amazed

Saki était parti en courant et Luke ne l'avait pas rattrapé. Avec les années, il avait appris à reconnaître les batailles qui nécessitaient d'attendre pour être menées. Et puis, il était lâche, Luke, un brin fatigué et pas certain de vouloir affronter la déception dans les yeux de Saki. Il sait, Luke, qu'il n'est pas tout blanc. Il sait, qu'il a son lot de casserole. Peut-être a-t-il du mal à accepter de ne plus être le grand chevalier blanc aux yeux de ses amis d'enfance. Et pourtant, il n'est pas prêt de s'arrêter.

C'est le matin et il connaît assez bien Saki pour anticiper. Aucun message pour prévenir, simplement son poing contre la porte qui frappe à trois reprises.

Ouvre.

Derrière la porte, il entend que ça s'agite. Il attend quelques secondes puis frappe de nouveau.

Faut qu'on parle Saki, d'hier.

Et il assume que sa dernière réplique suffira à le faire céder. Il sait (il espère) qu'ils ne sont pas fâchés. Il avait un peu menti à Alfie, la veille. Il y a des amitiés qu'il n'est pas capable de voir disparaître.

Je bougerai pas de là et tu peux pas sauter de ta fenêtre pour me fuir alors ouvre. J'ai piqué deux trois trucs au buffet ce matin pour toi.

Je sais, mais ça vas-y, dis le.

Il entre sans un merci, son offrande donnée et désormais libre de ses mouvements. Il se débarrasse rapidement de son sac de sport qu'il laisse tomber à ses pieds avant de poses ses fesses sur son lit et d'étendre les jambes, comme-ci il était chez lui.

D'une oreille, il écoute Saki. Il est beau Luke, pas non plus idiot. Mais il est naïf, aveugle. Parfois, il n'a aucune idée d'à quel point. Alors quand Saki questionne, demande pourquoi, Luke lèves fronces les sourcils avec la même expression qu'il a quand il traite une question, bête.

Pourquoi je le fais ? Parce que je t'aime ? T'en a d'autres des questions cons du même genre ou ?

Le ton est un peu brut, il s'en rend compte. Luke baisse les yeux, comme à chaque fois qu'il outrepasse une limite. Il prend le temps de fermer les yeux, de souffler un bon coup en levant une main dans un geste d'apaisement. Il n'est pas venu chercher la dispute.

La méthode te déplaît, j'en suis conscient.

Il ne veut pas l’inquiéter. Il ne sait juste pas comment lui expliquer, comment lui faire comprendre.

Écoutes, j'ai du pouvoir maintenant. A quoi ça sert de s'être fait chier à grimper jusqu'ici si je n'en fait rien ? On était censé profiter de... il désigne la pièce autour de lui en ouvrant les bras Tout ça ensembles.

Est-ce qu'il peut entendre ? Comprendre ?

Ça me navre autant que toi, mais ici on n'a rien sans rien. Et on n'arrivera pas à tenir nos objectifs sans quelques sacrifices.

Qu'on puisse douter de ses sentiments l'offusque. C'est qu'il ignore, Luke, les degrés d'amour qui existent ou qui peuvent simplement exister. Il lève un regard courroucé vers Saki, mais ne dit rien. Ce n'est que quand il se met à parler de pitié que, là, enfin, Luke se lève d'un bon.

Je ne te permets pas !

Les mains de Saki sur son col ont le métrite de le stopper. Le front qu'il impose contre le sien le force à soutenir son regard. Les émotions de Saki sont parasites, Luke sent sa poitrine se soulever, une certaine forme de colère envahir sa gorge. Il faut que Saki lui dise je t'aime pour qu'il se calme. Luke agite ses doigts, sans Rubik's cube pour venir l'aider à se recentrer, il pianote dans le vide des notes familières, celle de la comptine que jouait maman du temps de la nurserie.

Je n'aime pas quand tu parles de pitié. finit-il par avouer en détournant légèrement le regard. J'admets qu'on a toujours été très centré sur l'autre, Alfie et moi mais- Pourquoi c'est si dur pour toi d'envisager qu'on puisse t'aimer ?

Luke attrape doucement ses poignets, glisse ses doigts jusqu'à ses mains pour le faire lâcher.

C'est pas la pitié qui me pousse à faire tout ça. T'es important Saki. T'es important et tout ce qui s'est passé m'a fait réalisé que j'avais pris ça pour acquis. Et je veux pas, je veux plus, être ce genre de type.

Il pince les lèvres, pense à Alfie. La colère vient piquer à ses narines. Ses doigts se resserrent un peu autour des mains de son ami.

J'y arriverai.

Il le doit, il le faut, parce qu'il en a le pouvoir, parce que c'est dans son script, à Luke, de faire l'impossible. À quoi il sert, Luke, s'il ne peut même pas réaliser l'impossible ? Contre le front de Saki, il se secoue la tête, souffle avant d'éloigner son visage.

Ça devait pas se passer comme ça. La seule chose que j'ai dit à Danaé c'est de prendre les devants dans l'éventualité où Fang ne saurait pas le faire. Pour une raison que j'ignore, c'est pas ce que notre père à choisit de rapporter, mais je m'en contre fou.

Ses doigts quittent les poignets de Saki, viennent triturer les bords de son t-shirt.

Je créer des opportunités. C'est ce que je peux faire, c'est ce que je dois faire. Sinon je sers à quoi, Saki hein ? Je dois vous laissez vous démerder ? Profiter de la belle chambre et du SPA et prier qu'on nous accorde le droit de franchir les portes ensembles ? Tu sais très bien comment ça fonctionne, si on ne demande pas-

Luke se fige, baisse les yeux. Il se rend alors compte de sa propre hypocrisie. Ils ne s'étaient jamais promis de s'aider une fois au sommet. La guerre était individuelle, propre à chacun. En ce sens, Alfie avait rempli parfaitement son rôle. Personne n'avait exigé de lui d'aider les autres, tout simplement parce que ce n'était pas ce qui était attendu. Luke se rend compte que Saki à peut-être raison.

Ok. Tu sais quoi ? C'est bon champion t'as gagné. Je culpabilise.

Il se laisse de nouveau tomber sur le lit.

Mais je le répète, je le fais parce que j'ai envie de le faire, parce que t'es important. Moi aussi je t'aime abruti. J'ai juste été un assez gros loser pour pas vraiment m'en soucier jusqu'à maintenant et je-

Il prend une grande inspiration, joint ses mains contre ses genoux avant d'enfin lâcher.

Alfie m'a défié à panic! et j'ai dit oui.