avait pas eu besoin que Saki s'approche de trop pour entendre ses pas et tourner son nez vers lui, se redresser à moitié, sans trop savoir quoi ressentir mis à part les battements de son coeur plus rapide, la colère dans la gorge.

Je me rappelle aussi quand tu es venu me voir dans le foyer : je ne t'avais pas laissé parler. J'avais mis tous mes bons sentiments, tous mes sourires, tous à ton attention ; il n'y avait que nous. Je te disais alors : Qu'est-ce que je peux faire toi ? J'avais quinze ans ou peut-être seize. Cela n'a trop d'importance. Je me donnais des airs de bons princes, d'anciens amants conciliants, sans savoir quoi composer avec toi. Si je devais être accusé coupable de quoique ce soit, puisque je l'étais, je voulais l'être sans trop me tuer dans le processus. Je ne voulais mourir d'aucune main et surtout pas de la tienne. Aux faux amours je te réservais toutefois le vrai sang, sans me protéger des blessures sociales que tu t'apprêtais à vouloir m'infliger.

Que réserve-t-on aux martyrs si ce n’est du sang ? Puisque c’est son rôle, qu’il le réclame, qu’il se veut crucifier sans essayer de mordre – tu n’es pas assez cruel pour le lui refuser.
C’est que tu as longtemps pensé que vous différiez tant pour mieux vous compléter, étrange amalgame de douceur glacée et de sincérité brûlante, qu’il t’avait trouvé, déniché, là où d’autres ne te voyaient pas, parce que tu avais quelque chose qu’il lui fallait, qu’il y avait une place à ton nom cachée dans sa poitrine.
Juste ton nom. Etais-tu assez faible, assez pétris d’une niaise sensiblerie pour avouer qu’il n’avait fallu que ça, prononcé tout bas, pour l’aimer ?
Et si c’était faux – l’aurais-tu cru ? Car il n’y a rien de plus vrai que ton besoin désespéré de te sentir voulu.
Tu ne veux pas souffrir, n’est-ce pas ?
Contrairement à Liv, tu refuses le sort qu’on réserve aux martyrs.

- Tu peux commencer par arrêter d’avoir l’air con !

L’insulte fuse comme un salut ; sort réservé aux trop nombreux à s’attirer ton ire. Ceux que tu aimes n’en font que trop souvent partie.
C’est comme ça que l’on sait que ton cœur saigne, Saki, parce que tu pleures en t’enflammant, parce que ton affection porte au loin le sel d’un océan trop tumultueux.
Tu croyais à ses larmes et lui imposais les tiennes, rouges et acérées.

- Tu sais très bien pourquoi j’suis là ! Tu m’as… Tu m’as- Les mots manquent quand tes joues prennent feu, d’embarras et de honte mêlés.
Tu t’en veux.
Tu lui en veux.
Tu en veux au monde entier.
Il te faut un coupable à déchirer.
- C’était pour te venger, avoue ! Alors, tu accuses, fendant l’espace qui vous sépare de quelques foulées pour l’attraper au col. T’as pas supporté qu’ils t’aiment pas donc il fallait que tu me fasses ça ?!

don't worry about this little things who corrupt your life and make you live deep inside a lieTu t'agaces de mes airs idiots, de la nonchalance de la tenue de mes épaules avachies sur le canapé, de mon regard surpris mais gentil - d'une tendresse unique qui prétend n'émettre aucun jugement sur les retors de tes émotions. Sur tes larmes. Sur ta main qui me saisit, qui m'empoigne, qui voudrait m'écrabouiller je le crois et je le vois, mais sans me faire saigner il me semble - que je ne laisse aucune trace sur ta peau - je n'en ai plus le droit c'est cela ? je jalouse le feu qui t'habite pour toutes ces amours qui ne seront plus jamais moi, je crois, car je pense me tromper si j'imagine pouvoir te sauver des contrariétés en t'imposant à nouveau nos affections mutuelles, et je crains surtout que tu finisses par en découvrir la supercherie ; je préfère que, dans le temps, tu t'en souviennes comme un amour évident.

Évidemment, je ne sais pas de quoi tu parles. Je ne cherche pas à me défaire de toi - tant pis si tu ne m'étreins plus au moins j'existe dans tes yeux et tes préoccupations - je voudrais comprendre mais tu ravales les noms, les mots, tout ce qui pourrait donner un sens au fouillis de tout ce que tu ressens. Je crois que - je ne comprends pas tout, Saki. Est-ce que tu pourrais genre euh - te calmer un peu, pour m'expliquer ? Je prends le beau rôle tu sais, celui qui est raisonnable mais qui ne rejette pas, celui qui accepte les ferveurs des relations passées, qui se fait réceptacle des colères d'apparence pas mérités - il suffit de le voir à mon air surpris, mes yeux presque écarquillés.

TW : homophobie internalisée / slutshaming

Est-ce vrai seulement ? Que ça ne sera plus jamais lui ? Idiot comme tu l’es, tu ne pourrais le promettre et c’est bien là ta perte ; ton cœur s’abime sans désespérer. Ta colère à elle seule repousse l’indifférence que tu devrais lui réserver.
Est-ce pour ça qu’il est venu te chercher ? Plus que pour tes amis qui brillent plus fort que toi – a-t-il remarqué que tes émotions brûlent d’un feu de forêt bien communicatif ? Que tu partages sans le vouloir amour et haine à qui s’approcherait trop ?
Est-ce pour ça que Liv te fait subir aujourd’hui le poids d’une affection tricéphale ?

- Oh, arrête ton cirque ! Parce qu’il te connait, qu’il sait que tu ne te calmes pas, que tu ne communiques que par orages, que tu n’aimes qu’en ouragan. Tu- Tu sais très bien !

Le sait-il vraiment ?
C’est qu’il lui suffit de t’adresser quelque mine déconfite aux yeux écarquillés pour déjà faire faiblir ta poigne sur son col – tu ne te ressaisis qu’en enfonçant durement ton index dans son torse. Mais tu as beau l’affliger – il n’avoue pas !
Le rouge te prend aux joues, dans ta honte d’accuser :

- Je peux plus – Je peux les regarder sans avoir l’impression d’avoir couru un putain de sprint ! C’est juste ridicule, pathétique, en fait, c’est mes meilleurs amis et puis… Deux à la fois ?! Tu m’as pris pour qui, pour une pute ?!

Si Liv t’avait affligé de la sorte pour mieux te reprendre, il n’aurait pas pu mieux trouver ! Tu aimerais mille fois le reprendre que de rester embarrassé ainsi, que de te voir privé d’amitié sincère au prix d’une affection honteuse que tu n’arrives à faire taire.
Que diront-ils ! S’ils savaient, tu les perdrais – ils acceptent tes amours dérangées tant qu’elles ne les concernent pas.
Tu as envie de pleurer. Dans un moment de trop, les bras ballants de Liv t’apparaissent comme un refuge enviable.

- Retire-moi ça, putain… Je peux pas perdre Luke et Alfie comme ça…