amazed

Saint est penché par dessus une enceinte défectueuse. Ses doigts roulent au milieu des nombreux câbles et il peut entendre les pas de Leon derrière-lui.
Ses pensées n'allaient plus à Prim, désormais. En cet instant précis, Saint était concentré à résoudre le problème avant qu'un autre ne s'y penche. Ce n'était qu'un soucis d'orgueil, un égo à combler - pour lui, pour prouver qu'il savait faire des choses sans qu'on ne les lui demande.
Son échine ploie vers l'avant et il récupère des outils, s'arme à faire le nécessaire tandis qu'il a chargé Leon de brancher la grosse boîte noire lorsqu'il lui donnerait le départ.
Son genou à terre, Saint n'a même pas imaginé la demoiselle face à lui et toutes les louanges interminables qu'il aurait pu murmurer.
C'est une façon de s'extraire à la réalité, le travail.
C'est une activité récurrente dont il a besoin pour ne pas se faire happer par cette obsession enivrante.
Ce n'est pas la faute de Prim et pourtant, parfois, il a la sensation de couler, à force de trop l'aimer.

Ok branche Leon. Non en faite donne, je vais le faire. Si ça explose je veux pas perdre une étoile. Saint se relève et dérobe l'étreinte choyée et branche l'enceinte. Elle fonctionne ! C'est formidable. Saint souffle, il n'en peut plus, d'être ici à régler les stroboscopes dorés pour les petites starlettes de la scène.
Si la tragédie était son domaine, Saint ne voulait pas des courbures des scènes finales et des entractes à répétition.
Lui, il préfère vivre le tragique de sa future entrée au paradis, de son amour clamé sous les fenêtres qui semble rebondir contre le verre.
Bon j'ai terminé ! Viens, on va s'boire un truc là j'crève. Saint n'appréciait pas le contact - c'était une manie qu'il n'avait jamais saisi chez les autres, encore moins chez Faïr. Si sa chair s'était déjà attaché à la sienne sans intimité délicate, c'était plus par besoin de faire plaisir à l'autre. Pour lui, ce n'était qu'un moment inconfortable qu'il ne fallait pas rallonger. J'me demande elle est où Prim. J'ai oublié de la voir aujourd'hui, t'imagines ?! Comment ne suis-je pas encore mort, maître Leon... Le revers de sa main cogne à son front et Saint imite un évanouissement sans basculer le corps. Ses lippes s'étirent et son rire s'extirpe de sa cage halée. J'ai entendu une histoire sur un chat qui s'est fait péter... Toi aussi ? J'sais pas qui a fait ça, mais ça tourne pas rond là-haut.

Saint grimace et descend de la scène afin de se diriger vers la table des boissons. Il s'encombre de deux verres d'orange pour en offrir un à son petit compagnon de fortune.  

La scène n'est pas son lieu de prédilection, son âme d'artiste s'est éteinte il y a bien longtemps, au beau milieu des têtes fendues des impératrices.
Saint n'est pas assez roi pour se prétendre acteur, son attention est médiocre et si ses imitations sont parfaites, elles ne servent à rien ici.
Ses babines s'enivrent de la pulpe dans son verre, il préfère l'eau à la fraise mais ses désirs ne peuvent pas jamais toujours être exaucés.

Il ne réagit guère à la réponse de Leon. C'est maintenant, que sa passion brûle. Elle est toujours plus puissante à l'instant même, hier elle n'était que brève et demain, peut-être s'éteindra t-elle.
Ses paupières se serrent et Saint se tourne vers Leon. Triste. Saint ne sait pas s'il trouve ça triste, il abatte des animaux pour la viande, alors s'il n'est pas attristé par le sort du chaton, il trouve ça néanmoins plutôt cruel, d'avoir été cueilli pour être aussi vite fané.
Ceux qui ne savent pas s'occuper de la vie ne devrait pas à s'en occuper. Ouai, j'espère qu'il ou elle va ramasser.
Son souffle tiède se brasse au milieu de la légère brise et ses yeux s'attardent un instant sur la tenue finement préparée de ce dernier, par la couleur qui anime ses paupières et son sourire toujours radieux. Leon est mignon, Saint le pense sincèrement.

QUOI !!

Ses paumes enrobent la rondeur des bras de Leon, ses phalanges s'imprègnent à même la chair et ses pupilles sont dilatées. De quoi tu parles ? Comment ça Prim sort avec l'autre débile de Lucien ? Si c'est une vanne Leon, c'est pas drôle du tout ! Tu sais quoi ?
Ses sourcils froncent et la nature lui paraît soudainement moins belle, avec sa verdure chatoyante et ses murmures d'été.
Tout lui paraît soudainement affreux, sa pomme roule à plusieurs reprises derrière sa gorge et ses dents s'enfoncent au travers de ses lippes.

Le monde ne s'est pas arrêté à cette annonce, pourtant, il aurait dû. La terre aurait dû cesser de faire des tours, le soleil tomber et les étoiles exploser.
Non, à la place le monde tourne toujours mais lui ne sait plus quoi faire pour désamorcer la bombe qui menace de faire exploser ses entrailles. C'est une mauvaise vanne. Elle me fait juste une vanne pour me rendre jaloux, elle sait que ça va marcher ! Saint se redresse en riant de bon cœur, tout est forcé, de ses lèvres tirées jusque ses yeux plissés.

Saint n'a jamais été très doué, pour réagir aux nouvelles qui ne lui conviennent pas.