amazed

Il y a une nouvelle responsable au club.
Et Nine ne s’en cache pas vraiment, que ça le refroidi, c’est plus fort que lui. Il a fait moins d’efforts ces derniers jours.
Il ne pense pas pouvoir l’expliquer clairement - c’est viscéral - il jalouse ceux avec des responsabilités, qui ont cette parole bizarrement importante par une étiquette collée sur leur front.

Ça le fait rire quand il y pense.

Et ça le fait rire aussi quand ces personnes s'approchent de lui.
Il s’attend qu’on lui dise,
sois plus sérieux !

Alors après tes plusieurs conseils et tes encouragements, Nine laisse un court silence en suspens. Juste le temps de quelques battements de cils. Il finit par en rire. Sa voix s’est mise à résonner dans le stade.
Cela lui semble absurde.

“J’ai cru que t’allais m’engueuler !”

Et il aurait trouvé ça dommage. Car tu ne fais pas réellement partie de ces personnes qu’il dit détester - tu as juste cette fameuse étiquette au front maintenant.

“Tu le penses vraiment ? Que j’ai les bonnes capacités ?” il n’en a jamais vraiment douté.
“T’as raison. Je peux faire des efforts.” il pourrait (mais).
“Mais des fois je me demande juste à quoi ça sert.” il essuie ses dernières gouttes de sueur.
“Toi, tu fais des efforts pour être la meilleure coureuse ? Pour être premium ? Ou autre chose ?” il passe sa serviette de sport par dessus son épaule “Il y a des trucs à ranger encore ? Histoire que je fasse ma bonne action de la semaine.” il pourra en faire des éloges sans trop de sincérité envers le Père suprême.

C’est toujours simple de discuter avec Fang. Il y a une sorte de ligne directrice, ce truc qui permet de rester accroché malgré les mots de Nine qui ont tendance à partir dans tous les sens.
Il parle, et parle, encore, toujours…
il freine rarement.
Mais tu arrives toujours à suivre. Cela lui plaît. Il se demande si ce serait le talent des coureurs - on peut le rattraper !

“C’est vrai ! Ça se voit que tu te donnes toujours à fond.”

Et ce serait mentir de dire qu’il n’y a rien d’admirable.
Il arrive à te voir te hisser encore plus haut. Contrairement à Nine - il ne brille plus, on lui a privé de son étoile.
Le voilà ramasseur de plots.

“Tu parles de la sortie du labyrinthe ? Vous avez des pistes ?”

Il jette un coup d'œil à ces murs qu’on voit au loin - toujours dans la ligne d’horizon.
Il continue de ranger.

“Je me demande ce qui se passerait si on peut sortir. Tu ferais quoi en premier si ça arrivait ?”

Nine y réfléchit souvent.

C’est vrai que dans les faits, c’est aussi simple que ça.
Et c’est vrai aussi, tout le monde devrait suivre cette logique.
Toujours à vouloir être le meilleur,
se donner à fond,
recevoir les éloges,
porter les astres -

Il comprend !

Il comprend parfaitement. Mais il n’est plus trop sûr de son utilité. N’allons-nous pas tous au paradis à la fin ? Nine ne pense pas avoir besoin d’étoiles pour briller de mille feux.
Moi aussi j’ai le droit au paradis - dans dix petites années !

Alors la simplicité de ta réponse le fait rire. Lui a toujours du mal à réfléchir à sa propre question car il s'imagine tant de chose à faire en dehors de ces murs.
Nine s’esclaffe fort : cette voix horripilante qui résonne dans le stade vide - aussi vide que tes rêves

“Une coureuse ? Au paradis ?”

Fang fait à peu près la même taille. Alors ce n’est pas compliqué de se pencher pour se retrouver légèrement en dessous de son visage. Nine se présente toujours avec ses sourires ornés de moqueries.
Un des plots qu’il tenait est tombé à ses pieds.

“T’as pas d’autres ambitions ? Un autre rêve ? Tu sais que courir ?”

Il continue de sourire sans dire un mot.
Ça a sûrement duré une petite minute avant qu’il ne se baisse pour ramasser le plot qu’il venait de faire tomber. Il se retient de soupirer car il ne peut même pas en vouloir aux autres de grandir sans la tête plein de rêves - on vous promets seulement le paradis, rien d’autre, là est la difficulté de se projeter.

“Ce serait pas un peu nul qu’on fasse exactement les mêmes trucs au paradis qu’ici ?”

Ça le déçoit, qu'on n'arrive pas à faire comme dans les films.

“J’ai pas de projets particulier, non. Mais j’estime qu’on pourra faire ce qu’on veut quand on ira là-bas. Alors je ferais pas ce que je sais déjà faire. Ça n'a pas d’intérêt.”

Mais peut-être que la toute première chose qu’il fera en arrivant au paradis, c’est d’hurler très fort sa liberté.

Puis il se tait de nouveau quand tu lui proposes de te surprendre.
Nine réfléchit une demi-seconde - cela lui suffit pour avoir ses idées tordues. Alors du coin de l'œil il te guette jusqu’à ce que tu baisses ta garde - même une demi-seconde, cela lui suffit.

Nine lâche tous les plots d’un coup,
il se retourne vers toi,
te pousse de ses deux mains, très fort,
assez fort pour que tu perdes l’équilibre,
qu’il puisse te plaquer au sol,
puis te surplomber de tout son poids,
et attraper ton col,
c’est rapide - juste quelques secondes.

Puis il s’arrête, net.
Il a sûrement perdu son sourire un court instant.
C’est très court parce qu’il ricane de nouveau.

Son rire est discret pour une fois.

“... ça t’as surpris ?”

Il sait très bien que Fang n’entendait pas ce type de surprise.
Mais c’est ennuyant, de montrer qu’on sait faire la roue.

En plus ça l’amuse.
Bien sûr que ça l’amuse !
Comment ne pas rire face aux visages emplis de surprise. Les sourcils froncé de confusion, les yeux écarquillé des peur légère, les lèvres entrouvertes ne sachant jamais quoi exprimer ; on a l’air bête quand on est surpris -
comment ne pas rire ?

Nine se laisse dégager de force. Parce qu’il n’avait rien d’autre en tête - tu lui a juste demandé de te surprendre.

“C’était pour rire !”

Pour dire : ça va, pas besoin d’en faire toute une histoire ! Tout va bien !

Il se redresse à son tour.
Il n’essaie même pas de calmer ses ricanements,
s'esclaffe davantage à tes menaces

“Pitié non, ça ferait trop mal !”

Il s’approche, ni trop près, ni trop loin, les mains jointes pour imiter les excuses.
Nine se doute que ce serait une mauvaise idée de se montrer trop avenant dans l'immédiat.

“Pardon, je te jure c’était pour rire.”

On ne sait jamais si ses excuses sont sincères à cause de son sourire.
Pourtant Nine ne ment jamais.
Rarement.

“Puis je sais qu’il y a une chance que je perde si je me bat contre toi.”

Car Fang n’est pas n’importe qui.

“C’était pour rire.”

Il répète : il ne faut pas trop le prendre au sérieux, ce serait trop prise de tête.

Même si les excuses ne sont pas réellement acceptées, cela lui suffit.
Il est plus judicieux de ne pas en rajouter - il t’as déjà brusqué ! Et il ne voudrait pas se faire punir pour si peu.
Alors Nine ne dit rien. Hoche simplement la tête pour affirmer sans promettre. Puis il glisse ses mains derrière le dos afin de se priver de ses poings.
Cependant il sourit toujours.
On ne lui retirera jamais ses risettes.

“... Pourtant j’ai bien envie de voir.”

Que tu ne sais pas juste courir.
Lui aussi aimerait se faire surprendre.

“Un autre jour peut-être.”

Un jour où tu ne serais pas en colère, déboussolée par sa présence.
Il souhaite pouvoir se battre en riant à pleine dents - ça rend les choses toujours plus intenses sans se morfondre de négativité.
Et il voudrait que tu lui dises aussi, que ce sera pour rire.

“J’aurais pu les ranger.”

Les plots qui se sont retrouvés éparpillés - après tout c’était de sa faute.
Il hausse les épaules.

“Tant pis !”

Il fait un pas en arrière mais demande tout de même :

“T’as besoin d’autres choses ou c’est bon ?”

Tant qu’il est encore là - même s’il te sent tendue.

Son sourire s'agrandit face à cette nouvelle : le défi est proposé !
De sa ferveur maladive, Nine s’est mis sur la pointe des pieds un court instant - comme un léger bond - il sait parfois contenir son surplus d’enthousiasme.

“Parfait !”

Dans son dos, ses poings se serrent également.
Un rire lui a échappé.

“J’ai hâte.”

Il s’imagine déjà les gants en main, face à toi et de cette brûlante détermination qui émane sans cesse de ta personne.
Alors il espère que tu tiendras parole et ne retiendras aucun de tes coups.
Car lui le sait - lui n’hésitera pas.
Jamais.

“Je me laisserais pas faire non plus.”

C’est sur ces paroles qu’il aime décorer de provocation que Nine tourne enfin les talons. Ponctuant cet échange d’un signe de la main pour finir sur un simple aurevoir. Il quitte le stade d’une légèreté presque insolente.