amazed

aujourd’hui devait être une journée classique. une journée qui ressemble aux autres. une journée à oublier dès ses yeux clos. seulement, voilà quelques jours que le sommeil d’angel est de nouveau violemment agité par ces pensées terribles qui ne cessent d'accroître - cela lui donne des maux de tête. et l’accumulation des nuits courtes le rend davantage morose.

et parce que les grands frères existent, angel est venu presque inconsciemment se retrouver au club d'échecs. à l’encadrement de la porte, il a faiblement toqué pour annoncer sa présence. sans avancer. il a peur de déranger.
tu es un peu loin et il ne te voit pas par sa tête baissée. puis lorsqu'il a relevé les yeux ta silhouette l’a bouleversé -

il se rend compte que aujourd’hui ne peut finalement plus être une journée classique car une chose le perturbe. il ne l’a pas remarqué tout de suite parce que les absences et le manque ont toujours été plus compliqué à définir dans son esprit. il ne saurait l’expliquer clairement, mais lucien lui échappe.
là, d’entre ses doigts - ça glisse, et il a peur de ne pas le rattraper.
et c’est cette peur qui a poussé angel à venir rencontrer lucien.

“est-ce que-” la gorge nouée, il ne sait pas par où commencer, car tout lui semble impossible à encaisser “... est-ce que j’ai fait quelque chose de mal ?” il demande de cette voix toute tremblante par les doutes et les insécurités. “tu-” son regard devient vitreux, embué de larmes qu’il tente de retenir en vain; sa tête se baisse de nouveau par la honte qui le ronge “est-ce que tu es fâché-” et il n’ose toujours pas avancer plus loin dans cette salle - il a l’impression que le sol va s’écrouler sous ses pieds.

il n’a le temps de ne rien dire, rien faire, seulement continuer à se lamenter en silence alors que ses jambes se dirigent seules à l’intérieur de la salle. il devrait être habitué pourtant cela le surprend toujours qu’un petit hoquet lui a échappé.
une fois installé, angel ne se prononce pas tout de suite car il n’est pas sûr lui-même de ses erreurs. il a ce besoin de reprendre chaque jour qui ont passé, comme une sorte de liste - pourtant il les avait mis à la corbeille !

il y a quelque chose de cruel dans les mots et gestes de lucien. il arrive à viser les endroits qui font mal, sans même ne rien faire. il suffit d’amadouer, puis de les abandonner, c’est comme ça qu’angel a pu revenir en larmes. car il a peur que tu l'abandonnes. que tu le range - comme ces pions - dans une vieille boîte qui prendra la poussière.

si angel ne veut être rien aux yeux de personne, c’est parce qu’il ne sait pas gérer la douceur et l’amour d’autrui. car il en voudra encore plus, toujours plus - même si cela lui fait mal - il ne veut pas que lucien arrête de le regarder.
pas après s'être habitué à cette présence.

“... est-ce que c’est à cause de panic ?” il se triture un peu les doigts - il espère ne pas avoir mal deviné “c’est pablo qui m’a demandé de l’aider.” ses sanglots sont toujours calmes, mais ses phrases peuvent se ponctuer de petits reniflement “tu penses que j’aurais pas dû ?” il faut le guider. lui ne sait jamais sur l’instant “... je veux dire- utiliser mon pouvoir” il ne pensait pas à mal pourtant - il ne pensait à rien du tout “... est-ce que tu es fâché ?” il se permet de demander - de réclamer, capricieux - encore.
il a peur de déranger, peur de tes déceptions,
peur que tu le détestes.

mais angel ne t’aime pas plus que ça.
il a de nouveau mal à la tête.

c’est comme s’il fallait retenir son souffle le temps d’une réponse. et angel a pu se remémorer plus correctement sa confession. a vrai dire, il n'avait même pas songé sur le coup qu’il faisait une bêtise. parce qu’on lui a demandé - parce que pablo lui a demandé - il s’est exécuté en ignorant ses propres doutes. mais il n’était pas à l’aise ces soirs là.
il commence à regretter. angel se mordille un peu la lèvre inférieure après cette prise de conscience. surtout lorsque tes mots appuient davantage sur cet aspect qu’il avait ignoré jusqu'à présent.
heureusement tu n’es pas fâché. seulement inquiet. alors il aura ce poids en moins cette nuit pour contrebalancer la culpabilité qui s’ajoute à ses angoisses nocturnes. cela ne s’explique pas mais c’est moins éprouvant quand il peut s’en vouloir qu’à lui-même.

tout de même rassuré - car tu ne le déteste pas - angel s’était inconsciemment lové contre ta main. parce que tu t’inquiètes, parce que tu le touches, que tu le regardes - car tu ne le détestes pas ! “oui- d’accord” il hoche doucement la tête “je ferais attention.” parce que c’est compliqué d’accepter les demandes de tout le monde, il fera au moins cela “... désolé.” de tout - même de lui.

les larmes cessent doucement de couler alors qu’il s’installe en face comme ordonné. puis du revers de ses mains, il en profite pour se frotter le visage (les paupières, les joues, le nez). c’est effectué sans grâce, juste par maladresse adolescente. “hm…” il aimerait répondre qu’il ne sait pas. ce qu’il ressent - comment c’était - tout lui semble toujours trop conceptuel que c’est difficile à discerner “... je l’ai juste utilisé pour savoir de quoi alfie et luke ont peur. après les autres se sont occupés des épreuves. j’ai pas fait grand chose en vrai.” il annonce simplement les faits dans un premier temps. “... mais je sais pas” pourtant il n’aime pas utiliser son pouvoir “c’est toujours bizarre-” on dirait qu’il l’avait oublié “de voir ça.” la peur des autres. “j’ai l’impression que je devrais pas.”

il est sûr que ce n’est pas par empathie qu’il redoute tant cette capacité. il ne s’est jamais inquiété de ce que la personne en face pouvait ressentir - c’est facile, c’est de la peur. mais c’est comme en trop - en trop de ses propres angoisses qu’il a déjà du mal à gérer.
angel n’aime pas l’idée de devoir en découvrir de nouvelles - après il mélange tout.

en réalité, angel n’est pas bien sûr lui-même ce qui cause ses avalanches de larmes - il ne pensait pas éclater en sanglots en te voyant - il n’arrive pas à les contenir et cela lui fait honte.
il a honte car il ne devrait pas être aussi triste. il ne devrait pas avoir aussi peur. et il ne voudrait pas t’apprécier autant - il ne le voulait pas.
mais tous les petits frères aiment leur grand frère (même les faux) - il a honte de ne pas t’aimer autant - angel fait un très mauvais adelphe.

“mh.” alors il faut gagner des points ailleurs : il se rate sans cesse sur les affinités, il peut au moins énoncer des vérités “pour alfie j’ai vu une espèce de boîte. tout juste à sa taille.” ses doigts se sont entremêlés (au lieu de se tordre et s’arracher) - il y a un léger creux au centre - comme lorsqu’on attrape un insecte “... et ça se refermait petit à petit sur lui.” il l’imite jusqu’à ce que ses paumes se collent l’une à l’autre - il n’y a pas d'insectes comme il n’y avait pas de vraie boîte - rien à écraser réellement.

angel jette un regard discret envers lucien. il guette les réactions. même si elles sont compliquées à lire. il se demande juste ce que le roi pense au bout de l'échiquier.

“... pour luke,” il baisse de nouveau les yeux “je crois que ça a moins fonctionné.” puis reprend son récit “mais j’ai vu un très grand mur noir. c’était du vide. juste devant lui. partout où il regardait.” sur le moment, c'était plus difficile à deviner. mais il y a ce don - son pouvoir ne présente aucune logique à déchiffrer - c’est juste comme ça ! les réponses lui viennent naturellement sans qu’il puisse l’expliquer : “je crois c’était- en rapport avec ce qu’il peut maîtriser ou non.” puisque ça lui obstruait un de ses sens - il n’avait pas le droit de prévoir “... ça pourrait se préciser- si j’essaie une seconde fois. je pense.” mais il ne préfère pas. car même pour voler les peurs il est mauvais. “enfin de toute façon ils se sont débrouillés avec ça. il a marché sur des braises sans rien entendre ni voir.”

son regard vient de nouveau à toi : il a tout dit ! alors il cherche ton approbation. ou tes déceptions. juste quelque chose. n'importe quoi fera l'affaire après tes silences. (et même tes angoisses s’il l’oserait.) (ses pupilles noires les absorberaient et il saurait.)
(il s’aurait t’aimer un peu plus !)

le sourire des aînés à quelque chose de réconfortant - c’est bien - angel dormira un peu mieux cette nuit, sentant son coeur s’alléger doucement. parce qu’il a fait ce qui est juste - que c’est bien - on ne le grondera pas, on le laissera tranquille, il aura même le droit (peut-être) de toucher d’autres étoiles. “... tu penses ?” et angel s'emprisonne par confort dans l’hypocrisie de ce système - qu’il n’a jamais remis en cause comme il ne l’a jamais apprécié - il ne souhaite pas briller d’avantage mais si cela lui permet de recevoir les éloges de lucien (qu’il ne l’ignore plus !) il n’hésitera pas à pointer du doigts les aberrations entachant l'enclave. “enfin- je ferais de mon mieux.” il essaiera pour toi.

mais peut-être demain il dira autre chose à d’autres blocards.
et le plus déplorable c’est que ce sera sans mauvaise intention - sa sincérité est juste terriblement lâche.

“... d’accord.” c’est pour cela que ses promesses sont faibles : il dit oui à tout le monde, tout le temps - tu as raison, alors c’est d’accord, c’est même promis - seulement pour qu’on l’aime un peu plus, qu’on ne le déteste pas - c’est promis alors il faut l’aimer en retour ! “est-ce que ça veut dire que je peux regarder…?” il n’avait encore jamais osé car si on lui demande pas il n’y pense pas “... j’ai le droit ?” mais il n’oublie pas : “je dirais rien-” pour l’instant- c’est promis ! “je dirais rien…” il répète. puis il se rend compte du manque de délicatesse dont peut faire preuve son égoïsme. “pardon- c’est bizarre de demander ça.”

c’est lorsque angel parle sans réfléchir que derrière les regrets le rattrape violemment. comme une sorte de masse qui s'agglutine dans son dos, pesant de plus en plus, l’écrasant de ses propres craintes ; il s’est ratatiné sur la chaise, la tête enfoui au creux de ses épaules.
angel est hideux - ses pensées les plus intimes ressortent parfois sans contrôle.
angel fait peur comme il se fait peur.

il ne sait pas trop où se mettre. il aimerait fuir en hurlant d’oublier ce qu’il venait de dire - mais lucien n’oublie pas ! alors il faudrait rester, et peut-être s’excuser encore - autant de fois qu’il le faudrait. parce que - oui, c’est bizarre.
ses poings passent sous la table pour se punir de honte : les ongles grattent machinalement les mains. et il aimerait pleurer par le sentiment d’être coincé par sa propre bêtise sans que personne ne lui explique comment s’en sortir.

mais puisque c’est d’accord - puisque tu acceptes un peu de son atrocité aujourd’hui - ses yeux resteront simplement vitreux par les larmes. lorsque sa tête se redresse cela lui donne une fausse lueur d’espoir dans son regard trop noir. “ok-” puis il se frotte les yeux pour éponger sa tristesse “ok..! que à toi-”

il ne le dit pas mais c’est promis à toi.
que toi.

en réalité, quand angel utilise sa capacité, cela ne se remarque pas tant que ça. son regard est fixe sur sa cible mais on dirait surtout qu’il se perd dans le vide. et il lui faut toujours un certain temps de flottements en silence - quelques minutes - pour réussir à se vider l’esprit pour voir celui des autres. voir ce qui construit les autres. voir ce qu’il volera des autres.
et comme par somnambulisme, ses pupilles terminent par chavirer de droite à gauche - il cherche pour de vrai ! il cherche de quoi façonner les illusions.

angel ne connaît rien de lucien. alors ce qu’il réussit à trouver ce sont deux grandes silhouettes à tes côtés - et toi tu parais minuscule, comme un enfant. la tête, immobile jusqu’à maintenant, finit par se relever pour essayer de distinguer les visages.
mais angel ne connaît rien de lucien, encore moins de son ancienne vie. alors les visages sont difformes, comme un mélange d’une multitude de détails volés du monde entier. mais également difformes des émotions colériques, une sorte de férocité par l’horreur des trahisons -
il comprend là une déception immense.

entre-temps le visage d’angel s’est crispé, horrifié lui-même par les cauchemars qu’il découvre toujours avant les autres.
puis lui aussi maintenant - il se demande si ses parents le détestent au point de hurler de rage des accusations assourdissante - il se demande pourquoi il a été abandonné - ou peut-être que c’est lui qui les a abandonné - il ne sait plus - il n’a jamais su -
soudainement, les visages fixent angel. et pendant une courte seconde il a cru voir des silhouettes très floues de ses propres parents.
il n’en saura trop rien car dès qu’il s’est senti coupable, angel à immédiatement détourné le regard “ah !” bouchant ses deux oreilles, fermant ses paupières très fort.

angel ne connaît rien de lucien.
mais maintenant vous pouvez partager une chose en commun.
c’est ce qui lui donnera l’impression de mieux te comprendre, de mieux t’aimer.

il ouvre de nouveau les yeux. et ses mains se sont glissées au travers de sa chevelure, la tirant légèrement pour se cacher le visage “... tu penses encore à tes parents ?” il a peur que la question puisse te mettre dans l’embarras "ils avaient l'air très en colère-" (alors lui aussi, il se sent embarrassé) "ça faisait peur..." mais c’est pour te le dire à toi - que toi.

tes parents ne ressemblaient pas à tes parents. incapable de créer de premières illusions tangibles, elles finissent déformés : les visages étaient trop horrifiques, les rendant indescriptibles. mais il le sait ! ce sont bien des parents - tes parents. alors angel hoche la tête.

et de nouveau fuyant, il a peur de revoir les deux silhouettes s’il te regarde à nouveau. il reste dans sa position initiale depuis qu’il a quitté ton esprit - caché sous ses cheveux - il souhaiterait avoir une frange plus longue, il n’aurait pas à tirer aussi frénétiquement.

mais c’est aussi parce que ta voix semble beaucoup moins douce lorsque tu demandes une seconde fois. angel se disait bien que sa question était indélicate : mais comment décrire autrement ? est-ce qu’il aurait fallu mentir - ou bien aurait-il fallu te montrer simplement, même s’ils n’avaient rien de tes parents - peut-être qu’il aurait fallu ne jamais te demander de regarder -

il sursaute suite au coup résonnant de la table sous tes paumes.

finalement angel ne comprend pas pourquoi on t’accusait (car il n’était pas là)
et angel ne comprend pas pourquoi tu les accuses en retour (car il n’était là !)
non - angel ne comprendra jamais - même en espionnant tes angoisses -
car il n’existe pas, ni dans ton passé comme dans ton futur !

et cela lui semble presque injuste.
(il ne sait pas comment t’aimer !)

le silence se fait lourd. et angel doit attendre ton autorisation avant de se lever maladroitement : il s’est pris les pieds dans la chaise, créant un crissement désagréable, il ravale ses larmes, retient sa respiration ; pourtant il a terriblement honte et pourrait se décomposer sur place.

mais juste avant de partir, il remarque la pièce du fou qui a probablement roulé jusqu’à ses pieds. alors il le ramasse et vient le déposer sur le bord de table. ainsi il peut murmurer un petit “désolé” pour tout. mais ne le jette pas - s’il te plaît.

angel sort enfin de la pièce, fuyant le plus loin possible pour sangloter sa bêtise, son égoïsme, et son incapacité à aimer lucien. (il pensera aussi à ses propres parents).
mais il reviendra ! toujours - tant que tu ne le ranges pas dans une boîte - cela lui fera plaisir.