amazed

there must have been a moment at the beginning, where we could have said no

à la ferme, on vient voir les animaux qui y traînent. et, parfois, on vient y voir les humains qui s'y démènent.
toi, j'sais pas. un mélange des deux ? tout le monde sait, ici, ce que tu fais, et alors quand je vois ta silhouette au loin, j'suis pas trop surprise : faut dire, c'est ton métier. c'est c'que je me dis à chaque fois, et jamais tu ne m'as donné tord.
tu m'as jamais donné raison non plus.
moi, j'ai pas de raison de douter d'toi, tu vois ?
alors je continue ; la fourche s'enfonce dans la botte de foin, et garni la mangeoire au rythme de la musique country qui passe à ce moment-là ; j'me dandine comme on le fait quand on est heureuse de son travail, et que c'est bientôt l'heure de manger. c'est ça, la vraie vie, ouais : les buts comme ça, ouais.
ça et l'amour, ouais. sous toutes ses formes, ouais. tout autour de nous, c'est là, tu sais, maddie ? dans la forme des oreilles des vaches, dans les pieds des objets qui vont se ranger tous seuls, dans la délicatesse des abeilles qui butinent, dans les bleus qu'on laisse en se frappant en tout bien tout honneur, dans les jolis nœuds qui cernent tes cheveux.
ouais, j'crois que j'ai compris un peu trop tard, maddie, j'suis désolée : en fait faut essayer d'aimer sa vie.
mads, et le chapeau qui s'incline pour dire bonjour, avant d'être remis sur le haut de la tête -il ne faut pas attraper de coup de soleil sur le reste de peau encore là. quoi, tu m'cherchais ? t'aurais pu m'envoyer un sms. ouais, c'est vrai, et derrière j'veux dire : pas besoin de mentir, tu peux avouer que tu viens me fliquer, c'pas grave, parce que moi j'aime bien. mais je crois que ça donne comme une insulte.
je m'arrête un instant, prend appui sur la fourche enfoncée dans le sol. nan, ça va, t'inquiètes ! le bras haut, le crop top qui se soulève, les cheveux qui tanguent selon le vent léger et rafraîchissant. ouais, bien sûr, si tu veux. y a un truc spécial ? j'm'inquiète pas le moins du monde -il faut essayer d'aimer sa vie, j'ai dit.

there must have been a moment at the beginning, where we could have said no

t'es jolie -tu sais, ça changera jamais, ça. c'est vrai ! les yeux blonds comme les blés, l'auréole qui fait pâlir le soleil, le noeud dans les cheveux et les vêtements bien plissés comme il faut, les pommettes hautes, arrondies comme il le faut pour les embrasser parfaitement, le rose poudré qui gomme tout ce qu'il faut à tes yeux -mais au mien, t'es belle dans tous les cas. ça changera pas, t'sais ? j'sais pas si tu sais. j'te l'ai jamais dit. j't'ai pas dit grand chose, soyons honnêtes. mais c'est normal. tu dois savoir, non ? qu'c'est comme ça, avec moi. un peu rude, un peu gauche, un peu rapide. enfin ! depuis le temps, t'as bien dû t'en remettre. t'as dû oublier. comme le nexus.
je me dis : c'est bizarre, parce que, vraiment, pour toi, c'est pas parfait, le nexus ? j'veux dire : pour noter les choses, prévenir les gens surveillés, transmettre les info aux autres surveillant-es ? mais, enfin, j'sais rien, au fond, moi, je fais juste le travail qu'on m'a appris, et je le fais bien. moi, j'dirais que ce qui est pas pratique, c'est de devoir venir jusqu'ici, de peut-être salir tes chaussures toutes propres, et de repartir ensuite, mais qu'est-ce que j'en sais ? toi à ma place tu ferais bien des erreurs ; alors moi j'm'imagine pas à ta place non plus.
je suis un peu triste à l'idée que personne n'ait voulu t'aider. ouais, bien sûr, on est toustes occupé-es, mais enfin, tout de même ! on est un club. on partage une passion ! on se serre les coudes ! on fait semblant de se détester, de s'aimer, de se jalouser, de se blesser, mais dans la vraie vie, on est sympa, non ? t'inquiètes pas, mads. tant que j'suis pas au paradis, je serais là pour t'aider. et finalement, c'est un peu pareil, non ? ouais ! ouais, et au pire, on peut faire semblant. on peut jouer au paradis.
et puis plus tu parles, plus j'trouve ça suspect. j'veux dire : si la salle est en bordel, est-ce qu'il faut pas la ranger avant le théâtre ? faut pas envoyer un message de suite ? enfin. j'dis rien. à quoi ça servirait ? ça m'va de passer du temps avec toi. ah ouais ? trop bizarre. t'as une idée de pourquoi ? moi aussi je regarde ailleurs. j'suis pas sûre de savoir mentir. j'ai l'impression que c'est sorti super mal. o-ouais, c'est vrai ! tu m'dira où mettre les trucs, et je les bougerais. ça fera une bonne équipe, ça. c'est vrai. je crois. j'sais plus. en échange, tu veux bien porter mon chapeau ? ça s'ra pour pas l'abîmer. ah. euh. ouais. pas prévu, ça.