amazed

je longe le mur ouest, je pars du centre et je descends plein sud. aujourd’hui, je ne peux pas observer la fermeture du labyrinthe. quelqu’un n’a pas respecté les règles - plus que les règles qui nous sont imposées et nous sont nécessaires, les règles qui me sont propres. on a franchi ma porte. le voleur a pris ce qui était à moi tout en ignorant sciemment que je suis, que je me souviens. je sais où sont chaque choses et je ne perds jamais rien. c’est l’erreur qu’il a commit en franchissant ma porte (je l’imagine déjà, entrouverte, fermée, peu importe, je sais qu’elle se fera traître et me dénoncera l’effraction), oublier que je fais partie des murs. qu’y trouverais-je alors, quand j’y retournerais ?

j’y pense, mon estomac se serre ; non, c’est ma gorge. peut-être même quelque chose d’autre : il m’est impossible de déterminer l’origine de ma douleur car je ne discerne pas mon corps et mes talons qui claquent sur le pavé sont tout ce que j’ai pour faire violence à l'inconnu. j’ai délié mes cheveux et j’ai tiré l’élastique entre mes doigts pour multiplier les exutoires - il a cassé, je l’ai jeté.

c’est jim qui m’a rapporté le crime, sous couverts de bonne volonté. jim est bon parent, je suppose qu’il n’ignore ni les règles du père ni les manières, je suppose qu’il a de l’affection pour ce que je suis comme j’en ai pour lui, je ne sais pourquoi il cherche à excuser ceux qui font du tort et l’ignorance qu’il feint me semble détachée de ce qu’il sait de moi : c’est là que je me prends à l’imaginer coupable. c’est une image détestable. peu importe ce que j’imagine - j’ai déjà trop imaginé - je ne peux me conforter que par ce que je sais. les quartiers des parents que j'atteins finalement me semblent alors emphatiques, de par leur régularité : je sais le couloir, je sais les marches, je sais les numéros des chambres, je sais où je vais et je sais où je m’arrête.

”jim. JIM !”

j’ai frappé trois fois à la porte, comme je le fais toujours. elle résonne et je sais pourquoi - je sais son bois, je sais ce qui se cache derrière et comme les murs sonnent, je sais comment s'agencent les appartements, je me demande où on peut y cacher la culpabilité.

je ne crois pas crier, ce sont les surfaces qui crient pour moi, le sol sur lequel mes talons frappent. à vrai dire, je n’ai pour seule image de ma colère que celle que me reflète les échos. entre ces lignes qui se dessinent, jim se déplace avec une habileté mesurée. un “merci”, et je l’entend, ma politesse me semble brutale, alors je ne réponds pas plus. je comprend que ça n’a aucun sens - bien sûr que je suis de mauvaise humeur, c’est pour cela qu’il danse autour de moi, c’est l’évidence qui impose le rythme, ses pas doivent suivre les miens. jim a naturellement l’autorité hiérarchique mais pour une raison que j’ignore, que je pourrais mépriser si je la comprenais, il se replie dans l’ignorance.

“il me faut de l’eau.” sa courtoisie me conforte, je sens dans son accueil que le respect m’est obligé. je ne sais pas que l’hospitalité est une forme de supercherie. ce sont les vérités nettes qui me plaisent et je ne parviens à voir que l’objectivité de sa proposition. je m’assoie, donc, je ne demande pas la permission, c’est implicite. mes jambes sont droites et bien serrées, mes doigts serrent le tissu de mon pantalon et s’emmêlent - je suis immobile et tout est contenu. je conscientise et je rationalise la bêtise de ma fureur.

“j’ai le droit de m’énerver. c’est parfaitement normal. tu ne t’énerverais pas, à ma place ?”

jim me ramène à l’évidence.

“où est ce que tu l’as mis ?” mon carnet - je n’ai pas oublié pourquoi j’étais là. mes yeux tracent la pièce d’une justesse erratique - je refais le tableau, je cherche ce qui est à moi, et puisque je ne trouve rien, je cherche dans ses yeux. ils sont illisibles. “qui te l’as donné ? tu sais très bien que je ne l’ai pas perdu.”