Ces derniers temps, le destin aime à te défier. Est-ce l’œuvre du Père qui, non content de te voir ainsi stagner à l’arrière du peloton, t’offre ces épreuves ? Si c’est le cas, ne devrais-tu pas t’en réjouir alors ?
Mais ta naïveté n’a pas cet optimisme, Saki, tu penses moins à t’illustrer qu’à obéir – et c’est peut-être ça qui te manque ! ce je-ne-sais-quoi d’audace qui, combiné à la chance, peut élever ou abattre n’importe qui. Celui-là même dont Nine, si ce n’est de bêtise, fait preuve actuellement.
Tes frasques ne te sont pas étrangères, à dire vrai, pas tout à fait. Tu ne les as simplement jamais assumées comme telles.
Parce qu’au-delà des crocs que tu montres avec largesse, tu excuses trop souvent les écarts des plus jeunes. Ils n’ont pas encore appris, n’est-ce pas, ils peuvent se tromper, comme tu t’es trompé aussi, rien n’est irrémédiable…
Aujourd’hui, cela pourrait l’être.
Quand Nine te contacte, l’heure est déjà trop tardive pour que quiconque, même habitué, songe à commencer une expédition dans le labyrinthe.
Tu as beau courir la plupart du temps sans réfléchir, le temps ne t’échappe pas. Il ne le faut pas ou tu ne serais déjà plus là pour t’en préoccuper.
Alors c’est en jurant entre tes dents que tu t’élances avec plus d’ardeur encore que d’habitude, parce qu’il est déjà
si tard et que tu ne peux pas t’empêcher de penser aux autres insouciants qui déjà il y a peu ne sont pas ressortis.
Ça pourrait être vous. Ça pourrait être toi. Après tout, ça a bien été Alfie. Et si l’enfant parfait peut trébucher…
« JE T’ENTENDS, ESPÈCE DE PETIT CON ! » Parce que tu ne peux pas vraiment faire autrement que l’entendre. À cette heure, les autres coureurs ont déjà dû ressortir et personne d’autre – tu l’aurais su – n’a voulu se risquer aujourd’hui à défier le dédale.
Alors sa voix, insupportablement détendue, rebondit contre les parois avec la clarté d’un orage d’été, sonore et vive – à l’Est !
Encore assez proche pour que tu calmes au mieux le tambourin agité de ton cœur ; tu connais ce secteur, Nine n’a pas eu le temps d’aller trop loin !
Ignorant le feu dans tes poumons, tu fuses dans les couloirs, jusqu’à apercevoir au détour d’une intersection, l’ombre d’une tignasse claire –
« Reviens ici ! TOUT DE SUITE ! »