amazed

On lui a dit que jamais elle ne brillerait.
Que sa vie serait un perpétuel cercle sans intérêt.

Longtemps elle y a cru, Julchen.
Parce qu'elle n'a jamais été en haut de la liste. D'aucune.
Sauf de celle de son frère, où elle prend la tête de ses priorités. Elle a des carences Julchen, affectives, maternelles, paternelles.
Amicales.
Dire qu'elle aurait pu mal tourner si elle avait été faible d'esprit. Sans repère, on s'égare. Plus de limites. Alors on franchit celles instaurées par la société.
Et on hausse les épaules sans feinter l'indifférence parce que, au final, il n'y a avait rien à transgresser.

Au fond, elle aurait aimé plus, Julchen. Mais elle s’est murée dans le déni, caressant l’idée d’être différente, peut-être un peu spéciale. Ne pas avoir la même mécanique que les autres. Que sa solitude lui octroie une capacité que les autres n’ont pas ; celle de pouvoir faire ou dire ce qu’elle veut. Sans craindre le regard des autres puisque, ils sont déjà là. Depuis longtemps. A la regarder de travers. Alors autant leur donner raison. Autant ne plus se préoccuper de descendre plus bas dans leur estime puisque, déjà, elle en a touché le sol.
Et puis, au fond, elle s’en fout.
Personne n’est important à ses yeux.
Personne,
personne,
personne,
sauf Light.
ça sonne comme un mantra; où elle n’a besoin de personne car elle n’en a jamais eu besoin.
Mais au fond, Julchen, elle est carencée.



Son verni noir s'est écaillé. L'ongle cassé a laissé la trace vermeil couler le long de son index. La lutte aura été acharnée et même si elle a fini à genoux, le souffle court et l'esprit chamboulé, elle y est parvenue.

Sa tignasse en fouillis, les yeux bouffis, elle se relève Julchen, avec peine. Elle titube, une main sur la poitrine. Alors que ses résultats sont en phase d’analyse, elle n’a qu’une envie, sortir.
Sortir.
Voir la lumière.
Sa lumière.

Elle a le cœur en miette. Les lèvres tremblantes. Les oreilles en feu alors qu’elle n’entend plus rien. L’afflux sanguin qui la paralysait retombe et, au rythme de ses pas boiteux, elle franchit la porte.
Le soleil l’agresse mais elle est ravie de quitter l’obscurité.

Et les secondes défilent, lentement. Elle papillonne des yeux, couvre ses mirettes d’une main. Et son cœur s’allège à mesure que sur ses lèvres se dessine l’arc de fierté. Elle sait qu’elle a réussi et qu’importe les notes, elle tient debout et c’est pour elle, l’enfant poisseux, une belle réussite.

La silhouette qui se découvre au loin lui provoque un hoquet. Et ce sont toutes les larmes restantes de son être qui affluent et roulent sur ses joues. Un cri qui lui déchire les poumons lui éclate la gorge, alors qu’elle se précipite, bras tendu, à la lisière des sanglots, dans les bras de son frère.