amazed

angel n’est jamais sûr de ses préférences. mais en tout cas, il ne déteste pas les cours, ni les mathématiques. il y a quelque chose de rassurant dans la logique des additions, dans le par cœur des équations, dans la satisfaction d’un résultat qui ne peut qu’être singulier. alors angel ne pense pas apprécier la compagnie de sa voisine de classe du jour.
ena - à ce côté perturbateur qui le met mal à l’aise - pas de la même façon que pablo. il n’a jamais su l’expliquer, ni le comprendre.
car ena - même s’il souhaite la soustraire de sa vie - il ne pourra jamais la résoudre.

quand elle se met à lui chuchoter des phrases qui, il en est presque convaincu, sont juste là pour le déconcentrer, son dos s’est arrondi. on dirait des réflexes, lorsqu'on se recroqueville pour cacher ses réponses des yeux de tricheurs.
mais ce n’est que ena - elle n’a rien à copier.

angel ne répond pas tout de suite. car il aurait aimé suivre le cours. et maintenant son oreille lui démange. ses sourcils se sont légèrement froncés. il sent que ça lui démange le coeur aussi. puis enfin, il daigne jeter un regard vers ce qui le perturbe dès le matin.
ce n’est que toi.

“... pourquoi tu me demandes ça, et pas à pablo”

lui ne saurait pas s'enthousiasmer de la soirée précédente. puis il n’y avait rien de pertinent à discuter avec quelqu’un qui était seulement présent dans le fond.

mais malgré les efforts, le souci reste bien là car il vient d’angel : il ne sait pas être à l’aise autour d’ena. il n’arrive pas à mettre des mots clairs dessus, il sent seulement qu’il à la boule au ventre quand elle arrive vers lui, de son pas assuré, ou lorsqu’elle lui parle et qu’elle se moque. c’est pour cela qu’il tente de t’ignorer du mieux qu’il peut - c’est plus simple que d’essayer de comprendre. c’est plus simple parce que pablo est ton ami comme son amie.

angel à grimacé - très léger, son visage à ces tendances figés que même ses moues ont cet air crispé. il réfléchit sur ce qu’il pourrait te dire mais il manque de répartie. même qu’au fond, il aurait aimé être méchant en retour - pour cette fois comme toutes les autres fois - mais rien ne lui vient en tête. et le silence s’attarde tellement que son cahier lui échappe un peu des mains. il attend sagement que tu termines de copier, mais il y a cette petite frustration qui accroît en lui. ses doigts ont légèrement froissé le papier qu’il tenait encore.
il a l’air bête - il a toujours l’air bête à tes côtés.

“... je voulais pas dire ça.” il tire sur son cahier, mais doucement, sans trop de force - c’est juste pour te presser “j’étais pas juge. je vois pas ce que j’aurais d’intéressant à raconter.” il jette un coup d'œil vers le professeur, puis revient à toi : “... tu as fini ?” il voudrait éviter de s’attirer des attentions inconfortables.

ena à toujours cet air suffisant. où on pourrait croire qu’elle est meilleure que tout le monde. et c’est pour cela qu’elle à le droit de faire ce qu’elle veut. ena n’écoute pas en classe car il suffit de copier sur les autres. ena n’est jamais en tort et les reproches seront toujours pour les autres. ena se fiche de tout, cela se voit dans ses sourires - c’est ce qui la rend meilleure qu’angel.

le professeur passe. angel a du mal à le quitter du regard. il a cette boule au ventre qui prend encore plus de place entre ses entrailles - cela lui remonte jusqu’au cœur - il est stressé à l’idée qu’il puisse se retourner. puis ta voix continue de lui démanger l’oreille. il a les poings serrés. ses ongles marqueront ses paumes sans l'horreur des égratignures.

il aimerait dire que tu te trompes. que tu mens. qu’il n’a rien d’exceptionnel. que l’épreuve non plus n’avait rien d'exceptionnelle - ce ne sont que des aînés qui se battent pour une fierté mal placée. il n’y a pas besoin de combines. il n’en fait pas. jamais. angel n’est pas comme ça - il croit - il doute - il ne sait plus vraiment.
il craint cette idée - qu’on le voit comme une personne vicieuse.
mais faudrait-il être honnête...

le professeur est de dos. assez loin maintenant. “... on m’a juste demandé de trouver leurs peurs. j’ai servi à rien d'autre. ils se sont débrouillés pour les matérialiser hier soir.” il était bel et bien sur le terrain car pablo lui a demandé - mais personne ne l’a regardé “... ils ont enfermé alfie dans un coffre pendant une heure. il a beaucoup crié au début. je crois qu’il a pleuré aussi.” sa voix était étouffée par le bois. puis dans la pénombre, il n’est plus trop sûr de ce qu'il a vu une fois libéré.
“... pour luke, ils lui ont bandé les yeux et couvert les oreilles. et il avait pas le droit à son t-shirt ni à ses chaussures.” hier il s’était fait la réflexion que c’était un peu humiliant. un peu plus que le coffre. “après il a dû marcher sur du feu sans savoir quand ça allait s’arrêter.” l’odeur de la chair brûlée lui revient à l’esprit. il grimace un peu. “et lui aussi il a beaucoup crié et pleuré.” car grâce aux braises, son visage larmoyant s’illuminait orange.
“... c’est tout.” il reprend doucement sa respiration - n’ayant pas l’habitude de parler autant - il espère que les récits d'épouvante te suffiront.

cette demande ne le surprend même pas - avec le recul c’est toujours comme cela - ena lui parle (souvent), elle se moque (tout le temps), et elle lui demande un service (toujours). et angel ne refuse jamais - parce que vous êtes amis - comme tu le dis si bien.
enfin c’est ce qui en ressort.
en réalité, angel accepte seulement pour éviter les confrontations. parce qu’il se sait perdant à l’avance; il n’aurait aucune chance, aucun mérite, aucune utilité à te dire non.
et puis- il s’imagine mis à l’écart. c’est lui qu’on tuera.
c’est sans doute le pire.
alors il dit oui.
(il hoche la tête silencieusement plutôt).

“... il n’y a pas de manières plus simple pour se venger..?” son regard tombe sur cette prochaine victime. il est un peu plus loin dans la salle. n’entend probablement rien à vos messes basses. “enfin- je le ferais s’il faut,” ce n’est pas pour remettre en questions (en vrai si, un peu), c’est juste pour connaître tes plans “...mais je promets rien. des fois j’y arrive pas.” c’est lui qui finit par se figer de peur.
il regarde de nouveau ses notes - il se rend compte qu’il ne suit déjà plus un moment. ça l'embête - mais ena l'embête encore plus.

bien sûr qu’il n’y avait pas d’autres options plus simples. ena les a déjà toutes étudiées - le plus facile c’est de faire peur. à tel point qu’il prenne la fuite en hurlant ou bien qu’il se paralyse sur place. dans tous les cas, les adolescents sont assez cruels pour se moquer injustement de ceux qui ont ces instants de faiblesse.

“... d’accord. si tu le dis.” il ne cherche plus à remettre en question tes mots et te donne raison sans broncher davantage. il apprécie presque tes encouragements et ta proposition d’entraide - on a vraiment l’air d’être amis comme ça ! il s’est efforcé à te rendre un faible sourire qui s’efface rapidement en une grimace, se mordillant les lèvres “hm.” angel se gêne tout seul.

le silence qui s’en est suivi n’était pas très long car pour une fois il préfère enchaîner pour ignorer son malaise : “... tu veux faire ça quand ?” il pense encore à son expression crispée. ces faux sourires le rendent trop conscient de sa propre existence - ses muscles se font ressentir de manière plus palpable - ça le dégoûte un peu. il songe presque à s’arracher le visage.
“je peux peut-être regarder de quoi il a peur. ce sera moins compliqué que de faire une illusion.” elles sont trop intangibles qu’un simple coup de main permet de les effacer. “comme ça tu peux l’embêter en vrai.” puis il n’aime pas quand l'angoisse de ses cibles se retourne contre lui - angel ne sait même plus de quoi il a véritablement peur à force de voler celles des autres “... et j’ai peur qu’il vienne me voir après.” quand il aura compris que rien n'était réel.

après - ce sera juste après ce cours, lorsque dans le mouvement des chaises, les blocards se dirigeront dans le boucan des fins de cours au réfectoire - après, c’est dans trente minutes à peine. les sourcils se froncent d’inquiétude, même si cela ne se remarque pas sous sa frange : angel à peur de rater, et ce sera de lui qu’on rira.

mais il n’a pas le choix, alors il hoche la tête une nouvelle fois “... d’accord.” il n’en fera pas tout un plat “désolé-” et il ne fera plus l’erreur de te partager ses craintes - c’est du bon sens ! ena ne sait pas le rassurer, elle ne s’est jamais mise à sa place et ne comprendra jamais ce qui le tourmente tant.
c’était stupide d’essayer de discuter, angel aurait du accepter tout de suite.

son regard finit par se déposer sur le dos de ta victime. angel ne bouge plus et ne dis plus rien le temps de quelques minutes - le temps de voyager dans l’esprit d’un autre, chercher ses peurs et ainsi s’imaginer à sa place.
lorsque angel revint à lui, il eut une sorte de sursaut qui le fit basculer en arrière. il a eu l’impression de tomber dans le vide alors il s’est raccroché à la table. et dans le silence studieux, le claquement de ses paumes ont résonné.
il y a un léger instant de flottement. quelques personnes se sont retournées ainsi que le professeur qui ajouta un commentaire sur la bonne tenue en cours. angel bafouille des excuses honteuses alors que ses mains se plaquent contre son visage.
il n’est plus du tout d’humeur à suivre le cours.

“...” il n’a pas bougé depuis : son visage est toujours couvert de ses mains tremblantes. une bonne dizaine minutes se sont écoulés et il ne cherche pas reparler à ena tant qu’il ne se sera toujours pas calmé. c’est bientôt l’heure de la pause déjeuner. “... il a juste peur du vide.”
tout a l’heure, sous vos pieds il n’y avait plus rien.