amazed

Nine observe le ciel. Il est d’un bleu pâle. A peine rose car le crépuscule ne s’est pas encore montré. Puis il regarde l’heure. Il n’est même pas dix-huit heures. Ça l'enchante quand il a encore le temps de faire un tour de l’enclave. Nine peut alors se promener de cette insouciance puérile.
Ainsi sur les plusieurs chemins, il peut observer les blocards, décider avec qui il pourra jouer aujourd’hui. Parfois ce ne sont pas des qui mais des quoi - il apprécie aussi les animaux.

Mais à l’horizon,
il y a toujours ces grands murs.
Nine se demande s’il est possible de jouer avec les mythes des créatures du diables - celles qui empêchent les accès au Paradis en donnant une mort certaine.

A l’entrée (ou la sortie), Nine s’est tout de même arrêté. Sa tête s’est redressé au plus haut qu’un pied s’est rattrapé à l’arrière par le vertige des grandeurs. Et plus loin dans les couloirs de pierre, son pas a résonné, alors qu’un courant d’air frais lui hérisse les poils de la nuque.
Son cœur se met à battre beaucoup plus vite. Ce serait mentir de dire qu’il n’a pas peur,
il ne s’était jamais approché autant -
c’est simplement interdit.

Cependant, Nine aime avoir peur. Il aime le boucan de son cœur. Il aime frissonner par les sueurs froides. Il aime se dire - peut-être aujourd’hui je pourrais survivre encore - il se sent inarrêtable dans ces instants là, sans trop expliquer pourquoi.
Mais c’est de l'insouciance seulement. Cela se pardonne plus facilement.

(...)

Nine regarde l’heure. Il est 18h47.
Il observe de nouveau le ciel mais celui-ci est occulté sans arrêt par le sommet des murs au coin de sa rétine.
A vrai dire, il se souvient encore du chemin (à quelques détails près). Même qu’il ne s’est pas aventuré si loin que ça - il a juste marché une trentaine de minutes au milieu de ces couloirs glaciaux. Et il y a cinq minutes, il a envoyé des messages à Saki pour qu’ils puissent se retrouver. Nine est sur son terrain de jeu alors pourquoi ne pas passer du temps ensemble avant la fermeture !
L’idée lui donne des palpitations.

“SAKI !!”

En réalité, il ne lui a pas donné de localisation exacte.
Et Nine continue d’avancer.

“EST-CE QUE TU M’ENTENDS ! SAKIII !!”

Le but serait de se retrouver par destin.
C'est avec toi qu'il a envie de jouer aujourd'hui !

La voix de Saki résonne en écho à la sienne. Et Nine ricane à chaque fois -
on dirait un jeu de course poursuite,
ou de cache-cache,
il faut se retrouver, se rattraper,
quelque chose qui fait retomber dans l'insouciance enfantine.

Mais si ce n’était que ça - si ce n’était que des jeux qui font rire de bon coeur par leur légèreté - Nine n’en s’amuserait pas autant. C’est le temps qui manque, les couloirs qui se ressemblent, le froid et l’odeur d’un point sans retour ; c’est ça le plus réjouissant.
Et c’est aussi parce que ta voix sonne en colère, avec cette légère angoisse qui monte - imagine on s’éloigne tellement qu’on ne s’entend plus !

Heureusement il te fait confiance car il t’as confié la responsabilité de sa vie entre tes mains. Les coureurs ont conscience des dangers, connaissent tous les chemins, ils vont vite sans jamais douter -
C'est pour cela qu’il vous aime bien.
Qu’il admire même.

Les mains près du visage, il s'apprêtait encore à hurler ton prénom en indice de sa position. Mais tu n’en a plus besoin car te voilà (enfin) au bout du couloir !
Nine s’arrête dans ses élans - un peu comme les enfants qu’on attrape dans leur bêtise -

“Oh !”

Puis il se retourne,
une main couvrant ses lèvres,
observant de nouveau l’heure,
il semble étonné -
C’était rapide !
Vraiment rapide !!

Nine lève ses bras “Saki !!!” il a l’air content de te voir - c’est un bonheur bien plus frénétique que de simplement se sentir rassuré lorsqu’on vient nous chercher.
Il se rapproche car il s’est techniquement perdu - il n’a rien fait d'autre qui mérite d’être réprimandé. Il te prend dans ses bras. Te serre un peu contre lui -

“Tu m’as retrouvé !”

Il a même les larmes aux yeux -
Il hésite encore à entrer dans le club de théâtre.
Il te relâche puis sèche le début de ses gouttes.

“Je me demandais vraiment si tu allais me retrouver. Enfin non c’est pas vrai je n’en ai pas douté : je savais que tu allais me retrouver. Mais je perdais un peu espoir.”

C’est sans doute faux. Mais il faut être un minimum bouleversé.

“On est loin ? Il nous reste combien de temps ?”

Il observe de nouveau l’heure : il est bientôt 19h.

“... Moi je pense que ça le fait.”

Parce qu’il n’a jamais douté - il sait ce qu’il fait -
mais c’est toi l’aîné,
c'est toi le coureur !