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Selen, c’est pas le genre de mec à choper le cafard, même quand il fait que dalle. Peut-être qu’il est trop simplet ou juste trop con pour vraiment capter ce qu’est l'ennui. Au fond, s'occuper à rien faire, c’est une activité comme une autre : ça lui prend tout ce qu’il lui reste de neurones. Là, amorphe, il est vautré sur son vieux bureau, parfois presque plus confortable que son matelas miteux. Selen pense pas trop à la vie, parce que réfléchir c’est pas vraiment son truc. Il n'imagine rien non plus, et, depuis des heures, avec un fond de Sabrina dans la tête, tout ce qu’il arrive à sortir, c'est un « Piouf » dénué de sens.

Peut-être bien qu’en entendant frapper à sa porte, Selen s'imagine direct qu'on vient lui chercher des embrouilles - et ça, il kiffe. Peut-être aussi qu’il espère qu’Helio ramène sa sale gueule pour qu’ils puissent… discuter ? Non, ça serait un bien grand mot, plutôt lui refaire sa tronche de merdeux. Les merveilleux lui trottent encore dans la tête et ça le fout en rogne, parce qu’il adorait ça avant, mais maintenant, dans son esprit, ils ont un goût amer, le reflet d’un Éternel qui ne deviendra jamais un Perfect.

Il capte pourtant à demi-mot que ça sera ni Helio ni des emmerdes qui l'attendent derrière la porte. Il claque sa langue contre son palais, relève la tête d'un coup avec l’appui de son bras. Et là, il voit débarquer le petit Alb. Si au fond Selen a rien contre lui, faut bien l’avouer, dans les faits, il trouve toujours quelque chose à redire. Il le scrute de haut en bas, l’air de jauger un phénomène un peu chelou - pas si paranormal que ça en vrai, vu qu’Alb le colle un peu trop au quotidien, pire encore, il se permet de prendre ses aises alors qu'ils ne sont même pas potes. T'crois t’chez ta daronne ?

Il balance ça comme ça, sans trop d’hostilité, mais bon, y’a un fond qui dérange. Selen, des gens, il en voit défiler dans sa piaule, et lui aussi squatte chez les autres, mais y’a un truc qui cloche là. Il sait pas trop comment l’expliquer, peut-être qu’au fond, il est juste vénère parce qu’il s’emmerdait vraiment tout seul dans sa chambré. Ah, j’vois, t’es v'nu voir l’maestro. Un mot qu’il avait entendu à la volée et qu’il aimait bien. Pour une fois qu’il l’utilisait pas n’importe comment. Si t’es v’nu pour d’la bonne, t’es au bon endroit, mon gars. Il change d’humeur aussi vite que de fringues. Quelqu’un qui débarque pour s'ambiancer sur du Sabrina, ça lui fait chaud au cœur direct. Du moins, tant que le gars en question ne tombe pas aussi amoureux de sa reine.

Alors il se lève d’un coup, direct vers l'appareil qui fait de la musique. Selen, il sait même plus comment ça s’appelle, juste que ça lui permet d’écouter les disques qu’il se chope au social club. Cadeau d’Helio pour qu’il puisse kiffer à fond sur Sabrina. Il hésite deux secondes sur la chanson à choisir, et finalement, ça part. Une petite vibe tranquille, genre radio en fond, avec des piaillements d’oiseaux au loin, ou un truc du style. Sa tête se met direct à bouger avec le beat.

Oh pt’n, t’crois c’l’blaze d’un vieux ? Genre c’comme Rea ? Ça le fait tiquer un peu, une pensée qui lui traverse l’esprit aussi vite qu’elle s’éclipse. Selen s’est dit qu’il devrait peut-être suivre les cours un peu mieux. Ou sinon, jamais balancer des mots qu’il avait entendus là-bas. Ouais, la deuxième option lui semble plus safe. Pas envie de passer pour un con, surtout qu’Helio serait le premier à se foutre de sa gueule. Il est soulagé d’avoir testé ça avec Alb et pas avec l’autre connard. T’gères, mec. En vrai, il sait pas trop, mais on lui a souvent rabâché qu’il fallait être un peu plus ouvert, dire merci quand quelqu’un t’évite une grosse honte [ou un truc dans le genre].

Ses sourcils se froncent un peu alors qu’il commence à s’ambiancer. Ouais, j’pense. Fin, j’hésitais, mais j’me disais qu’tu voulais bouger quoi. Il avait pensé à Juno ou emails i can't send, mais au final, Selen a opté pour Espresso, en se disant que c’était ça le vrai move qui avait ramené Alb dans sa piaule. Il commence à chantonner les premières paroles, avec un entrain un peu surprenant, le cou suivant le rythme. Selen attend le bon moment pour balancer la chorée, parce qu’il a pas encore tout assimilé. Ah ? Il sait pas trop comment prendre la remarque, si c’est une pique ou un compliment. T’aimes pas ? Il devient soudain plus menaçant, balançant quelques coups de menton vers Alb. C’du bon son t’sais. Ça bouge bien. Pour lui, c’était pas juste bon, c’était le top, et dans sa tête, y avait pas de place pour débattre.

Ouais, c’pas faux. Selen balance ça en pensant à tout le monde et à personne à la fois. Pour lui, si Alb avait raison une fois, y avait pas de raison qu’il ait pas bon sur toute la ligne.. Même s’il est souvent hargneux avec les autres, Selen est pas si difficile que ça. Sans pour autant s’accepter comme un idiot fini, il fait semblant de comprendre et hoche la tête si ce qu’on lui dit passe crème, et surtout si ça lui pose aucun souci. Et là, vu qu’il est content de partager sa passion pour Sabrina avec Alb, ça lui suffit.

Selen est en feu, complètement pris par le son. Pour lui, Sabrina, c’est carrément une déesse, sa raison de vivre si on veut pousser un peu à l’extrême. Il n'est pas encore en train de se lancer dans la chorée, mais son échauffement est déjà bien lancé, proche du rythme qui le fait vibrer. Peu de gens se souviennent qu’il fait partie du club de danse, mais même s'il n'est pas le plus assidu, il reste pas à la traîne par rapport aux autres. Selen est athlétique, Selen bouge bien et il a le rythme dans la peau. Alors c’est un peu du gachi que tout ça ne vibre que pour Sabrina Carpenter.

T’as vu ? Donc t’valides ? Bien sûr qu’il pense que Alb valide. Selen est trop naïf pour capter la fausseté dans sa voix. Pour lui, c’est impossible de pas aimer cette mélodie divine, et vu qu’Alb a l’air d’être un mec sympa, ils devaient forcément être sur la même longueur d’onde. J’te préviens, c’pas encore fini, j’pas eu l’temps. Il avait pas grand-chose à faire, mais tellement à vivre. C’était bien parce que Sabrina était sa number one, qu’il fallait pas non plus laisser les anciennes chorées tomber dans l’oubli.

Selen fait craquer son cou, puis ses doigts ; allez savoir pourquoi. Il attend que le couplet se termine avant de balancer ses moves sur le refrain. Et là, c’est parti : il envoie des mouvements nuancés, balance son bassin comme si de rien n’était, avec une légèreté qui ferait presque oublier que tout part de son tronc. Ses bras suivent le flow, ses pas de danse s’enchaînent avec le tempo, même si la chanson est rapide. Selen a le sourire aux lèvres, il kiffe, il est dans l’instant à deux-cent pourcent.

Quand la musique s’arrête, elle repart direct. Selen, c’est ce genre de gars : il écoute la même musique en boucle jusqu’à ce qu’elle soit gravée dans son corps. Il ralentit un peu, continue de bouger mais avec moins d’intensité. Ct’assez b’sique, mais une fois qu’t’aura capté l’move, j’suis sûr t’pourras m’suivre. Ses mouvements n'avaient rien de facile, surtout pour quelqu’un qui n’a pas l’habitude de danser. Alors, t’en penses quoi ? Prêt à m’suivre ? Il pouvait pas s’empêcher de penser que si Alb était là, c’était pas juste pour écouter la musique, mais aussi pour suer avec lui.