amazed

C’est la nuit, que le loup chasse. C’est dans le silence de l’Enclave abandonnée, profilant dans l’ombre des arbres dansant sous la brise, criant, hagards pareil aux hurlements de l’animal blessé, qu’Alek erre les yeux vides de quête. Il aime s’y penser libre, s’imaginer qu’ici-bas au sein de ce silence alors, sa violence et sa colère s’éteignent.. Qu’ici-bas au sein de ce silence, oui, il n’est ni violent ni en colère : simplement un résultat. Un résultat qu’il a appris à accepter certes, mais un résultat accablant. Alors, c’est lentement que l’homme joint son pas léger -qui se veut sans bruits- à l’herbe humide d’une nuit qu’on oubliera comme celles d’avant et celles qui ensuite suivront ; vêtu simplement sur ses épaules de ce long manteau de fourrure qui apporte un semblant de chaleur à sa carrure dans l’obscurité.

Il n’était pas du genre à baisser sa garde pourtant, jamais sous la menace d’une arme sur la tempe qu’il avait lui-même attisé d’un trop plein d’émotions contradictoires. Et pourtant, ce sont ses yeux qui, à cet instant, se perdaient dans la brume se dessinant sous l’agitation languissante de ses lèvres. Tant bien qu’il n’avait même pas remarqué que sa promenade nocturne l'avait menée au sein même du parc. Où son pas devenu trop lourd, trop saccadé écrasait vigoureusement dans des bruits sourds les parterres d’herbe où peut-être, certaines fleurs auraient eu l’opportunité d’éclore sous le soleil d'instants plus beaux.

Fuire les odeurs. Stop. Ne pas s’enivrer de son parfum. Stop. De lavande, seulement de lavande pour rebuter les insectes. Stop. Agiter la tête pour oublier, fermer les yeux jusqu’à ne plus les ouvrir. Stop. Stop. Effacer le cauchemar. Stop. Stop. Stop. Stop. Stop. Stop. Stop. Stop. Stop. Stop. Stop. Stop. Stop. Stop. Stop. Stop. Stop. Stop. Stop. Stop. Stop. Stop. Stop. Stop. Stop. Stop. Stop. Stop. Stop. Stop. Stop. Stop. Stop. Stop. Stop. Et puis la senteur d’une cigarette qui s’éteint.. Une cigarette ?

- Alors c’est pour ça ?, c’est la voix qui s’élève dans la nuit pour percer la jeune femme dans le dos. Trouvé.

- C’est pour ça que tu t’efforces dans tes conneries ?, souffle-t-il. Alek aurait aimé rire, adossé à sa rambarde, il aurait aimé rire à en gueuler face à ce spectacle médiocre, pathétique qu’elle lui offrait dans sa vulnérabilité mais il n’esquissa aucun rictus. Pourtant Alek n’aimait pas Fang, comme Fang n’aimait pas Alek. Il n’aimait pas sa voix trop forte, son caractère trop brûlant. Il n'aimait pas ses idées, qu’elle s’oppose à lui pour quelque chose en lequel il ne croyait pas, sa motivation. Tous les deux avaient les bords trop abîmés, irréguliers qui les coupaient à la moindre altercation et pourtant, maintenant, à cet instant, Alek ne détestait-il peut-être pas assez Fang pour l'accabler d’un jugement moralisateur.

Sans plus de mots, ses pas vinrent résonner sur le sol pour grappiller les quelques mètres qui les séparaient jusque-là. Il ne s'assit pas, non, ne se tourna pas non plus vers elle, le jeune homme se contentait d'observer l'horizon ; lui tendant du bout des doigts une cigarette. Peut-être trouveraient-ils ici tous les deux un peu de réconfort ?